Loi de programmation militaire : un recours déposé devant le Conseil d’État

La Quadrature du Net [1] et la fédération FFDN [2] déposent un recours contre le décret d’application de la loi de programmation militaire (LPM). L’article 20 de cette loi prévoit de fournir un accès élargi aux données de connexion au profit de nouveaux services de police et de renseignement, ceci sans aucun contrôle au préalable.

Cette disposition ouvertement liberticide dont le décret est passé discrètement dans un contexte où le gouvernement instrumentalise les évènements sanglants du mois de janvier pour accentuer sa capacité de surveillance et de contrôle est un danger direct pour des sites comme la Rotative et montre bien quelle est la conception de la liberté d’expression du gouvernement.

Sur son site, la Quadrature du Net propose un long article dont nous reproduisons ici quelques extraits.

« En décembre 2013, le Parlement français adoptait la Loi de programmation militaire (LPM), et avec elle plusieurs dispositions visant à parachever l’édifice juridique en matière de surveillance extra-judiciaire d’Internet : non seulement le nombre de services de police et de renseignement ayant accès aux données de connexion a été élargi, mais le champs des données concernées a lui aussi été étendu (la loi renvoie à l’ensemble des « informations et documents », « y compris » les métadonnées détenues à la fois par les fournisseurs d’accès et par les hébergeurs). Qui plus est, le dispositif ne s’accompagne d’aucun contrôle préalable de la CNCIS, l’autorité administrative indépendante dédiée au contrôle des interceptions administratives des communications, par ailleurs largement sous-dotée pour conduire à bien ses missions. Enfin, la LPM prévoit qu’une telle surveillance des communications puisse être conduite en temps réel, « sur sollicitation du réseau » des opérateurs, cette fois avec un contrôle préalable de la CNCIS, laissant toutefois craindre une aspiration massive et directe des données.

À l’époque, en plein débat sur les révélations d’Edward Snowden et alors que le gouvernement a toujours refusé de faire la transparence sur les pratiques des services français en la matière, ces dispositions — visant selon les dires de ses promoteurs à consacrer dans la loi des pratiques « alégales » (et donc illégales) — avaient suscité une vive opposition de la société civile. En dépit des appels en ce sens, les parlementaires avaient cependant refusé de saisir le Conseil constitutionnel pour évaluer la conformité de ces dispositions à la Constitution.

Le 24 décembre dernier, le gouvernement adoptait en catimini le décret d’application permettant la mise en œuvre de ces dispositions. La publication de ce décret est l’occasion pour La Quadrature du Net et les fournisseurs d’accès associatifs de la fédération FFDN d’attaquer l’ensemble de l’édifice juridique de la surveillance d’Internet qui s’est développé depuis les attentats du 11 septembre 2001. »

Lire la suite sur www.laquadrature.net.

La FFDN a elle aussi publié un communiqué que reproduisons intégralement ici :

« La fédération FDN a décidé de s’associer à La Quadratrure du Net et à French Data Network, un de ses membres fondateurs, dans leur recours devant le Conseil d’État contre le décret d’application de l’article 20 de la Loi de Programmation Militaire (LPM) promulguée le 18 décembre 2013.

L’article 20 de cette loi prévoit de fournir un accès élargi aux données de connexion au profit de nouveaux services de police et de renseignement, ceci sans aucun contrôle au préalable de la commission idoine, la CNCIS. La conservation de ces données par les hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet est imposée en grande partie par des dispositions de la LCEN (2004).

Si nous sommes amenés aujourd’hui à porter un recours devant le Conseil d’État contre ce décret, c’est parce que l’actualité européenne en matière d’accès aux données de connexion a été marquée par la décision de la CJUE d’avril 2014 d’annuler purement et simplement la directive sur la rétention des données de 2006. Cette disposition européenne n’a pas eu un effet immédiat en droit français et c’est tout l’objet de ce recours que d’amener la plus haute juridiction du droit administratif à réexaminer la conformité au droit européen des dispositions de la LCEN à l’aune des arguments de la CJUE.

La procédure va être relativement longue (compter 18 à 24 mois environ), nous publierons régulièrement des nouvelles afin de vous tenir informés. L’enjeu pour nous, associations fournissant de l’accès à Internet et ayant à cœur la protection des données personnelles et de la liberté d’expression, est bel et bien de mettre fin à un régime de surveillance intrusif, imposé et renforcé en Europe depuis une vingtaine d’années. C’est l’occasion également de réaffirmer que notre rôle d’intermédiaire d’accès à Internet n’est pas d’être une police privée des communications des adhérent⋅e⋅s abonné⋅e⋅s qui nous font confiance.

Enfin, c’est la première fois que la Fédération présente un recours devant une juridiction. C’est l’occasion de faire reconnaître par le Conseil d’État que la Fédération FDN a bien un intérêt à agir comme représentante de ses 28 associations membres et comme défenseuse des intérêts de leurs adhérent⋅e⋅s. »

Illustration : Mark Dries

Notes

[1Association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet.

[2Association regroupant des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) associatifs/alternatifs.