Le Kyma : itinéraire clandestin

Vendredi 16 janvier, Le Kyma, groupe tourangeau, jouait son dernier concert, au Temps Machine. En seize ans d’existence, Le Kyma a développé un son engagé et manié les problèmes d’un monde qui bouge en marge de tout le rap français. Retour sur le parcours d’un groupe qui jamais n’est sorti de la clandestinité.

J’ai déjà rencontré le Kyma. C’était en 2012, pour le site La Dernière Phalange. Je les ai ensuite recroisés plusieurs fois, de façon informelle à l’issue de certains de leurs concerts. À chaque fois, au-delà du lien tissé avec leur musique, j’ai été conforté dans l’impression laissée par leurs disques, par les albums de groupes d’une trempe similaire (Première Ligne, Calavera, Monsieur Saï, pour ne citer qu’eux), ainsi que par ce premier entretien rempli de détermination et soulevant des paradoxes : tout un pan du rap français existe en marge. En marge des codes usuels du rap, en marge des médias spécialisés, en marge des lieux où cette musique semble se pratiquer, en marge même de l’Histoire de cette musique. Dans les bars, les salles associatives ou alternatives où j’ai pu voir le Kyma jouer, une phrase de Cesko, leur MC et beatmaker, a résonné plusieurs fois dans ma tête : « sur le bas côté, on hoche la tête sur fond de basse ».

Car en effet, jamais nous ne croisons le Kyma sur une mixtape ou au détour d’un posse-cut ou d’un freestyle radio. Jamais on ne voit leur nom sur le flyer d’un festival hip-hop ou en page d’accueil d’un webzine. Ils vous répondraient sûrement qu’ils l’ont bien cherché et que ça leur va très bien. Malgré tout, lorsque l’on se penche de façon rationnelle sur ce qui fait le groupe, la surprise n’en est que plus grande : un duo formé d’un MC/Beatmaker (Cesko) et d’un DJ (Fysh). Des débuts en 1999 par une mixtape qu’ils organisent. 5 albums aux textes engagés, peuplés de samples et de scratches. Une claque prise avec L’homicide volontaire d’Assassin. Des concerts introduits à coup de phases de Booba, Casey ou Sefyu. Finalement, quoi de plus traditionnellement rap français ?

Et pourtant, en seize ans d’existence, le groupe a traversé cette musique en laissant ses phases dans la marge. « Il y a toute une scène du rap indé qui est un ghetto. Les vibrations ne dépassent pas les murs de ce ghetto et ça me gêne un peu » dit Cesko dans l’entretien que vous allez découvrir. C’est aussi pour ça que quand à l’automne 2014, j’ai appris que Cesko et Fysh décidaient de clôturer l’aventure du Kyma par une dernière date le 16 janvier 2015, j’ai décidé qu’il n’était jamais trop tard pour mettre en lumière une facette du rap français dont on ne parle que trop peu. Celle de ces groupes de rap qui s’engagent à 100% tout en regardant cette musique sans en faire vraiment partie, qui jouent dans les bars, les squats et les lieux alternatifs devant ceux qui ont « le mauvais kromozom » comme ils disent. Voilà pourquoi j’ai appelé cet entretien Itinéraire Clandestin. Car au-delà d’être le titre de l’un des morceaux phares du Kyma, c’est bien d’un itinéraire clandestin qu’il s’agit. Bienvenue dans la réalité de l’un de ces quelques groupes qui évoluent presque en dissidence sur des itinéraires jamais vraiment balisés par le rap français avant eux.

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