Fabienne Colboc, l’art de la modération et les limites du dialogue citoyen en Macronie 2.0

Un citoyen tourangeau a voulu interpeller la députée Fabienne Colboc à propos de son vote contre l’interdiction du glyphosate, via son site internet. Hélas, il n’a pu dépasser les barrières de la modération... Pour permettre le débat, ce commentaire est publié ci-dessous, précédé d’une mise en contexte.

Ils n’étaient plus que 42 députés, le samedi 15 septembre au petit matin, à 4h18 précisément, pour défendre le droit des agriculteurs à continuer d’empoisonner en paix, en refusant d’interdire, dans la loi Alimentation, l’utilisation du glyphosate ! Parmi ce groupe d’élite, seuls deux députés de la région Centre-Val de Loire, Fabienne Colboc (député LREM d’Indre-et-Loire) et Guillaume Kasbarian (député LREM d’Eure-et-Loire et soutien inconditionnel de la FDSEA de la Beauce).

Fabienne Colboc, sentant poindre l’incompréhension de ses concitoyens tourangeaux, explique sa position dans un billet sur son blog, billet fleurant bon la naïveté feinte (« Je suis convaincue que c’est en travaillant avec l’ensemble des acteurs concernés, que nous réussirons cette transition. » — compte-elle associer les actuelles et futures victimes dans ce groupe de travail ?), la foi imbécile dans les vertus de l’incantation (il suffirait de dire et répéter — 3 fois — « nous sortirons du glyphosate dans 3 ans » pour que cela advienne) et la ferme pédagogie autoritaire et infantilisante (l’électeur français de base est retors à tout progrès comme s’en désole à longueur de déclarations — à l’étranger — notre président Macron — que son rayonnement mondial irradie le peuple ! —, il faut donc encore et toujours lui expliquer comme on fait bien, pour son propre bien).

Ce billet est ouvert aux commentaires. Pour preuve, le seul commentaire publié provient d’un de ses anciens camarades de lycée, qui l’interpelle sur un ton rude et familier, avec la réponse sympathique de Fabienne, qui lui reproche simplement son ton non-constructif (« Comme beaucoup, tu sembles vouloir limiter ta compréhension à une lecture non constructive, c’est ton choix. »). Car en Macronie, on croit aux vertus du dialogue 2.0, à l’ouverture et la transparence.

Un citoyen tourangeau, jouissant de ne pas être dans une zone blanche, profite de sa connexion pour faire part à la députée de son incompréhension quant à son refus de légiférer en faveur d’une interdiction d’une substance éminemment nocive et à laquelle la population est massivement exposée, l’interdiction planifiée lui semblant le moyen le plus a même pour stopper au plus vite une crise sanitaire que seul peut expliquer l’attrait du profit et la roublardise de l’industriel chimiste, l’irresponsabilité du premier et tout puissant syndicat agricole français et la complicité active des pouvoirs publics.

Il rédige à cette fin un commentaire au billet de la députée, en prenant soin de faire court et rester courtois, car il sait que si on lui attribue symboliquement le droit d’interpeller une députée, il s’agit tout de même de ne pas froisser la représentation nationale. Hélas, malgré ces précautions, le commentaire, par deux fois soumis sur le site de la députée, n’atteindra jamais le stade de la publication, montrant ainsi les limites du dialogue en Macronie, fut-il 2.0. Pour que le lecteur puisse juger du brûlot, ce commentaire, recyclé en lettre ouverte, est publié ici sur La Rotative.

Allez, vous reprendrez bien un coup de Glypho ? C’est Fabienne qui régale ! Mais ça va pas durer, foi de député…


Bonjour Madame la députée,

Si, comme vous l’écrivez, « Il est aberrant de croire que seule une inscription dans la loi permettrait d’en sortir [du glyphosate] plus facilement. », il est tout aussi aberrant de croire le contraire : selon vous, les agriculteurs vont, de leurs propres chefs, abandonner l’usage de ce produit dont l’industrie agrochimique les a rendus profondément dépendants ?

Pourquoi alors avoir contraint les automobilistes à rouler à 80 km/h ? Ne suffisait-il pas seulement de les inciter, de les encourager et de les accompagner à réduire leur vitesse ?

Il est assez paradoxal de se féliciter dans le paragraphe suivant de « la position forte de la France, avec certains autres Etats membres de l’Union Européenne, qui ont permis d’entériner en novembre 2017 la sortie du glyphosate d’ici 5 ans ». De deux choses l’une, soit vous êtes pour afficher une position ferme et déterminée, via la loi, pour inciter tous le monde à développer des alternatives, soit vous croyez à la méthode Coué : « Nous sortirons du glyphosate » mais sans contraindre personne à le faire ?

Par quel miracle pensez-vous que cela adviendra-t-il ? Vous appelez à « faire confiance aux agriculteurs ». Rappelez-vous qu’il fallait déjà faire confiance à la profession pour réduire l’usage des pesticides, c’était même le cœur du plan Ecophyto de 2008, qui n’a pas produit la moindre réduction de la dépendance de notre système agricole aux pesticides : le dernier bilan du plan Ecophyto 2 révèle un échec total, avec une augmentation de l’usage des pesticides de 6 % entre 2011 et 2014.

2018 : tout le monde observe une hécatombe chez les insectes, la disparition de 30 % des oiseaux des champs en 15 ans [1], les liens de plus en plus certains entre pesticides et cancers… Et pour vous, il est urgent d’attendre, d’accompagner et de faire confiance ! N’attendez pas de nous qu’on vous fasse confiance lorsqu’on vous voit vous couchez devant le lobby des pesticides et la FNSEA, au détriment flagrant de l’intérêt général.

Votre projet était de « Faire de la politique autrement » ? Mais vous pensez manifestement avec les référentiels du passé et n’avez toujours pas, comme votre gouvernement, intégré la gravité et l’urgence de la crise environnementale. Au nom de mes enfants, petits-enfants et moi-même, je ne vous remercie pas de votre irresponsabilité !

Bien écologiquement,

Francis Bernard

Notes

[1Publication conjointe du MNHN et du CNRS du 20 mars 2018.