La politique nauséabonde de François Hollande, un siècle d’héritage

A coup d’émotions et de postures, le jeu politicien contemporain est devenu un show. Mais la farce ne tient pas si notre mémoire sociale est en éveil.

Lorsque les mots perdent leur sens
les gens perdent leur liberté.
Confucius

L’actuel gouvernement perpétue, améliore, puis explose la politique de Sarkozy en matière d’immigration. Il n’y aura eu ni répit, ni inflexion à la baisse, bien au contraire.
François Hollande est passé de la promesse de faire participer les étrangers à certains scrutins en 2012, à la déchéance de nationalité pour les binationaux (prés de quatre millions de personnes en France).
La déchéance nationale est un vieux fantasme de l’extrême droite, une volonté de la droite sarkozienne, Hollande recycle, passe les plats, accommode la sauce, les vautours viennent au festin.

Plus grave, le pays sombre, anesthésié par la mise en scène de l’émotion à renfort d’articles sécuritaires. Depuis un an, le mensonge est permanent, le poison liberticide est nommé remède, la peur de l’autre attribue un camp, puisque nous sommes en guerre et que nous n’en n’avons pas fini avec le terrorisme.
Sur la base de quels chiffres ? de quels faits ?… secret défense, circulez y a rien à voir.
Stigmatiser « l’Islam », « les musulmans », pour mieux faire oublier que les assassins de Charlie Hebdo, puis ceux du 13 novembre étaient français, ni plus, ni moins que les quelques centaines de racistes qui ont manifesté en Corse début janvier, sans être empêché de déambuler au nom de l’état d’urgence.

Comme le dit Maxime Le Forestier, il y a deux sortes de gens : les gens bien et les terroristes.
Les initiatives liberticides évitent les questions qui fâchent. Quel désespoir peut bien animer de jeunes gens pour qu’ils n’aient que l’envie de tuer et s’autodétruire ?

De Briand à Hollande, retour sur le parcours de quelques socialistes

Trahir les idéaux pacifistes et humanistes, servir le colonialisme, n’est pas une fausse note de l’administration hollandaise, c’est une tradition de la gauche de gouvernement qui a la peau dure.
Un peu de mémoire ne fait jamais de mal, la connaissance de l’histoire sociale est vraisemblablement la meilleure de nos alliées.

Aristide Briand

Homme lettré, clerc de notaire, proche des révolutionnaires, de l’anarcho-syndicalisme, député socialiste il soutient la grève générale, jusque-là tout va bien.
En 1906, il est nommé ministre de l’instruction publique, et devient alors un soutien de Clemenceau. Puis Briand devient ministre de la justice en 1908, et se montre hostile au droit de grève des fonctionnaires.
En 1910, alors chef de gouvernement, il révoque plusieurs milliers de cheminots pour faits de grève (entreprise criminelle, violence, désordre et sabotage) ; avec Clemenceau, il sera le briseur de grèves de ce début de siècle. Ministre de la guerre, il soutiendra les initiatives meurtrières du général Nivelle pendant la première guerre mondiale.
Fâché avec Clemenceau, il optera pour la droite chrétienne en intervenant au Vatican pour l’élection de Deschanel.

Jules Moch

Polytechnicien, ingénieur du génie maritime, adhérent à la SFIO, Jules Moch accède au Ministère de l’intérieur en 1947. La France connaît une période de reconstruction. Les mineurs, entre autres, se sont investis dans cette tâche d’après guerre. Mais aucune reconnaissance sociale ne vient. Au contraire, les salaires enregistrent un recul de 30 %, la CGT appelle à une grève en 1948. Cette période est aussi marquée par le plan Marshall, la création de FO avec la complicité des dirigeants en place, et de la CIA. C’est aussi le début de la guerre froide.
Contre 15 000 mineurs solidaires occupant le fond des puits, Jules Moch envoie 60 000 CRS ! Il fait licencier 3 000 mineurs, la répression fera 6 morts.

Il faut rappeler que de nombreux membres de la SFIO, en situation de responsabilité politique, ont appuyé le plan Marshall, appelé à la création d’un syndicalisme anticommuniste (Force Ouvrière) et œuvré à l’encontre des mouvements sociaux de cette époque. Outre Jules Moch, il y eut également Léon Blum pour favoriser ce qu’on appelait pudiquement « l’aide américaine ».

François Mitterrand

Personnage contrasté, qui a acquis une dimension d’intouchable. Cet homme commence à militer en 1934 aux « Croix de feu » (mouvement politique fasciste), puis est sympathisant de la Cagoule (organisation fasciste, secrète et armée, ne reculant pas devant les meurtres), avant d’être un contractuel du gouvernement de Vichy ; il deviendra résistant après 1942.
André Bettencourt, ancien de l’action française, l’embauchera chez L’Oréal après la guerre, comme directeur de publication du journal.
Mitterrand a toujours assumé d’avoir fait fleurir la tombe de Pétain, à l’Île d’Yeu, de 1987 à 1992.

En 1954 il est Ministre de l’Intérieur, opposé à l’indépendance de l’Algérie. Il déclare « La rébellion algérienne ne peut trouver qu’une forme terminale : la guerre », puis « L’Algérie, c’est la France ». Garde des sceaux, il donne son accord pour l’exécution des résistants algériens en 1957, parmi lesquels des membres du parti communiste algérien. 45 exécutions expéditives seront également « couvertes » par Mitterrand [1].
Huit fois ministre, quatre fois secrétaire d’État, sous le gouvernement provisoire, lors des quatrième et cinquième républiques, puis sénateur, il accède à la présidence en 1981, fort de 110 propositions, pas toutes honorées, loin de là.

Il y eut des avancées sociales, mais dès 1982, la pause sociale annonce le reniement, les reculades. Le syndicalisme fait les frais de la « génération Mitterrand », le rapport de force s’écroule, la mise en orbite des partenaires sociaux casse alors la dynamique des luttes, les effectifs syndicaux s’effondrent.
Le parti socialiste, de 1982 à 1995, assume fièrement la casse de la sidérurgie, de la navale, des mines, sans contrepartie sociale (les grands gagnants sont, entre autres, la famille De Wendel, dont le Baron Seillères est un héritier). C’est aussi la politique du franc fort, la désindexation des salaires sur les prix, l’arrêt de l’échelle mobile pour calculer les salaires et donc le blocage des salaires (encore en vigueur aujourd’hui), la coordination des infirmières en 1991 est reçue au canon à eau, alors que Mitterrand déclare : « Notre société doit être plus juste pour ceux qui se dévouent sans compter » (ah, l’humour socialiste !).

C’est aussi l’affaire du Rainbow Warrior, les Irlandais de Vincennes, les écoutes de l’Élysée, le financement du parti socialiste, le soutien politique et financier aux Hutus pendant le massacre de près d’un million de Tutsis, l’implication et les scandales financier de la Francafrique ...Bref, du socialisme qu’on vous dit ….
En 1981 Le Pen n’arrive pas à réunir 500 signatures pour la présidentielle, en juin aux législatives il fait 0,18 %. En 1982 le FN obtient 12,60 % des voix à Dreux, en 1984, dix élus FN rentrent à l’assemblée. À la fin du second septennat de Mitterrand, Le Pen fait 15 % aux présidentielles, avec des pointes à 35 % dans le Var et les Bouches-du-Rhône.
Tonton n’a pas jugulé le chômage non plus, qui passera de 5,5 % à près de 10 % — pour l’inversion de la courbe, c’est râpé. Apparemment le legs a été transmis.

Le précédent de 1956 : la gauche plurielle au service du front républicain et de Guy Mollet

On se rappelle il y a peu, le vote scélérat de 571 député(e)s, sur 577, le 19 novembre 2015, soutenant l’état d’urgence de Hollande.

Le 12 mars 1956, l’ensemble des députés de gauche votèrent les pleins pouvoirs à Guy Mollet en vue « du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire » (en Algérie). Voilà ce que précisait le texte qui fut adopté à l’Assemblée Nationale, le 12 mars 1956, par 455 voix, y compris celles des 146 députés du Parti Communiste Français, contre 76.
Bien sûr, la campagne de Guy Mollet était axée précédemment sur la paix et la coopération.
Pour mémoire les différents bilans de la guerre d’Algérie oscillent entre 250 000 et 500 000 morts, pour une population de 11 millions d’habitants en 1962.

Bernard Kouchner

Avant d’aller flagorner et cirer les pompes comme ministre chez Sarkozy, le héraut de l’ingérence humanitaire a fait, en 2003, un rapport « humanitaire » en faveur de Total [2], en Birmanie. Il y affirmait que la multinationale n’avait aucun conflit d’intérêt avec la Junte au pouvoir à Rangoon.
Le rapport Kouchner blanchit le pétrolier. Il met en exergue le réel investissement social et sanitaire de la compagnie au service des habitants du secteur du gazoduc. Mais l’enquête s’arrête là et ne dit rien, par exemple, des retombées financières pour la dictature. Rémunéré 25 000 euros pour deux mois et demi de travail, M. Kouchner assure, après coup, qu’il ne modifierait pas une virgule à ses écrits. « Rien ne me laisse à penser que le groupe ait pu prêter la main à des activités contraires aux droits de l’homme », déclare-t-il au Monde. Sur les faits allégués de « travail forcé », il ajoute «  Je suis sûr à 95 % que les gens de Total ne sont pas capables de faire ça, ce ne sont pas des esclavagistes ». M. Kouchner assure par ailleurs n’avoir « certainement pas fait ça pour de l’argent » (Le Monde, 13/06/2011).
Ce rapport a été versé au Tribunal de Nanterre par Total pour se défendre contre des réfugiés Birmans, qui portaient plainte pour « crime de séquestration », « travail forcé », pas plus, pas moins.
Merci Bernard !

2016, le duo infernal des fabricants de gouffre

Hollande, petit veinard dans la cinquième République, a attaqué son mandat en 2012 avec une majorité institutionnelle unique dans l’histoire : Sénat, départements, régions, communes, Assemblée Nationale, présidence.
Braderie des droits sociaux, politique sécuritaire, politique internationale colonialiste, tripatouillage de la constitution, enrichissement du patronat, répression accrue du militantisme social et écolo, recours au 49-3, aux décrets. Celui qui voulait inverser la courbe du chômage a renforcé celle de la pauvreté.
Ses choix politiques ont payé cash, il ne lui reste qu’à perdre l’hémicycle et son fauteuil. Son conseil en stratégie, Manuel Valls, directeur du cabinet Rocard en 1997, avait déjà planifié une stratégie sécuritaire à la mairie de Vitrolles face à Catherine Mégret [3]. On connaît la suite. Chapeau l’artiste !

Il reste un peu plus d’un an avant que Marine Le Pen ne prenne les clés ou qu’un sursaut salutaire anime le paysage politique. En 2017, l’Histoire risque de nous repasser les plats, une élection grotesque de plus nous donnerait le choix entre le pire et le pire. Imaginons un état dirigé par le Front National, doté d’une constitution et d’un code pénal renforçant l’état policier.

Fort heureusement l’histoire nous montre aussi que les meilleurs choix pour le progrès social ne sont pas forcément issus des urnes, ces choix dépendent de nos révoltes, de notre capacité à désobéir et bâtir des utopies.

Michel ANCE
ouvrier du Livre

http://piquetdegreve.blogspot.fr/

P.-S.

Pour une approche parallèle du même sujet, vous pouvez lire ou relire l’article « Petits rappels historiques à l’usage des représentants de la social-démocratie ».

Notes

[1À ce sujet, lire Mitterrand et la guerre d’Algérie, Benjamin Stora, chez Calmann-Lévy.

[2Cf. http://birmanie.total.com/fr/publications /rapport_bkconseil. pdf

[3Épouse de l’ex-numéro 2 du Front National, Bruno Mégret, qui ne pouvait se présenter car inéligible du fait de sanctions pénales.