Dans l’histoire de la FNSEA, XavierBeulin restera comme le premier président à avoir dû expliquer à sa base qu’il était « paysan », « lui aussi ». À Saint-Brieuc, le 2 juillet 2015, pour les éleveurs en colère, ça n’allait pas de soi. Mais alors pas du tout. « Je suis paysan, tu es paysan… » martelait le patron de la FNSEA proposant le tutoiement, sans succès. « Non, non, un tout petit paysan, il a du mal à tutoyer les grands paysans comme vous », protestait Nicolas. « On n’a pas le même quotidien ! » criait un autre. « Contactez vos copains au ministère », renchérissait Nicolas. « On est en train de crever tous les jours ! » lâchait encore l’éleveur.
En 2015, l’année des sifflets pour lui, Xavier Beulin soutiendra lors d’une interview qu’il « vit comme les paysans » qu’il « défend » : « les mêmes difficultés », « les mêmes contraintes », prétend-il. En réalité, Xavier Beulin n’est plus paysan depuis longtemps. Bien rares sont les images de lui dans sa ferme… parce qu’il n’en a plus. Contrairement à la plupart des syndicalistes qui rejoignent leur exploitation après leurs journées de militantisme à Paris, Xavier Beulin, lui, se rend au 11, rue de Monceau, dans le VIIIe arrondissement de Paris, siège du groupe Avril-Sofiprotéol, un fonds coopératif qu’il préside depuis 2000. Le siège de la FNSEA n’est qu’à quatre pâtés de maisons de là, au 11, rue de la Baume, dans le même arrondissement parisien. Et lorsqu’il rentre chez lui, c’est pour retrouver un appartement loué rue Bois-le-Vert, en plein XVIe arrondissement.
Selon les informations obtenues par Mediapart, il peut aussi rejoindre Orléans, sa région d’origine où il a acheté une résidence principale, en 2003, puis un immeuble dans le centre historique, en 2005. Pour ses vacances, c’est à Gammarth, en Tunisie, qu’il a investi en achetant un terrain, en 2007, pour y construire une villa. Dans cette zone résidentielle où plusieurs membres du clan de l’ancien dictateur Ben Ali – son beau-frère Imed Trabelsi, ou l’homme d’affaires Aziz Miled… – ont multiplié les opérations immobilières destinées à la jet-set avant la chute du régime.
À la question de savoir si ces investissements dans la pierre l’avaient conduit à acquitter l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – le plancher était alors de 790 000 euros de patrimoine –, Xavier Beulin n’a pas répondu à Mediapart. Il a en tout cas opéré, en 2012, une donation à son fils de sa part de sa résidence principale à Orléans, en en conservant la nue-propriété, allégeant ainsi l’assiette de son patrimoine. Il possède en outre une part symbolique dans une SCI qui loue des locaux à l’enseigne Carrefour, à Ingré, au nord d’Orléans. Un comble, vu du syndicat qui prend si souvent pour cible la grande distribution.
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Rue de Monceau, le groupe Sofiprotéol, fondé par des associations de producteurs d’oléagineux et de protéagineux, aujourd’hui rebaptisé Avril, a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 6,1 milliards d’euros, et englouti la moitié de la collecte française de colza et de tournesol. Ce géant agroalimentaire possède les huiles Lesieur et Puget, les œufs Matines, les biocarburants Diester, et il fournit aussi des aliments aux éleveurs, à travers sa filiale Sanders. Initialement dirigeant de la Fédération des producteurs d’oléagineux et protéagineux (FOP), Xavier Beulin est donc un acteur important de l’industrialisation de l’agriculture et de la concentration des exploitations.
Il est aussi représentatif d’un nouveau modèle de “grands paysans” apparus sur certains territoires, parfois extérieurs au monde agricole, qui délèguent le quotidien à des chefs de culture et ne mettent plus les pieds sur leurs terres. Ainsi, Mediapart a retrouvé ce qui tient lieu de ferme à Xavier Beulin. C’est une grange, ouverte à tous les vents, sur laquelle un écriteau et une simple boîte aux lettres signalent le siège de la société agricole du dirigeant syndical : l’EARL Quadrige. Une ferme fantôme, qui ne dispose même pas d’un lavabo…
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