Conditions de travail à l’Université : deux enseignants dénoncent un climat anxiogène

Dans une longue lettre, deux enseignants-chercheurs de l’université de Tours alertent sur la multiplication des risques psychosociaux qui affectent les personnels de l’enseignement supérieur.

Déconsidération des personnels, dévalorisation des efforts et du travail accomplis, non transmission de décisions prises par les instances de l’université, dysfonctionnements aux impacts importants dans les différents services, incertitudes dans la collaboration entre services, erreurs, pertes de temps…

La lettre adressée par deux linguistes au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’université de Tours décrit d’abord l’évolution du statut des enseignants-chercheurs au cours des dernières années [1]. Dans un deuxième temps, elle alerte sur la multiplication des risques psychosociaux qui touchent les agents de l’université. Les causes sont énumérées : organisation du travail, charges de travail, répartition des charges de travail, calendriers de travail, climat social...

Une dénonciation rare dans un milieu qui bien souvent se considère comme à l’écart des misères du monde du travail. Pour les auteurs de cette lettre, professeurs et maîtres de conférence subissent, comme tout salarié, une politique managériale anxiogène. Au fil des lignes, on retrouve un certain nombre de maux typiques du management contemporain.

Acheter la paix sociale à bon compte

Face à cela, les seules solutions apportées par la présidence sont qualifiées d’« initiatives superficielles », plus proches de l’animation propre à une certaine culture d’entreprise que de véritables solutions : organisation d’un pique-nique estival, charte de bonne conduite, appels à la bienveillance et la bientraitance, etc. :

Ces tentatives superficielles de compensation sont lues comme autant d’indices que l’établissement, tout en constatant ces problèmes de fond, décide de ne pas traiter les causes primaires de mal-être au travail, et essaie d’« acheter » la paix sociale à bon compte avec quelques opérations « poudre aux yeux ». Ces initiatives sont vécues comme autant de témoignage de déconsidération, les personnels ne pouvant que déplorer qu’on puisse penser qu’ils se laisseront amadouer par ces subterfuges assez grossiers.

C’est surtout dans les actes de la gouvernance stratégique de l’université que ces deux enseignants trouvent l’origine des principales souffrances des personnels : décision subite de constituer une communauté d’établissements avec l’université d’Orléans, sans l’aval du conseil d’administration ; processus d’accréditation de l’offre de formation sans véritable pilotage, ponctué de nombreuses rumeurs et incertitudes ; absence de documents de cadrage ; critères d’évaluation connus seulement à l’issue des différentes procédures à valider… Conséquence de cette gouvernance hasardeuse : le sentiment, pour le personnel, de réaliser un travail inutile, de répéter les mêmes tâches, de gaspiller ses efforts.

Anxiété, méfiance, inefficacité, flou, incertitudes, opacité, concurrences malsaines entretenues par les autorités de l’Université de Tours suscitent des troubles et risques psycho-sociaux chez des agents de l’Université. Cela aboutira malheureusement, si rien n’est fait pour contrecarrer les causes primaires d’un certain nombre de ces dysfonctionnements graves, à des conséquences plus graves que celles déjà actuellement observées sur la santé des personnels et sur le climat social de l’établissement.

Cet impact sur la santé ressort clairement du rapport d’activité du médecin de prévention [2] :

« Lors de la visite médicale, chaque agent se positionne sur une échelle de stress au regard de son activité professionnelle. La moyenne est de 4,3 sur une échelle allant de 0 à 10. Les enseignants apparaissent comme davantage exposés que les autres personnels »

Plus loin, le rapport d’activité relève « la persistance de difficultés managériales chez des personnes en situation de responsabilités. Le management induit est à l’origine de souffrances au travail pour les collaborateurs. »

A l’heure où l’université de Tours déploie sa nouvelle stratégie de communication, et se présente comme « une université moderne et ambitieuse, dynamique et attractive », ce texte dévoile l’archaïsme des rapports sociaux au sein de l’institution. Les deux auteurs de cette longue lettre finissent par poser la question suivante : « l’intensité des risques psycho-sociaux : un choix de gouvernance ? ».

Notes

[1L’intégralité de cette lettre est disponible en fin d’article.

[2Extraits des comptes-rendus du CHSCT du 2 juin 2017 et du 8 septembre 2017, disponibles sur l’intranet de l’université.