Du raffut selon Ruffin : on a vu le film Merci Patron !

Merci Patron ! Voici un film qui se paie bien la tronche de Bernard Arnault, le patron du groupe LVMH. Ou comment taper au portefeuille de la 1ère fortune de France par le biais d’un quasi canular. Et le tout sans problème. Un film qu’on vous recommande vivement et qui sort en salle le 24 février, en espérant pour le spectateur tourangeau que les Studio à Tours, le Royal-Vigny à Loches ou encore Le Balzac à Château-Renault aient la bonne idée de le programmer.

« Merci patron ! » Le refrain de la chanson est connu mais la possibilité de le prononcer bien rare, voire insensée, si bien que cela ne peut que tenir de l’ironie. Et c’est bien ce que nous sert le documentaire éponyme de François Ruffin. Bernard Arnault et son groupe LVMH sont ici moqués avec maestria. Le film sonne comme une vengeance bien ficelée qu’on rêverait de voir se démultiplier.

Au cœur de Merci patron !, on trouve les Klur, un couple d’ancien salariés de Ecce, fabricant de sapes pour Kenzo (filiale de LVMH). Après la fermeture de l’usine pour cause de délocalisation dans les pays de l’Est [1], ce couple s’est retrouvé au chômage, puis aux minimas sociaux, jusqu’à se retrouver en grosse galère de pognon. Un accident de voiture vient fragiliser encore une situation précaire, et leur baraque aménagée patiemment au fil d’une vie au turbin risque d’être saisie par les huissiers.

Mais le couple refuse de se laisser abattre [2] et la situation est ici traitée sans pathos : Merci Patron ! n’est pas un film qui vise à faire pleurer dans les chaumières, mais un film de lutte. Car les Klur, épaulés par Ruffin et l’ancienne déléguée CGT d’Ecce, vont tenter de faire cracher du fric à Bernard Arnault, responsable de la situation dans laquelle ils se trouvent. Et on suit avec délectation les péripéties de cette équipe de picards revanchards, qui vont faire plier l’un des hommes les plus puissants du monde.

Leur aventure est tellement incroyable qu’on se pince parfois pour y croire. Les interactions du couple Klur avec un des responsables de la sécurité du groupe LVMH, ancien commissaire des Renseignements Généraux reconverti dans le privé, semblent tirées d’un film d’Audiard. Et il est jouissif de voir ce barbouze méprisant et paternaliste se faire balader par le bout du nez par ce couple de chômeurs décidés à faire cracher leur ancien patron.

On découvre également dans le film la figure de Marc-Antoine Jamet, politicien et homme d’affaire, ayant notamment servi au côté d’Henri Emmanuelli ou encore de Laurent Fabius. Devenu secrétaire général du groupe LVMH, on le voit manœuvrer pour empêcher la bande rassemblée par Ruffin de bordéliser une AG des actionnaires : il ne faudrait surtout pas que les salarié-es s’invitent sur la scène et perturbent le buffet. Un de ces types du PS qui aide à saisir le caractère schizophrénique et traître du parti au pouvoir...

François Ruffin, principal rédacteur du journal Fakir qui s’est ici improvisé réalisateur, ne fait pas toujours l’unanimité parmi nous. D’aucun le trouvent par trop attaché aux frontières, d’autres lui reprochent de produire un journal à sa propre gloire. Et pourtant, il a accompli un sacré boulot depuis la création de Fakir, journal indépendant amiénois dont le nom fait désormais plus peur au groupe LVMH que ceux de Médiapart ou France Inter. A la vue de Merci Patron !, détracteurs et fans de Fakir sont au moins tombés d’accord : ce film fait du bien. On s’en délecte même. Dès le début, on se prend à rire du portrait façon Paris Match de Bernard Arnault. Et à l’issue du documentaire, on se dit qu’il paraît bien simple de braquer un grand patron. Ça laisse rêveur…

François Latruffe & Jean-Luc Kellar

Notes

[1A propos de la fermeture du site, lire A Poix-du-Nord, le cœur lourd des salariées d’Ecce

[2Il est même envisagé de faire sauter la maison façon La petite maison dans la prairie, qui s’avère être une série plus radicale que dans nos souvenirs.