Depuis la la fin de l’année 2020 une épizootie d’influenza aviaire sévit sur le territoire français, particulièrement dans le sud-ouest. Concernant la stratégie sanitaire nationale, nous approuvons notamment que le pilotage des mesures de lutte soit confié aux Préfet.e.s ce qui doit permettre la concertation avec les acteurs locaux et l’adoption de mesures d’intervention plus appropriées au contexte local.
Face à cette crise nous déplorons le fait que l’élevage en plein-air soit principalement ciblé comme facteur de risque. En effet nous rappelons que la liste des foyers détectés contredit la thèse que les élevages plein air représenteraient un risque supérieur. Certes le risque d’introduction par la faune sauvage est réel. Cependant, la claustration n’apporte aucunement la preuve de son efficacité (y compris dans des élevages conduits avec rigueur) et surtout, quand le virus arrive dans un bâtiment, la vitesse de propagation et la charge virale sont démultipliées (densité des animaux, stress...). De plus les filières longues, segmentées, avec de nombreux échanges d’animaux entre élevages et de nombreuses interventions humaines semblent largement favoriser la diffusion de l’épidémie, bien plus que l’élevage en plein air. Cela semble être confirmé par le dernier avis de l’ANSES sur la diffusion de l’épidémie qui indique :
Il convient de s’interroger sur les causes de ces foyers distants. En effet, ces zones infectées ne constituent pas des zones importantes d’hivernage des Anatidés. De plus, la période actuelle ne correspond plus à une période de déplacement migratoire des oiseaux, en l’absence de vagues de froid, qui peuvent encore intervenir au cours de l’hiver, car le coeur des migrations a eu lieu en novembre et les dernières migrations mi-décembre. Ainsi, si le ou les premiers foyers ont sans doute pour origine l’avifaune migratrice, actuellement la diffusion de l’infection résulte probablement davantage d’une contamination de proche en proche dans une zone de très forte densité d’élevages, d’une part, mais aussi de mouvements d’oiseaux asymptomatiques ou de personnes / matériels contaminés sur de plus longues distances, d’autre part.
De même un rapport sur la crise de 2016/2017 indiquait :
Par ailleurs, même si les galliformes pourraient être moins réceptifs que les palmipèdes à une infection par un virus IAHP le fait que les élevages de galliformes soient moins touchés que les élevages de palmipèdes semble conforter l’hypothèse selon laquelle les principaux facteurs de diffusion sont liés aux mouvements d’animaux, de véhicules et de personnes, nettement plus intenses au sein de la filière palmipèdes gras qu’au sein de la filière gallus (notamment en raison d’une segmentation des étapes d’élevage plus importante au sein de la filière palmipèdes gras).
Par conséquent, le plein air ne doit plus être désigné comme facteur de risque plus élevé et il est temps d’agir sur les causes structurelles comme promis en 2017 : limitation des transports d’animaux vivants, densité d’animaux en élevage trop importante dans certaines régions, dérogation « plein air » utilisée à tort en complément des bandes claustrées....
Abattre des animaux sains pour créer des barrières sanitaires qui ne tiennent que provisoirement représente un coût économique et financier très important. Cette gestion pèse également sur le moral des producteurs et productrices qui voient les crises s’enchaîner avec toujours le même scénario. Les éleveurs et éleveuses n’acceptent plus de subir les choix économiques qui ont été fait et qui ont conduit à cette situation désastreuse. Nous souhaitons que les autorités sanitaires garantissent une gestion de la crise qui fasse prévaloir l’intérêt général en prenant en compte les considérations sanitaires, économiques et de bien-être animal notamment garanti par l’exigence de labels de qualité et en préservant les différents modes de production de toutes les volailles (palmipèdes, volailles de chair, poules pondeuses...).
Cela nous semble d’autant plus important que l’élevage plein air, pratiqué notamment par des fermes en agriculture qui pratiquent la vente en circuit court au niveau local, répond à une demande sociétale de plus en plus forte et reste incontournable pour la réalisation des objectifs fixés par la loi EGALIM en matière d’alimentation locale et de qualité dans la restauration collective. Faire peser les impacts financiers et moraux de la gestion sanitaire en priorité sur les élevages de petites tailles en plein air, casser ces dynamiques de production locale alors même qu’il apparaît que ce sont les filières longues et industrialisées qui favorisent la diffusion épidémique est un non sens. Cela rentre en contradiction avec les objectifs de renouvellement du monde paysan et de production d’une alimentation locale de qualité.
En espérant que vous soyez à l’écoute de ce message et puissiez agir au regard de nos préoccupations, nous sommes à votre disposition pour échanger davantage sur cette problématique.
Pour la Confédération paysanne de Touraine
Frédéric GERVAIS, porte-parole