La fin du silence des victimes

Le samedi 12 septembre 2020, à 14h sur la Place Jean-Jaurès, à Tours, aura lieu la manifestation statique nommée « Je te crois » par le collectif caennais à l’origine de l’appel national, les Sœurcières [1]. Cette action est indispensable. Parce qu’il est temps que les victimes soient entendues, crues et soutenues. Parce que l’agression sexiste ou sexuelle est une violence, et la loi du silence une violence supplémentaire.

Nous avons trop longtemps pensé que les agressions sexistes et sexuelles étaient de la responsabilité des victimes. Que les violences auraient pu être évitées si ces dernières s’étaient vraiment débattues. Que sans bleus ni sang, il n’y avait pas véritablement d’agression. Nous avons trop longtemps admis que les femmes aimaient être contraintes et malmenées. Qu’elles disaient « non  » mais pensaient « oui  ». Qu’elles ne cherchaient qu’à se venger d’une histoire conflictuelle [2]. Qu’elles n’étaient que des hystériques enragées qui imaginaient des viols qui n’avaient jamais eu lieu. Qu’elles étaient consentantes puisqu’elles avaient invité leur agresseur chez elles, accepté leur invitation à boire un verre, donné leur numéro, gardé contact ou l’avaient revu.

Nous avons trop longtemps cru que la sexualité masculine était pulsionnelle et incontrôlable. Que les accusations envers les agresseurs, harceleurs et violeurs étaient injustes. Que tout ça n’était qu’un malheureux malentendu. Que leur vie allait être brisée si la victime parlait. Les agresseurs, harceleurs et violeurs ont trop longtemps transformé les faits, menacé leur(s) victime(s) de représailles. Et les hommes célèbres, en tant qu’oppresseurs jouissant d’un prestige incontestable, ont trop longuement profité d’une double impunité [3] et les victimes d’une double peine : celle d’avoir été agressées, harcelées ou violées, puis celle d’avoir été licenciées et définitivement blacklistées.

Photographies prises lors de la manifestation statique « Tu étais habillée comment ? » le 11 janvier 2020, à Caen © Les Soeurcières

La police a refusé trop de plaintes, soutenu trop d’agresseurs, de harceleurs et de violeurs, nié trop de violences, privé trop de victimes de protection, bafoué trop de droits. La police a été à l’origine de trop de moqueries, de remarques sexistes, racistes, LGBTphobes et validistes [4], a questionné de trop nombreuses fois le « mystérieux » délai entre l’agression et la venue des victimes au commissariat, en oubliant l’existence des mécanismes psychotraumatiques qui empêchaient ces dernières de parler. Alors, dans le doute, on a fait bénéficier les agresseurs, les harceleurs et les violeurs d’une impunité totale, et on a classé l’affaire sans suite.

Les victimes se sont alors senties coupables, impuissantes, ont retiré leur(s) plainte(s), elles ont eu honte, se sont empêchées de sortir, de boire ou de s’habiller comme elles l’entendaient.

Il est temps que tout cela s’arrête. Parce que mettre fin au pouvoir des agresseurs, à l’impunité des harceleurs, au déni des violeurs, c’est sauver la vie de toutes les victimes du patriarcat.

Parce que la prochaine, c’est toi, ta sœur, ta pote, ta mère ou l’inconnue à côté de toi.

Parce que le violeur, c’est toi, ton frère, ton pote, ton père ou l’inconnu à côté de toi.

Des féministes tourangelles.eaux

Notes

[1Si, en tant que victime de viol, d’agression sexiste ou sexuelle ou de harcèlement, vous souhaitez participer à cette manifestation statique, il suffit de nous envoyer la phrase que vous souhaitez voir apparaître sur votre pancarte à l’adresse e-mail suivante : jetecroistours@gmail.com. Le jour-J, vous pourrez porter votre propre pancarte (que nous nous serons chargé.e.s de créer) ou choisir de la donner à quelqu’un afin que cette personne la porte. Pour plus d’informations, contactez le Collectif des collages féministes de Tours sur Instagram (collages_feministes_tours), Twitter (@CollagesTours) ou Facebook (Collages féministes – Tours).

[2Enquête Ipsos : « Les français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles »

[3À l’image, localement, de Philippe Vendrix, l’actuel Président de l’Université de Tours accusé de harcèlement sexuel et moral par trois de ses collègues depuis l’été 2018.

[4Enquête du Tumblr "Paye Ta Police" et du collectif Groupe F publiée en 2018.