Derrière l’agression islamophobe au conseil régional de Bourgogne, la marque d’un ancien identitaire tourangeau

Le 11 octobre dernier, un groupe d’élus régionaux FN mené par Julien Odoul s’en est pris à une accompagnatrice scolaire parce qu’elle portait un foulard, générant une nouvelle polémique raciste. Le chargé de communication des élus d’extrême-droite n’est autre que Pierre-Louis Mériguet, ancien chef d’un groupuscule identitaire.

En pleine séance, l’élu FN Julien Odoul a demandé à la présidente du conseil régional de Bourgogne Marie-Guite Dufay d’enjoindre à une femme qui accompagnait un groupe d’élèves de CM2 de « bien vouloir retirer son voile islamique », sous prétexte de « laïcité ». Sur le moment, la provocation islamophobe a tourné court : la présidente a refusé d’intervenir contre l’accompagnatrice, et le groupe FN a bruyamment quitté la salle.

Même si elle a été improvisée à l’arrivée de Fatima E. dans l’hémicycle, l’intervention d’Odoul a été mise en scène pour produire un effet maximal. À 15h40, le compte Twitter @RN_BFC, chargé de l’actualité des 15 élus du groupe d’extrême-droite à l’assemblée régionale, annonce : « Nos élus quittent l’hémicycle (...) après une provocation communautariste. La vidéo arrive sur le compte de @JulienOdoul ». Dix minutes plus tard, l’intervention d’Odoul est publiée sur son compte Twitter. Elle ne provient pas de la captation vidéo faite par les services du conseil régional : elle a été réalisée par un collaborateur de l’élu, qui a déclenché l’enregistrement avant le début de l’intervention. Il savait donc très bien ce qu’il allait filmer et le « buzz » raciste qu’il était susceptible d’en tirer.

Celui qui filme, c’est Pierre-Louis Mériguet, chargé de la communication du groupe FN et de l’animation des réseaux sociaux [1]. Avant d’être salarié par le Front National, il dirigeait un groupuscule tourangeau ouvertement raciste, homophobe et violent, proche du mouvement Génération Identitaire [2]. À Tours, il était devenu spécialiste des actions d’agitation visant à propager son idéologie raciste, sur le modèle des happenings organisés par Génération Identitaire. On retrouve, derrière l’agression au conseil régional, la marque de ces militants identitaires : une obsession pour l’islam doublée d’un sens aigu de la communication [3].

Après avoir quitté la salle du conseil, une autre élue d’extrême-droite, Karine Champy, s’en est pris à la femme qui accompagnait la sortie scolaire : « Vous êtes soumise, vous allez voir, quand les Russes vont arriver, vous allez dégager ! » [4].

Une nouvelle fois, l’agenda médiatique a été dicté par l’obsession raciste de la mouvance identitaire

Avec l’aide des médias, la mise en scène montée par Mériguet et Odoul a pris une proportion gigantesque, ouvrant la voie à une énième « polémique sur le voile » et aux déferlements racistes qui vont avec. Peu après que les élus FN ont quitté la séance, France 3 Bourgogne choisit de titrer « Conseil régional : en pleine séance, Julien Odoul (RN) crée la polémique autour du port du voile ». De nombreux médias embrayent, déroulant le tapis rouge à une flopée d’élus d’extrême-droite : Julien Odoul sur Europe 1 le 13 octobre et sur CNews le 14 octobre ; Jean Messiha, membre du bureau national du FN, sur LCI le 13 octobre ; Jordan Bardella, vice-président du FN, sur France Info le 15 octobre. L’opération menée conjointement par Odoul et Mériguet est un succès, des figures du parti ont micro ouvert pour s’en prendre aux femmes musulmanes.

Le point culminant a été atteint avec l’intervention du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, invité à s’exprimer sur la « polémique » par BFMTV. Le ministre a déclaré préférer qu’une mère accompagnatrice ne porte pas le voile car « [le voile] n’est pas souhaitable dans notre société » [5]. Et tous les responsables politiques sont désormais invités à se positionner sur la question. Une nouvelle fois, l’agenda médiatique a été dicté par l’obsession raciste de la mouvance identitaire.

Mais tout cela n’aurait certainement pas été possible sans les déclarations d’Emmanuel Macron, quelques jours plus tôt. En invitant la population à lutter contre « l’hydre islamique » en traquant les faits et gestes de la population musulmane pour y déceler des signes de « radicalisation », le président de la République a ouvert la porte aux provocations racistes de l’extrême-droite.