Élections municipales, lutte globale et action directe

Sur la proposition de Christophe, militant anarchiste, on a organisé une rencontre entre lui et Pierre, sociologue, membre du Parti de Gauche, et candidat sur la liste « C’est au Tour(s) du peuple ». Histoire de discuter des élections municipales, et de la position la plus pertinente à adopter face à une telle échéance quand on se déclare anticapitaliste.

Christophe : Pierre a des discours, des analyses et des pratiques qui peuvent être très critiques du système institutionnel, mais il participe par ailleurs à ce système en se présentant sur une liste électorale. Il me semblait intéressant d’interroger cette contradiction entre son souci d’un mouvement social qui aurait tendance à vouloir remettre en cause le capitalisme, et cette décision de s’appuyer sur le jeu institutionnel qui entretient le système capitaliste.

Pierre : C’est la première fois que je participe à une élection municipale, et l’expérience m’intéressait. Par ailleurs, il m’a semblé que la constitution de la liste « C’est au Tour(s) du peuple », composée de citoyens non-encartés, de militants du NPA, du PG, d’Ensemble, était plutôt une belle histoire — un peu compliquée en interne, mais sympathique à faire. Cela dit, j’y suis allé sans aucune illusion sur le système électoral et sa fonction de « rituel de renouvellement des croyances ». C’est dans cet esprit, que l’on pourrait qualifier de contradictoire, que j’y suis allé. Est-ce que ça fait de moi un complice du système électoral ? Je n’en suis pas sûr, et je ne sais pas où est l’alternative. Si tu te places en dehors du système électoral, le train néolibéral et capitaliste continue à avancer.

Christophe : Je comprends l’intérêt de rencontrer des personnes ayant des histoires politiques et sociales diverses. Mais ce n’est pas la première fois que cela se produit : le dernier gros exemple qui me vient en tête, c’est l’expérience des collectifs autour du « non » au référendum sur la constitution européenne. Et on a vu comment ça s’est soldé : par des bagarres de petits chefs pour savoir qui serait tête de liste à l’élection présidentielle... Je ne crois pas à l’efficacité de ce genre de dynamiques institutionnelles. Elles ont un gros point faible : même si elles reposent sur un fond social fort, le jeu institutionnel prend le pas sur la dynamique sociale.

Pierre : Tu peux aller plus loin : le « non » au référendum s’est de toute façon soldé par un contournement du vote des citoyens.

Christophe : Le but qu’on peut partager ensemble, c’est l’abolition de l’exploitation capitaliste, de l’exploitation de l’être humain par l’être humain, l’abolition des rapports hiérarchiques, et la réflexion sur ce que pourrait être une démocratie. L’histoire politique française, depuis la révolution de 1789, repose-t-elle réellement sur la démocratie ? La démocratie représentative que nous connaissons aujourd’hui n’est-elle pas née en combattant la démocratie populaire ? Pendant toute la période d’effervescence qui démarre en 1789 et prend fin en Thermidor, l’un des principaux jeux politiques menés par les représentants consiste à combattre la démocratie populaire.

La démocratie populaire, c’est une forme d’organisation du pouvoir qui permet à chaque personne composant une société donnée de participer au pouvoir — le pouvoir étant défini comme la faculté de prendre une décision et de la mettre en œuvre. Le pouvoir, en soi, ne me fait pas peur. Le slogan de Louise Michel après la Commune de 1871, « A bas le pouvoir ! », me paraît absurde : ce n’est pas le pouvoir qui pose problème, mais son organisation, qui peut être dictatoriale, démocratique, etc. Or, la démocratie représentative s’est construite dès l’origine en détruisant certaines volontés démocratiques. Alors que des formes de démocratie directe ont existé.

Pierre : Oui, il a existé des formes d’auto-organisation du peuple. Ce modèle suit l’histoire de la démocratie grecque, des républiques italiennes du XIVème au XVIème siècle, etc. En gros, l’idée est de dire que le système de représentation ne doit pas permettre une captation du pouvoir par une famille, une oligarchie, un petit groupe... Ce courant s’est progressivement éteint dans l’imaginaire de la sélection des représentants du peuple. Ce qui s’est imposé, c’est cette fameuse démocratie représentative qui n’est au bout du compte que la captation du pouvoir par une petite minorité. Minorité qui, évidemment, est celle qui détient les leviers de décisions économiques et financiers.

Là, il s’agit juste de mettre un pied dans la politique municipale pour y avancer quelques idées, sans illusions sur leur efficacité immédiate, car bien souvent ce sont des idées qui nécessitent une transformation sociale globale. C’est simplement un essai. Cela peut néanmoins faire mûrir un certain nombre de consciences pour une dynamique sociale future. C’est en ce sens que je défendrais la participation à des élections. Sans méconnaître que cela participe dans le même temps à une institutionnalisation de ce qui est largement un simulacre de représentation.

Christophe : Vu la manière dont est gérée une ville comme Tours, penses-tu que le fait de mener campagne, d’organiser un meeting, permettra d’avoir une once d’influence sur la politique de la ville ? Sur la vie quotidienne des gens ? Que cela pourra nourrir une dynamique de construction de mouvements sociaux qui poseront la question de la rupture avec le capitalisme ?

Pierre : Je crois qu’il n’y a pas de réponse aux questions que tu poses. Dans l’élaboration d’un programme électoral apparaissent un certain nombre de propositions de réformes. Ces propositions, diffusées à l’occasion de la campagne, peuvent faire leur chemin à l’intérieur des esprits, et contrecarrer un peu les baratins de Jean Germain, Serge Babary et consorts.

Je trouve qu’il est intéressant de voir des gens de différents partis d’extrême-gauche se réunir et discuter, s’épuiser à distribuer des tracts, à construire des programmes, etc. Cela demande beaucoup d’énergie. J’y ai d’ailleurs mis moins d’énergie que beaucoup d’autres, parce que je ne suis pas du tout persuadé de la pertinence de la politique électorale. Je suis, comme toi, très réticent vis-à-vis des élections. Mais quelque part, on participe tous du simulacre et de l’impuissance politique.

Christophe : Pour quelqu’un comme moi, militant anarchiste qui souhaite une autre forme d’organisation sociale, la question est la suivante : comment fait-on pour en finir avec le système d’exploitation dans lequel nous vivons, tout en construisant un autre futur dès maintenant ? Jusqu’à présent, ce qui constituait la centralité de la conflictualité dans nos sociétés, c’était le rapport entre le capital et le travail. On a tout construit autour de ce rapport-là, en pensant que si l’on arrivait à renverser le rapport capital-travail, l’émancipation allait suivre. Or, depuis 200 ans, cette logique ne fonctionne pas.

Par ailleurs, qu’est-ce que c’est qu’une révolution ? A l’exception des révolutions bourgeoises en Angleterre et en France, toutes les révolutions du monde occidental se sont vautrées. On dit souvent que la Révolution française démarre le 14 juillet 1789 et prend fin avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon. Moi, je considère que cette révolution démarre à la Renaissance, avec un processus qui va déconstruire un ordre social, des représentations, et réfléchir à une alternative. La question qui se pose à partir du 14 juillet 1789, c’est la question de la prise du pouvoir, mais la prise du pouvoir révolutionnaire ne peut se concevoir sans le travail de déconstruction de la société aristocratique qui a précédé. Je pense qu’une révolution ouvrière ou populaire n’est pas possible, dans la mesure où le travail de déconstruction nécessaire n’a pas été effectué.

C’est pour cela que je ne suis pas électoraliste. A l’échelle d’une ville comme Tours, même la meilleure dynamique sociale serait brisée par le poids des institutions et de l’Etat. Tout élan positif serait brisé, car les fondements de la société bourgeoise ne sont pas attaqués.

Pierre : Comment déconstruire la société actuelle et inventer d’autres façons d’organiser le pouvoir ? Je ne vois pas germer un tel processus chez qui que ce soit aujourd’hui. Ni parmi ceux qui se réfèrent à l’auto-organisation de la société, ni dans les mécanismes de la démocratie représentative, qui sont très largement au service de l’oligarchie – qu’il s’agisse de la petite oligarchie tourangelle ou de l’oligarchie qui évolue à l’échelle de l’Union européenne. Ce qui manque, c’est un imaginaire complètement alternatif de la société et des rapports sociaux.

La grande majorité de la population est mentalement prisonnière du système électoral et est dessaisie de sa part de responsabilité et de participation aux affaires publiques. Le système électoral est vu par beaucoup comme un moyen — voire le seul moyen — d’exprimer son opinion. On est pris dans une forme de nasse où les mécanismes institutionnels renforcent l’impuissance sociale, cette impuissance sociale renforçant en retour les mécanismes institutionnels.

Aujourd’hui, je ne sais pas où est l’autre société qu’on appelle de nos vœux. L’auto-organisation, aujourd’hui, tu es obligée de la penser non seulement à l’échelle d’un petit territoire, mais aussi à l’échelle globale. Les institutions comme l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou le Fonds Monétaire International (FMI) entraînent un dessaisissement complet : il n’existe même pas de mécanisme référendaire sur leurs décisions. Même les représentants de l’oligarchie se sont extraits du cadre national et imposent la même politique et les mêmes illusions dans le monde entier.

Christophe : Je pense que tout le monde s’accorde pour dire que l’on est en panne de perspectives. Mais ce n’est pas pour autant que le sentiment d’impuissance doit dominer. La question que tu poses, c’est : où se situe le pouvoir réel ? Or, on nous demande aujourd’hui de voter pour des gens qui ne détiennent pas le pouvoir. A ce propos, on peut prendre pour exemple la question du travail, qui se décompose en quatre autres questions. Qu’est-ce qu’on produit ? Avec qui on le produit ? Avec quels moyens ? A quelle fin ? Actuellement, ceux qui sont en position de répondre à ces questions, ce sont les détenteurs de capitaux, c’est la bourgeoisie. Ce n’est ni François Hollande, ni Angela Merkel, qui ne sont que des exécutants.

Pierre : Ils ne sont pas de simples exécutants. Ils sont les constructeurs, chacun à leur place (droite ou prétendue gauche), de l’oligarchie financière.

Christophe : Ce n’est pas eux qui déterminent les finalités de l’organisation sociale dans laquelle on vit. Mais qu’ils participent à cette évolution du rôle de l’État, qu’ils l’acceptent et qu’ils la favorisent, je suis d’accord.

Pierre : Et ils en profitent !

Christophe : Parler d’illusion électorale, ce n’est pas simplement déclarer : « Les jeux sont faits. » C’est expliquer que les élections entretiennent l’illusion que les électeurs désignent les détenteurs du pouvoir, de la légitimité populaire. Or, ce n’est pas comme ça que ça se passe. A l’échelle du continent, c’est plutôt la Table ronde européenne [1] qui gère la boutique, la Commission européenne s’adaptant à cette autre Europe.

Aujourd’hui, toutes les institutions bourgeoises sont en crise de légitimité, et notamment le système électoral. La majorité du corps électoral ne vote plus pour un candidat ou un programme, mais contre quelqu’un. C’est ainsi que François Hollande a été élu : contre Nicolas Sarkozy.

De Gaulle, après son coup d’État de 1958, déclare que la politique de la France ne se fera pas à la Bourse, et poursuit la politique de l’État Providence. Le pouvoir de l’État est alors plus fort que celui que l’on connaît actuellement. L’État contrôle encore sa politique sociale, monétaire, industrielle, etc. Or, aujourd’hui, on appelle les gens à voter pour des candidats qui n’ont plus les moyens d’agir. Cela relève de la tromperie.

Pierre : Précisément, tout le travail opéré depuis 30 ans pour en finir avec les Trente Glorieuses et construire les « Trente Honteuses » consiste à mettre au pas les États. Cette régression est considérable, et s’accompagne de la mise en concurrence des États sur le plan de la fiscalité, du travail, etc. Hélas, nous n’avons pas réussi, en tant que mouvement social, à nous y opposer. De ce point de vue-là, le libéralisme a gagné.

Antoine : Ce système économique et les croyances qui l’accompagnent, comment peut-on les ébranler sur le plan local ? Une candidature à la mairie de Tours peut-elle vraiment ébranler ces croyances ? Christophe, que peux-tu proposer pour ébranler à la fois la croyance dans ce système électoral, et le système économique qu’il soutient ?

Christophe : On manque de perspectives, mais il y des choses que l’on peut faire. Prenons la question du logement. Il est commun de dire qu’il y a une crise du logement : il n’y a pas assez de logements, ou ils coûtent trop cher, ce qui fait qu’on ne peut loger tout le monde. Or, si l’on raisonne concrètement, il n’y a pas de problème de logement en France : il y a suffisamment de logements vides pour tous, et des textes permettent de réquisitionner ces logements.

Serge Halimi, dans un article du Monde Diplomatique, proposait une idée intéressante : s’inspirer de la Sécurité sociale pour garantir des logements à tous. Cependant, il s’arrête au milieu du gué. Si l’on reste sur le modèle de la Sécurité sociale, on se retrouvera avec des individus dans une position de consommateurs. Tout cela n’est pas interrogé. Ne pourrait-on pas plutôt imaginer un droit de logement effectif, en remettant en cause le droit de propriété ? Il s’agirait de dire que ce qui prévaut, c’est la vie humaine, la propriété privée étant secondaire. Une fois qu’on a ouvert l’accès au logement à tous, et que le logement est gratuit, il faut imaginer les rapports sociaux à mettre en place pour ne pas rester sur des attitudes de consommateurs. La vie collective au sein des immeubles ne pourrait-elle pas être prise en charge collectivement ?

Le logement n’est qu’un exemple parmi d’autres. Je pense que ce sont des petites choses du quotidien qui pourraient faire évoluer les rapports sociaux, et entreraient forcément en conflit avec des municipalités telles qu’elles existent actuellement. On pourrait concevoir, à l’échelle de petites communes, la mise en place de principes tels que la révocabilité permanente, la représentativité véritable, etc.

Pierre : Sur le logement, je partage assez tes vues. Mais je ne crois pas que cette idée rencontrerait l’assentiment général — ni même celui d’un bon nombre de gens. L’imaginaire de la consommation a été intériorisé. L’Histoire est pleine d’utopies merveilleuses qui sont restées lettre morte parce qu’elles ne correspondaient pas à l’état des mentalités. Sur le logement, ce que tu proposes serait très difficile à faire accepter. On peut néanmoins lancer l’idée, et la liste « C’est au Tour(s) du peuple » propose d’ailleurs d’appliquer la loi sur les réquisitions de logements vides.

On peut proposer l’autogestion du logement ou la fin de la propriété privée, mais cela pose la question suivante : comment faire passer ces propositions aujourd’hui ? Je ne pense pas que cela soit possible sans un affrontement direct et violent avec les financiers, et une remise en cause de la confiscation de la parole médiatique. Sans cela, on ne pourra faire évoluer les mentalités vers un ordre plus social, ou anticapitaliste. Il ne suffit pas d’espérer de petites évolutions à l’échelle municipale.

Christophe : Un certain nombre de personnes, notamment parce qu’elles n’ont plus d’autre choix, décident d’agir. C’est ce qu’on appelle l’action directe. Par expérience, je pense qu’à l’échelle d’une ville comme Tours, des collectifs qui posent la question des étrangers, de leur hébergement, qui ont établi un rapport de force et ont forcé la municipalité à héberger et à subvenir aux besoins de plusieurs familles, ont plus fait bouger les lignes que ne peut le faire l’établissement d’un programme électoral. A Paris, même l’UMP s’engage à ce qu’il n’y ait plus personne à la rue d’ici six ans. Ce genre de proposition n’a pas beaucoup d’incidences : les programmes ne sont pas lus, et personne n’arrive à les tenir.

A Notre-Dame-des-Landes, certains proposent qu’il n’y ait pas d’aéroport. Et puis, d’autres disent : « On est contre l’aéroport, et on se donne les moyens matériels, politiques, idéologiques pour que cet aéroport ne soit pas construit ». Des gens se mettent à cultiver des terres et démontrent que l’on peut vivre autrement, sans que cela soit plus absurde que de construire des pistes en béton qui ne profiteront qu’à quelques-uns. Bien sûr, c’est à une échelle microscopique par rapport à l’échelle d’intervention du FMI. Mais historiquement, je ne vois pas une société évoluer autrement qu’à travers l’action directe.

On peut aussi prendre l’exemple de la lutte sur les OGM : José Bové, par l’action directe, a plus fait bouger les lignes que Dominique Voynet, qui était au ministère de l’Environnement. L’énergie consacrée à rédiger un programme, à distribuer des tracts, à discuter, ne serait-elle pas mieux employée dans le cadre d’un mouvement cherchant à agir sur un problème donné ?

Pierre : Les candidats de la liste « C’est au Tour(s) du peuple » agissent aussi au sein des collectifs dont tu parles : lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, luttes féministes, luttes pour les droits des étrangers, etc. Néanmoins, ce n’est pas parce que tu t’opposes à Notre-Dame-des-Landes que tu en termines avec Vinci. La question qui se pose au militant anticapitaliste, ce n’est pas seulement la remise en cause de l’opération de l’aéroport, mais celle du pouvoir de Vinci, ce qui passe par une transformation globale de la société. Le système global s’accommode aussi très bien des petites luttes.

Antoine : Vous avez évoqué un imaginaire désenchanté qu’il est nécessaire de reconstruire. Localement, comment vos pratiques respectives peuvent-elles y contribuer ?

Pierre : La campagne électorale permet de diffuser des idées telles que la gratuité des transports, la réquisition des logements vide ou la révocabilité des mandats. Cependant, il me semble clair que la construction d’une véritable alternative à la société capitaliste ne passe pas par là. C’est pourquoi je ne participe qu’avec beaucoup de réserves. Mais je crois que personne ne sait par où peut passer la construction d’une alternative. S’agit-il de construire des micro-luttes ? De retourner la violence des financiers contre eux, y compris par des mises en cause personnelles ? Je ne sais pas comment on en sortira. Il y a à la fois une impasse théorique et pratique dans le mouvement social.

Christophe : Je suis aussi embêté que Pierre. Si, comme dans les années 30, il existait un mouvement populaire et ouvrier fort, la donne serait différente. Beaucoup comparent la situation actuelle avec les années 30, mais le grand absent, c’est ce mouvement populaire. Aujourd’hui, nous sommes en difficulté, et il faut repartir de là où on est, en tenant compte de nos forces.

Mon objectif, en tant que militant révolutionnaire, c’est de foutre en l’air l’organisation sociale actuelle, tout en participant à la construction d’une autre société. Cela dit, si je commence par m’interroger sur la manière de foutre en l’air le conseil d’administration de Vinci pour empêcher la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il est évident que je n’y arriverai pas, compte tenu de notre nombre et de leur taille. Si ma préoccupation part de là, autant que j’arrête. Voyons concrètement, à travers des luttes et des revendications, comment on peut attaquer ce pouvoir, mais aussi comment on peut inventer de nouveaux rapports sociaux, de nouveaux rapports hommes-femmes, etc.

Je ne crois pas que, dans ce cadre, voter pour une liste électorale participe à la construction de nouveaux rapports sociaux. On ne fait qu’entretenir l’existant, en disant aux gens : « Pour l’instant, il faut en passer par là ».

Pierre : Je ne suis pas en désaccord avec ton propos concernant la nécessité de partir de luttes concrètes et de réinventer de nouvelles façons de vivre en société. Cependant, je pense que ces micro-luttes sont parfaitement compatibles avec les libertés que nous laisse l’organisation sociale capitaliste. Ce n’est que si ces luttes passent à l’échelle macro qu’elles représentent un danger pour le système capitaliste. Le problème, c’est qu’on n’arrive pas à rendre ces luttes globales et vraiment efficaces.

Les programmes électoraux peuvent permettre de faire cheminer des idées qui servent aux luttes dont tu parles. On ne se situe pas complètement dans l’illusion électorale, même si effectivement on participe à un système qui n’est pas réellement représentatif. Mais t’écarter de ce système ne te rend pas plus représentatif.

Propos recueillis par Antoine et Tom

Notes

[1Groupe de pression réunissant les 49 plus grandes entreprises européennes, situées dans 18 pays de l’Union européenne.