Et si la NR ne titrait ainsi que pour surfer sur le racisme ambiant et engranger du "clic" ou de la "vue" ? Peut-être, cela n’en serait pas moins grave. D’autant que le quotidien est coutumier de ce type de titres et n’oublie jamais de mentionner, dès qu’il en a l’occasion, que des Roms seraient impliqués dans telle ou telle affaire de petite criminalité. Ainsi, pas besoin de se plonger dans leurs archives pour trouver trace d’un précédent, à peine moins excessif que le titre de la brève du jour.
La Nouvelle République arguera sûrement de son objectif d’information complète et nous répondra sans doute que passer sous silence l’origine des coupables serait un manquement grave à cet objectif et au droit à l’information des citoyens tourangeaux. Une fois de plus, cet argument est parfaitement spécieux et en mentionnant avec force l’origine ethnique des personnes incriminées, la NR fait une fois de plus l’impasse sur des explications sociales, pourtant sans doute bien plus pertinentes (savent-ils seulement ce que "social" veut dire ?). En effet, est-ce parce qu’on est né à l’Est de l’Europe qu’on est condamné à squatter et voler pour se nourrir ? Ou, serait-ce, plus prosaïquement, parce qu’on est dominé et (très) pauvre ?
Notons que parallèlement à ces deux affaires, des mineurs se sont fait pincer à piquer du cuivre dans une clinique désaffectée de Tours. La NR relaie l’information mais ne mentionne nullement l’origine géographique ou ethnique de de ces ados, qui ont été gentiment remis à leurs parents. Du coup on peut imaginer qu’ils ne sont pas Roms mais on s’interroge alors : sont-ils tourangeaux, blésois, orléanais ou encore hauts-savoyards ? On n’en saura rien en lisant la NR. Les Roms semblent être les seuls à bénéficier de ce traitement d’exception. Sans doute parce que leur appartenance à une catégorie effrayante de la population suffit à expliquer leurs méfaits ?
La Nouvelle République, une fois de plus, hurle avec les loups. Elle aurait tort de se priver tant le traitement réservé aux Roms que ce soit par les journalistes ou les politiciens de toutes obédiences, jusqu’au sommet de l’État [1], est unanime et uniforme dans sa bassesse.
Qu’on ne s’étonne pas alors, que certains se sentent légitimés dans leur racisme le plus primaire et que les exactions à l’encontre des Roms, régulièrement présentés comme responsables de tous les maux du pays, se multiplient. Quand les journalistes de la NR comme de tant d’autres médias [2], prendront-ils conscience du rôle qu’il jouent dans la diffusion d’idées nauséabondes ? Mieux, quand feront-ils le travail, sérieux celui-là, qui consisterait à démonter les fantasmes racistes qu’entretiennent les élites politiques ?
Darius
Illustration : Journalistes sous la dictée du ministère de l’Intérieur en 1932. Celui-ci, Camille Chautemps, a également été maire de Tours dans les années 1920. Rien ne nous est parvenu concernant les positions des journalistes de l’époque, la NR n’existait pas encore.