Fermeture estivale de la piscine municipale du centre-ville de Tours : tout baigne !

Le centre-ville de Tours compte deux piscines ouvertes au public qui ont d’ailleurs été récemment rénovées. Le prix de l’entrée des piscines municipales est de 3,5€ - hors réductions. Pourtant, l’été, en raison de la fermeture de la piscine Gilbert-Bozon (quartier du Sanitas), il n’existe pas d’autre option que de se rendre au Centre Aquatique du Lac où l’entrée s’élève à 5,2€ !

La Nouvelle République titrait début juillet « où se baigner à Tours pendant les vacances ? » L’article faisait la liste des piscines de la ville, de leurs horaires et de leurs tarifs, détaillant ainsi les « possibilités qui s’offrent aux nageurs ». Il débutait par une drôle de phrase :

« L’un de nos lecteurs s’étonnait, récemment, de la fermeture, pour l’été, de la piscine Gilbert-Bozon, pourtant récemment rénovée. »

Dans l’article de la NR, l’explication donnée à la fermeture de la piscine du Sanitas était la suivante :

« La municipalité rappelle qu’à l’origine (avant la délégation de service public du centre aquatique du lac), les deux piscines situées au sud de la Loire, Gilbert-Bozon et celle du Lac, fonctionnaient avec les mêmes effectifs. La première était une piscine « d’hiver », la seconde, une piscine « d’été ». Gilbert-Bozon n’était, alors, pas ouverte non plus durant les deux mois d’été. Désormais « à vocation sportive et éducative », elle n’accueille toujours pas le public pendant la période estivale. »

Vous l’aurez compris, comme à son habitude la rédaction de la NR se noie dans le petit bassin malgré la perche tendue ! Et bien voilà un scoop pour la « nounou » : certains de nos lecteurs (fatigués de vos barbotements journalistiques) s’étonnent également de cette fermeture estivale ! Allez, essayons de rattraper le sujet et reposons la question sans langue de bois.

Où se baigne la populace à Tours pendant les vacances ?

piscine Chazel - nageurs installés à une table flottante
  1. Dans la Loire ! Raté, la baignade dans la Loire est interdite, c’est d’ailleurs la NR qui nous l’a rappelé récemment. Le risque financier encouru est de 38€ par personne pour de simples pieds trempés dans l’eau du fleuve.
  2. Place de Strasbourg ! Les fontaines de la place de Strasbourg sont prises d’assaut quotidiennement par des bambins nus ou en culottes qui courent, sautent, crient, rient entre les filets d’eau qui les mouillent. Les adultes restent le plus souvent aux abords des fontaines, surveillant les plus petits, assis dans l’herbe ou sur les bancs. On souhaiterait que ce genre de places publiques existe dans tous les quartiers de la ville.
  3. A la piscine ?! Parlons-en justement de la piscine...

L’unique option estivale de baignade en centre-ville

Alors que les tarifs d’entrée des piscines municipales de Tours ont tous été alignés sur la base de 3,5€ (ce qui n’est déjà pas donné) [1] ; le Centre Aquatique du Lac (CAL) garde un tarif rédhibitoire de 5,2€. Avec la fermeture de la piscine Gilbert-Bozon (quartier du Sanitas) pour l’été [2], l’unique possibilité restant aux nageurs du centre-ville est de se rendre... au centre aquatique ! On pourrait donc, au minimum, demander un alignement des tarifs du CAL sur ceux des piscines municipales pour l’été.

Mais rassurez-vous, au CAL, il existe un tarif « famille » (13€) valable pour quatre personnes dont deux adultes maximum. Il s’agit donc soit d’un couple et de deux enfants soit d’un adulte et de trois enfants ce qui reste loin de rendre compte de la réalité actuelle des familles vivant en France... Si votre famille ne correspond pas au modèle traditionnel bourgeois, vous devrez donc rajouter 4€ par enfant supplémentaire de plus de 3 ans et 5,2€ par adulte supplémentaire.

Ces tarifs aussi inadaptés qu’exorbitants constitue au mieux une provocation, au pire un véritable affront. Nos politiques locaux ne le savent peut-être pas mais l’été, le soleil n’a pas raison des inégalités sociales : les familles les plus modestes sont également celles qui partent le moins en vacances. Et depuis la fin des années 1990, ces inégalités continuent de se creuser [3]. C’est pourquoi la fermeture estivale de la piscine du Sanitas est une aberration. A Lyon, le site-ami Rebellyon interprète la récente politique tarifaire de la piscine du Rhône (dont le tarif d’entrée est passé à 8€ !) comme une stratégie de dissuasion.

Gala nautique des artistes de Paris, piscine molitor 1932

La « délégation de service public » : un « intérêt communautaire » ?!

Le Centre Aquatique du Lac appartient à la collectivité publique : c’est l’agglomération de Tour(s)plus qui est propriétaire de l’équipement. Dès sa conception, en 2003, il est reconnu d’« intérêt communautaire ». Depuis sa mise en service en 2006, il fait l’objet d’une délégation de service public c’est-à-dire que l’établissement est confié à un gérant privé chargé de le rentabiliser en lieu et place des pouvoirs publics pour un temps donné.

De 2006 à 2012, c’est la Société Vert Marine qui assurait la gestion du CAL pour la ville de Tours. Depuis janvier 2013, Tour(s)plus s’est substitué à la ville de Tours dans la gestion du CAL et n’a pas reconduit la gérance de Vert Marine. Cette fois, c’est la Société Espace Récréa [4] qui a remporté l’offre publique et a été nommé délégataire pour les six années et demi à venir. En effet,

« la politique tarifaire proposée correspond aux objectifs que se fixe la Communauté d’agglomération vis-à-vis des publics « famille » et « sportifs réguliers ». extrait du compte-rendu du Conseil Communautaire de Tour(s)plus du 29 novembre 2012.

Une convention de gestion (au demeurant introuvable sur internet) établie les termes du contrat liant le délégataire et Tour(s)plus. Des centaines de milliers d’euros de deniers publics (le montant avoisine les 700 000€) transitent de l’agglomération au CAL pour le fonctionnement de la piscine. Dans le même esprit, à Loches, le centre aquatique Naturéo (également géré par Espace Récréa) bénéficie d’une subvention d’équilibre de la communauté de communes de 400 000€.

La loi de la sélection économique naturelle...

Depuis janvier 2013, le prix de l’entrée au CAL a augmenté. Dans un précédent entretien à la NR, son nouveau directeur, David Lagache explique que cette hausse « a été décidée en accord avec la collectivité publique, Tour(s)plus » et précise que : « La volonté est que la piscine reste accessible à tous, c’est pour cela que nous avons rendu les casiers de la piscine gratuits. »

En janvier 2013, on pouvait lire dans le mensuel municipal d’information de la ville de Tours (distribué gratuitement dans nos boîtes aux lettres) :

« Espace Récréa a été choisi pour ses tarifs avantageux proposés en priorité aux familles, aux enfants et aux nageurs réguliers (par exemple : 5,20 € l’entrée pour les plus de 12 ans, entrée familles 4 personnes pour 13€, happy hour le samedi matin à 3 €... et casier gratuit). » Tours info n°148

Voilà donc le problème de fond : la question de l’accessibilité tarifaire des loisirs aquatiques n’a jamais été sérieusement posée ni par la municipalité, ni par l’agglomération, ni par le délégataire (qui la limite à la seule question des casiers), ni par la Nouvelle République !

Des bonnets de bain en colère.

Notes

[1Il existe également deux piscines municipales situées à Tours nord : la piscine des Tourettes (quartier Saint-Symphorien) qui, elle aussi, ferme durant l’été et la piscine du Mortier (quartier de l’Europe).

[2La piscine a fermé ses portes le 30 juin dernier et rouvrira le 8 septembre prochain.

[3Si le sujet vous intéresse, vous pouvez consultez le site de l’observatoire des inégalités.

[4Sur son site, le groupe se vante d’être l’« initiateur en France du concept de Délégation de Service Public adapté au centre aquatique ». Notons qu’Espace Récréa devient un gros poisson en Touraine : en plus du CAL et du centre aquatique Naturéo de Loches, la société a également remporté la gestion des campings de Saint-Avertin et Savonnières (voir le compte-rendu du conseil communautaire de Tour(s)plus du 24 mai 2012.