Intermittents : à Avignon, le député Jean-Patrick Gille se met en scène

Le 19 juillet, le député d’Indre-et-Loire Jean-Patrick Gille accompagnait le premier ministre en visite officielle au festival d’Avignon, pour assurer le service après-vente de sa mission sur le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle. L’occasion de se mettre en scène, sans tenir compte des critiques portées par ces derniers.

Détendu, sans cravate, Jean-Patrick Gille se mettait en scène sur Twitter le 19 juillet aux côtés de Manuel Valls, sur un joli canapé blanc.

Au départ, la visite du premier ministre ne prévoyait pas de rencontre avec la presse ou avec les intermittents du spectacle, comme l’avait relevé la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France (CIP-IDF). Et puis, finalement, Valls, Gille et la ministre de la Culture Fleur Pellerin ont reçu la presse et certains représentants syndicaux. Mais pas la CIP-IDF, qui dénonçait dans un communiqué « une campagne de communication du gouvernement » :

« Manuel Valls se dit serein. Pas nous.

Le contrôle des chômeurs, l’annulation de 200 festivals par manque de crédit, les prochaines négociations UNEDIC de 2016 qui prévoient encore des économies sur le dos des plus fragiles, le sort des artistes intervenants, une loi qui prétend « sanctuariser les annexes 8 et 10 » alors qu’il n’en est rien, tout cela ne nous rend pas sereins. »

L’un des points de désaccords entre la CIP-IDF et le gouvernement, c’est la communication bidon relayée à tout va par Jean-Patrick Gille et ses copains selon laquelle « les annexes 8 et 10 [de la convention UNEDIC] pour l’indemnisation chômage des intermittents » seraient sanctuarisées. Ces annexes de la convention d’assurance-chômage sont certes mentionnées dans la loi Rebsamen, ce qui fait qu’elles ne pourront plus être supprimées sur un coin de table lors d’une négociation. Mais il ne s’agit que d’un enfumage, aux yeux de la CIP-IDF, qui estime que la loi n’apporte aucune garantie et risque au contraire de favoriser une sortie partielle des intermittents du régime général de solidarité interprofessionnelle : on pourrait rapidement arriver à une « caisse autonome » dont les intermittents ne veulent pas !

Jean-Patrick Gille avait été nommé en 2014 pour plancher sur la réforme du régime d’indemnisation des intermittents, aux côtés du sinistre Jean-Denis Combrexelle et de l’ancienne directrice du festival d’Avignon. La concertation qu’il avait menée avait surtout eu pour but d’endormir la contestation qui montait à l’approche de la saison des festivals et qui se traduisait déjà par des annulations. Finalement, c’est Gille qui a présenté devant l’Assemblée nationales les dispositions de la loi Rebsamen concernant le régime des intermittents.

A propos de la sanctuarisation dont se gargarise Jean-Patrick Gille, voici l’analyse que faisait Mathieu Grégoire, maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre, dans une tribune parue sur le site de L’Humanité :

« L’intérêt de la « reconnaissance » dans la loi de l’existence des annexes 8 et 10 est, quant à lui, d’ordre symbolique. Il correspond pour l’essentiel à des objectifs de communication politique. Comme le disent explicitement Jean-Patrick Gille ou François Rebsamen, il s’agit d’apaiser, de faire en sorte que « les festivals se déroulent ». Pour ce faire, le gouvernement et ses soutiens parlementaires ne lésinent pas sur l’emphase dans leurs éléments de langage : on « grave dans le marbre de la loi » ! On « sanctuarise » !

Évidemment les mots et les symboles sont importants. Mais nommer les choses, fût-ce dans la loi, ce n’est en rien les protéger. Les intermittents, pas plus que les autres allocataires de l’assurance chômage, ne se nourrissent de mots et de symboles. Et ils s’en satisferont d’autant moins qu’il y a, en réalité, un décalage profond entre les déclarations de « sanctuarisation » et la réalité d’un texte qui ne donne pas de garantie effective aux intermittents faute d’avoir osé modifier, ne serait-ce qu’à la marge, le rapport de force entre le MEDEF d’un côté, et les salariés intermittents du spectacle de l’autre. Au contraire, ce projet de loi confirme et amplifie une dynamique d’autonomisation des annexes 8 et 10. Il correspond de fait à la reconnaissance par la loi d’un droit pour le Medef d’exclure encore davantage les intermittents de l’assurance chômage, de constituer à côté de l’assurance chômage un régime spécial voire une caisse autonome. »

Finalement, ce ne sont pas les grèves qui auront conduit à l’annulation de festivals cette année, mais les coupes dans les budgets du ministère de la culture et des collectivités locales.