Le « travail ménager », son « partage inégal » et comment le combattre

Parce que le travail ménager, et plus largement le travail domestique, est encore très loin d’être partagé entre hommes et femmes dans les couples hétérosexuels, parce qu’en vérité les progrès sont en la matière infinitésimaux, voici une série de textes de Christine Delphy proposés à la lecture (ou à la re-lecture) sur le site Les Mots Sont Importants.

« Le fait que le « travail ménager » pèse quasi-exclusivement sur les femmes est une question épineuse pour tous les mouvements féministes ; c’est dans ce domaine que l’on constate une absence quasi-totale de changement. C’est à la fois une des manifestations les plus flagrantes de l’inégalité entre les sexes, qui devrait, par sa visibilité même, être facilement corrigeable, et un défi pour les stratégies d’égalité, car c’est là aussi que l’action militante trouve sa limite. En effet ce « partage inégal » – cet oxymore qui signifie l’absence de partage – ne semble pas contraint, mais le résultat d’arrangements à l’amiable entre deux personnes adultes et libres. Interrogées, une bonne partie de ces personnes adultes et libres, et surtout les victimes de l’inégalité, se déclare très insatisfaite de cet arrangement, mais ne sait pas non plus comment le modifier sans remettre en question la relation conjugale (Roux et al., 1999).

Le travail « ménager » ou « domestique » a été beaucoup étudié depuis trente ans. Il n’y a pas eu en revanche d’avancée dans la découverte de solutions au « problème » qui a ainsi été posé, tant dans un cadre militant que dans un cadre universitaire, si l’on excepte la campagne « Salaire pour (ou parfois « contre ») le travail ménager » animée par Selma James dans les années 70. Cette suggestion – le versement d’un salaire par l’Etat – n’a pas eu de retentissement favorable en France, bien au contraire. Si cette solution a été rejetée par les féministes, la classe politique en revanche la ressort périodiquement ; les mesures sociales « en faveur des femmes » constituent dans plusieurs pays européens l’équivalent ou au moins l’embryon d’un tel salaire ou dédommagement. Mais le mouvement féministe en général ne les a pas appréhendées ni étudiées en tant que telles, et s’est contenté de s’élever contre les mesures nouvelles telles l’APE (Allocation parentale d’éducation) qui enlèvent du marché du travail des femmes qui y sont déjà ; les mesures plus anciennes qui ont le même résultat ne sont pas examinées ; pas plus que les raisons pour lesquelles un nombre de femmes de plus en plus réduit, mais qui reste important, n’arrive jamais sur le marché du travail.

Il existe cependant quelques pistes d’action : non pas des leviers pour changer d’un jour à l’autre la situation, mais des revendications qui pourraient, si elles étaient satisfaites, saper au moins quelques-uns des piliers institutionnels qui étayent la construction de cette inégalité « privée ». C’est le sujet de cet article. »

La suite de cet article est disponible sur le site Les Mots Sont Importants.