Le mois dernier, on a reçu plusieurs mails dans la boite de La rotative contenant un lien vers le site du Goat Club. Comme les concerts de punk organisés au Canadian me manquent, et que l’initiative avait un chouette goût de DIY [1], j’étais assez curieux du truc. Mais la première règle du manifeste précisait qu’« il est interdit de parler du Goat Club » ; j’ai donc laissé tomber.
Depuis, la règle a changé. S’il est toujours interdit de parler des « clubs » existants (les lieux accueillants), on est encouragés à faire connaître l’initiative. Entre temps, le Goat Club revendique 150 spectacles organisés, 80 groupes et artistes référencés allant du R&B au grindcore, et même une sorte de festival avec 20 concerts se déroulant simultanément dans 20 clubs différents. Bilan sécuritaire et sanitaire revendiqué : zéro contrôle de police, zéro transmission de covid.
C’est que le Goat Club a plutôt bien pensé les choses : son manifeste prévoit des jauges déterminées d’un commun accord entre accueillant·es et artistes, un public sur invitation et encouragé à la discrétion, et quelques recommandations sanitaires (certains clubs imposent le port du masque, d’autres non, un certain nombre de concerts ont lieu en extérieur). Les relous ne sont pas les bienvenus, c’est aussi inscrit dans le manifeste [2].
Ce monde d’après dont tout le monde parle, le Goat Club est à peu près persuadé que c’est à nous seul.e.s d’aller le chercher et que la culture rejaillira tôt ou tard par des biais par lesquels on ne l’attendait plus (dans la rue, chez les gens, de manière accessible, pour tout le monde, tout le temps), et qu’on assistera bientôt à des fêtes de la musique 365 jours par an avec des bars clandestins citoyens à tous les coins de rue qui prônent tout comme le Goat Club la décroissance, l’anticapitalisme... la redécouverte du sens, de la liberté et d’une certaine forme de bonheur.
Extrait du manifeste du Goat Club
De l’avis des potes qui ont accueilli des concerts ou qui s’y sont rendus, la dynamique fonctionne à merveille. Et revoir les noms de groupes locaux dont on n’a pas de nouvelles depuis plus d’un an fait franchement plaisir. Sans attendre une hypothétique reprise des concerts dans les bars, sans dépendre des mesures absurdes fixées arbitrairement dans les ministères, actant que la plupart des festivals de l’été seront annulés, le Goat Club organise la rencontre entre des artistes et un public, dans une dynamique autonome et radicale.
Le défraiement des artistes passe d’ailleurs par une politique du prix libre revendiquée comme une démarche solidaire et anticapitaliste. Le Goat Club assume de ne pas proposer de cachet intermittent, et défend « l’art amateur pratiqué avec passion », quitte à faire grincer des dents parmi les artistes professionnels. Les grincheux·ses sont invité·es à « attendre tranquillement [leur] "monde d’après" en continuant d’exercer [leur] passion dans le monde présent comme par exemple en enchaînant les résidences de créations dans des salles subventionnées sans public en échange de cachets intermittents pour préparer des spectacles qui ne tourneront probablement jamais ».
C’est pas tous les jours que Tours voit naître une initiative culturelle autogérée et revendicative. Et faute de pouvoir aller danser sur les goodies de DJ Kéké à Aucard, j’espère bien pouvoir m’ambiancer dans un jardin dans les prochaines semaines.
J.