Lettre au directeur académique : « Tous les élèves ne pourront pas revenir à l’école en même temps »

Suite aux annonces de Macron du 14 juin, les écoles doivent ouvrir grand leurs portes. Une décision présidentielle qui met à mal, encore une fois, les salarié·es sur le terrain. Lettre rédigée par le SNUIPP d’Indre-et-Loire.

Monsieur l’Inspecteur Académique,

Suite aux annonces du retour de 100% des élèves à la date du 22 juin, plusieurs questions se posent déjà dans les écoles et pour les personnels. Nous vous demandons de protéger dans la période les personnels et les écoles qui ne pourraient accueillir tous les élèves.

En effet, la mise en œuvre des annonces du Président de la République d’accueillir tous les élèves tout en appliquant le nouveau protocole va tourner à la quadrature du cercle dans les écoles. Le volontariat des familles tournait le dos à une école égalitaire, mais l’assouplissement du protocole ne permettra pas d’accueillir tous les enfants dans ce nouveau cadre. L’architecture des écoles, la superficie des salles de classes, leur mobilier et les effectifs de classe resteront des contraintes indépassables.

Tous les élèves ne pourront pas revenir à l’école en même temps. Prétendre autre chose reviendrait à mettre l’école et les équipes enseignantes en porte-à-faux. Ces annonces présidentielles n’ont pas été anticipées avec les personnels enseignants, pourtant les premiers concernés, et une fois de plus c’est eux qu’on somme de répondre à cette promesse intenable. Cet objectif impossible contribue à jeter l’opprobre sur les enseignantes et les enseignants et renforce cette injuste prise à partie publique dans certains médias que le Président n’a pas jugé bon de dénoncer.

Or, depuis le début de la crise sanitaire, ils et elles se sont fortement engagées dans l’accueil des enfants des personnels soignants, comme dans le maintien d’un « enseignement à distance » puis dans la réouverture des écoles à partir du 11 mai. Plutôt que d’afficher une mesure symbolique à deux semaines de la sortie des classes qui ne répond pas vraiment ni à la demande des familles, ni à celle des personnels et qui oblige à revoir les organisations arrêtées depuis un mois, l’école a besoin d’un retour de tous les élèves en petits groupes et d’une anticipation de la rentrée avec la reprogrammation des apprentissages.

Une fois de plus, les annonces se succèdent, la précipitation et le flou dominent, tandis que les équipes d’écoles doivent se débrouiller seules. Il est plus que temps de leur faire confiance, de les écouter et de les informer autrement que par les médias. Ce sont elles qui tiennent le système éducatif à bout de bras.

Face à l’urgence de la situation, nous vous demandons :

  • De fournir aux écoles un courrier signé de votre main en direction des parents pour lesquels nous ne pourrions pas accueillir les enfants en raison des mesures à appliquer dans le cadre du nouveau protocole.
  • De permettre aux écoles de disposer de temps avant le 22 juin pour réaménager les classes et les écoles et réorganiser l’accueil selon les nouvelles modalités sanitaires. En effet, dans les bâtiments, le mobilier a été sorti des classes pour réaliser des îlots de 4 m², mobilier entassé dans des salles disponibles, avec tous les jeux et matériel non utilisables dans le cadre du précédent protocole. Les écoles ont donc besoin de temps banalisé afin de réaliser la réorganisation et le réaménagement des espaces de l’école dans le cadre de la reprise des élèves le 22 juin.
  • De répondre aux questions de nos collègues dits vulnérables : quelle procédure est mise en place pour ces collègues, dont la pathologie les rend toujours vulnérables au regard du Covid-19 ? Si l’étude de leur cas est soumise à la production d’un nouveau certificat médical de leur médecin traitant, contrindiquant leur retour à l’école, quelle position administrative vont-ils occuper (ASA, travail à distance…) ? Il ne paraît pas envisageable que leurs droits à CMO (congé maladie ordinaire) soient amputés, ni qu’une journée de carence leur soit opposée (surtout pour le cas où la situation serait la même en septembre). Les collègues dont un proche est à risques sont-ils dans l’obligation de retourner en classe où peuvent-ils poursuivre leur travail à distance ?
  • De nous indiquer l’organisation du remplacement des collègues qui ne seront pas autorisés à reprendre le travail en présentiel. Le non-brassage des groupes interdira de répartir leurs élèves dans d’autres classes.

Nous vous alertons sur l’impossibilité matérielle d’appliquer notamment la règle de distanciation « d’1 mètre en latéral » . Nous appelons toutes les écoles à déposer une fiche RSST indiquant cette situation et les déchargeant de toute responsabilité.