22 000 places en plus, pas de sélection à l’Université… vraiment ?
Créer des places à l’Université, c’est avant tout créer des postes. On pourrait donc supposer que 22 000 places à l’Université en plus, cela coïncide avec une augmentation des effectifs chez les enseignant-es-chercheurs. Pourtant, c’est tout le contraire : le nombre de postes d’Enseignant-es – Chercheur-euses, de Professeures des Universités ou de Maîtres-ses de Conférences mis au concours n’a jamais été aussi faible : le manque d’enseignant-es est malheureusement généralisé. Cela s’inscrit dans une pénurie de postes sur le long terme : sur la période 2009-2015, 7 147 postes de titulaires ont été supprimés, alors que les effectifs étudiants ont augmenté de 280 000. Si l’on ajoute à cela les augmentations de budgets insuffisantes (et tout sauf certaines) promises par le gouvernement, on a toutes les raisons pour penser que ces annonces relèvent de la com’, plus que de réelles mesures. La preuve avec une petite explication technique du caractère imaginaire de ces 22 000 places supplémentaires : http://lesupenmaintenance.blogspot.fr.
De plus, la prise en compte des débouchés professionnels pour établir les capacités d’accueil en licence, conjuguée avec le manque de moyens des Universités, risque d’aboutir à de fortes baisses du nombre de places dans certains départements, notamment ceux d’Arts et Sciences Humaines.
60 % d’échec à l’Université, vraiment ?
La fameuse « sélection par l’échec » avec les « 60 % d’échecs à l’Université » fait partie des arguments souvent mis en avant par le Gouvernement pour justifier cette réforme. En fait, ces 60 % d’échec couvrent des réalités très différentes : étudiant-es orienté-es par défaut, faute d’avoir été pris-es dans des filières sélectives et qui se rabattent sur des filières non-désirées ; étudiant-es inscrit-es par défaut pour préparer un concours en parallèle, etc. Bref, les situations derrière les « 60 % d’échec » sont si variées (et ne signifient pas forcément une sortie du supérieur sans diplôme) qu’il apparaît totalement abusif de les regrouper en une même réalité qui justifierait la réforme actuelle. Il y a même de fortes de chances pour que la non-hiérarchisation des vœux et la sélection généralisée aboutissent à un renforcement des orientations « par défaut », qui alimenteront le taux d’échec (le taux de réussite dans une licence « voulue » en L1 est de… 58 % !). Au final, il apparaît qu’au bout de 4 ans, 58 % des étudiant-es ont un diplômes, et que seul-es 17 % sont en situation réelle d’échec (pas de diplômes validés).
Dans le même genre d’arguments mensongers, on citera aussi le fameux « tirage au sort », qui concernait en fait 2 465 bachelier-es sur 864 000... [1] Imposer une sélection injuste à l’ensemble des bachelier-es pour remplacer une sélection injuste imposée à un nombre infime de bachelier-es, drôle de logique ! Alors que ce tirage au sort est le résultat de capacités d’accueil insuffisantes, faute d’investissements conséquents dans l’Université… Rien d’irréversible !
Pas de sélection à l’entrée de la licence, vraiment ?
La sélection est la mesure la plus emblématique de la loi ORE. Les macronistes prétendent qu’elle est imaginaire. Ont-ils raison ?
Sans surprise, non. Lors des journées de formation Parcoursup à destination des personnels, la possibilité d’un « refus d’admission » est clairement inscrite. Cela signifie que les universités peuvent refuser des candidat-es, ce qui est de fait une sélection ! Les refus pourront d’ailleurs être notifiés jusqu’au 6 septembre aux bachelier-es… A un moment où l’inscription dans une autre université est donc quasiment impossible, lors de la rentrée universitaire. Un planning optimal pour permettre aux recalé-es de trouver une solution de secours ! De plus, il sera possible de pondérer les notes obtenues en fonction des différentes filières ; en clair, un 14 au bac de français en filière L aura bien plus de valeur qu’un 14 d’un-e bachelier-e STMG lors d’une inscription en lettres et langues. On a là un outil parfait pour refuser massivement l’entrée des facs aux bachelier-es pros et technos, qui sont souvent issus des couches les moins favorisées de la population française.
Pour résumer : si les promesses de places supplémentaires apparaissent comme un coup de com’ sans réalité, faute de budgets et de postes d’enseignant-es, la sélection à l’entrée de la licence (et sur critères sociaux) sera bien réelle.