Fermetures de bureaux de poste : à Sainte-Radegonde, la communication de La Poste fait un flop

Suite aux réactions entraînées par l’annonce de la fermeture de plusieurs bureaux de poste, et sous la pressions des élus locaux, l’entreprise La Poste a accepté d’organiser des réunions d’information publiques. La première a eu lieu dans la salle des fêtes de Sainte-Radegonde le 15 novembre au soir. Témoignage d’un participant.

La direction de La Poste a annoncé vouloir fermer plusieurs bureaux de poste de l’agglomération tourangelle : les bureaux de Montjoyeux, Rochecorbon, Sainte-Radegonde, Rochepinard et Tours-Colbert sont visés. La salle des fêtes de Sainte-Radegonde est pleine, entre 80 et 100 personnes sont venues, l’assistance est plutôt âgée. Quelques anciens salariés de la Poste sont présents, ainsi que des responsables associatifs des quartiers Sainte-Radegonde, Colbert, Petites Boucheries.

Pour représenter La Poste, cinq cadres, seulement des femmes (!?). Côté élus, il y a Myriam Le Souëf, deux autres élus du conseil municipal, et Jean-Patrick Gille. Absent notable : le patron du bar tabac qui doit abriter le « relais postal ».

C’est Myriam Le Souëf (adjointe aux espaces verts et déléguée auprès de la Poste) qui introduit la réunion et présente le voeu adopté la veille en Conseil Municipal, pour demander un moratoire sur les fermetures. Rappel pour mémoire : Mme Le Souef avait exprimé, dans un article récent paru dans le journal La Tribune Hebdo, que les opérations « de transfert » [1] c’était plutôt « des bonnes nouvelles ».

Les cadres de la Poste se présentent. C’est la première réunion publique organisée à Tours. Les cadres ont un objectif : présenter le relais de Sainte-Radegonde qui remplacera le bureau de poste :

« Pas de fermeture, un transfert, pour dépanner les clients locaux de la Poste ».

Présentation d’un diaporama : La Poste, une entreprise (courrier, colis, Banque Postale, Numérique ...) et 4 missions de service public (distribution du courrier, de la presse, banque et aménagement du territoire). Un réseau comptant 24 000 « points de service », dont 17 000 « points de contact » (bureaux de poste, agence postale communale, relais de commerce), avec un maillage mettant tous ces points de contact à une distance maximum de 7 km ou 20 minutes (en voiture...) de l’usager/client.

« Nous devons nous adapter ("révolution numérique" et baisse du volume postal obligent) et maîtriser nos charges ».

Les opérations effectuées dans les relais : vente de timbres (la plupart des commerçants choisis le faisaient déjà, c’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont été choisis), affranchissements, recommandés, smartphones. Cela correspondrait à 90 % des opérations faites auparavant dans le bureau. A voir, et quid des 10 % restants ?

Un film est présenté. On y découvre les témoignages de trois commerçants faisant fonction de relais (à Chambray, dans le quartier Paul Bert de Tours et à Sablé-sur-Sarthe). Ils ont été formés en 4 jours, bénéficient de l’appui de La Poste, sont très contents et pensent que ça va élargir leur clientèle. Une enquête « réalisée par une entreprise privée » établirait la satisfaction des clients à plus de 90 % :

« ça leur fait gagner du temps, grâce à l’amplitude horaire de 73 heures pas semaine ».

On ne connaît pas, bien sûr, le taux de satisfaction des usagers qui ne peuvent plus venir à La Poste. Ça commence à ricaner dans la salle, la ficelle étant un peu trop grosse.

La parole est à la salle

La parole est maintenant à la salle et c’est le début d’un vrai feu d’artifice. Très fâchée la salle ! Les cadres de la Poste seront vite dépassées.

Un flot de critiques d’abord sur la communication ou plutôt l’absence de communication sur la fermeture du bureau de poste. La responsable de la com’ s’enferme, contredisant le ressenti de toute la salle.

Puis l’expression de sérieux doutes sur la pertinence de remplacer un bureau de poste par un relais. Différentes problématiques sont soulevées : confidentialité, accès aux handicapés, sécurité — le bar-tabac qui accueillera le relais a déjà subi deux braquages —, manque de place, absence de continuité pendant les congés, quid des retraits par procuration ?… A quoi s’ajoute la disparition du distributeur automatique de billets, celle des boites jaunes, et une distribution de moins en moins bien assurée.

Ensuite, un flot de critiques sur les effets pour les usagers, pour les habitants : éloignement du bureau de Coty problématique pour les personnes âgées, et exclusion des personnes handicapées.

La salle témoigne de son attachement au service public — qui ne se réduit pas à un service au public —, au statut du fonctionnaire, au métier de postier — qui ne s’apprend pas en quatre jours —, au personnel familier du quartier qui connaît tout le monde.

Puis une série de questions plus politiques : la stratégie volontaire de destruction progressive de La Poste, les soupçons d’enjeux immobiliers, la mort du quartier — un petit village qu’un ancien évoque en pleurant —, le CICE... [2]

Face à ce tsunami de colère, les réponses de La Poste tombent à côté de la plaque, voire prennent la salle dans le mauvais sens, déclenchant une bronca :

« Nous sommes une entreprise à priorité bancaire ».

Les politiques présents dans la salle, qui ont tous à un moment ou à un autre agi contre les services publics, sentent bien dans quel sens le vent est en train de tourner. Mme Le Souëf ne se souvient déjà plus de son interview dans La Tribune. Ils se retournent donc contre La Poste.

Les élus municipaux demandent : « Allez vous prendre en compte notre moratoire ? » Embarras chez les cadres de La Poste, qui n’avaient pas prévu ce volte-face frondeur. Dans la salle, quelqu’un donne lecture d’une proposition de délibération pour ne pas s’en tenir au moratoire et exiger le maintien du service public : la proposition n’est pas reprise par les élus. La Poste, le moratoire, elle s’en tamponne : les opérations de démolition du bureau de Sainte-Radegonde ont déjà commencé. Pour Colbert, la fermeture pourrait tout de même être repoussée.

Le député la joue frondeur, et offre une leçon de tactique de communication à La Poste. Il pérore sur l’importance du service public, tout en assurant qu’il comprend bien les raisons qui conduisent à la suppression des bureaux. Il annonce une question au gouvernement à l’Assemblée Nationale. Il n’en donne pas le contenu, mais parvient à être applaudi quand même. C’est ça le métier coco.

Une militante de l’indecosa CGT, l’association de consommateurs de la confédération syndicales lit le contenu d’un tract commun à plusieurs associations et organisations syndicales, appelant à manifester le jeudi 17 novembre pour la défense du service public postal. L’intervention est applaudie.

A 20h30, tout le monde quitte la salle. Nous n’avons plus de tracts à distribuer. Dommage.

Notes

[1Euphémisme utilisé par La Poste pour désigner les fermetures.

[2En 2013, le groupe La Poste a perçu 297 millions d’euros au titre du crédit d’impôt compétitivité et l’emploi, ce qui ne l’a pas empêché de supprimer des milliers de postes, cf notamment http://www.liberation.fr/futurs/2014/02/20/la-poste-remporte-la-palme-du-cice_981866.