Chronique d’une année scolaire : l’apprentissage de la citoyenneté

Enseigner la citoyenneté est une des missions de l’école. Alors en pédagogue curieuse, je me suis penchée sur le grand débat national. J’y cherche des pistes de dialogue, des méthodes transposables au sein de la classe. Je ne suis pas déçue de mon voyage en citoyenneté 2.0.

Le grand débat est lancé. Partout les réunions s’organisent, ça bruisse dans les villes et les bourgades. Pour compléter ce dispositif physique, le citoyen peut également participer via le site internet dédié [1]. Autour des quatre thèmes imposés qui sont la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics ainsi que la démocratie et la citoyenneté, et sous couvert d’inscription, chacun peut exprimer son avis. Pour compléter la démarche, il est possible de répondre à des questionnaires à choix multiples (QCM) qui portent également sur les quatre thèmes.

Je me suis donc intéressée à la thématique démocratie et citoyenneté, notamment car ces deux termes sont des concepts qui jalonnent les programmes scolaires d’éducation civique et morale. Le questionnaire présente six items autour de la démocratie auxquels on peut le plus souvent répondre par oui, non, et même je ne sais pas.

La dernière question porte sur la vie citoyenne. Une unique question. Ça ne fait pas lourd. Cela montre déjà en substance l’intérêt que ce gouvernement semble porter à la question du citoyen, ou de l’individu pour simplifier.
Les thèmes de la vie citoyenne, dont j’enseigne les fondements dans le cadre de ma profession d’enseignante en primaire, sont multiples. Citons-en quelques-uns qui résonnent régulièrement avec l’actualité : l’égalité hommes/femmes, le respect des droits de l’homme, la solidarité sociale, le patrimoine culturel, la bioéthique, les principes républicains, les médias, le développement durable…

Le gouvernement donne la parole aux citoyens sur le thème unique de la laïcité. Avec cette question drôlement tournée :

Diriez-vous que l’application de la laïcité en France est aujourd’hui :
Satisfaisante
A améliorer
A modifier profondément

Personnellement, cela me laisse sans voix. Me coupe l’envie de débattre. Réduire la citoyenneté à la seule laïcité, c’est créer une focalisation. Mettre en lumière un seul thème peut avoir deux raisons, la première est de donner à voir ce qui est le plus souvent laissé dans l’ombre, la seconde consiste en l’effet inverse, rejeter dans l’ombre ce que l’on ne veut pas voir ou discuter.
Selon moi, organiser des débats sur des thèmes variés, c’est l’occasion pour les élèves de confronter leurs points de vue, leurs cultures, leurs connaissances et leurs représentations du monde. C’est aussi leur apprendre à porter un discours argumenté, à répondre en contradiction en justifiant sa position, c’est accepter l’autre, c’est élargir son champ de réflexion.

A l’école, la charte de la laïcité est étudiée comme la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ou comme les droits de l’enfant. Elle est un thème parmi d’autres dans l’éducation à la citoyenneté.
Sur cette charte affichée dans tous les établissements scolaires, il est écrit que « la Nation confie à l’École la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République. » Ce gouvernement qui met en débat des QCM, des questions fermées, avec des réponses orientées est le même qui demande aux enseignants de faire vivre les valeurs républicaines au sein de leur établissement.
J’ai juste envie de poser, comme le fait si bien ce gouvernement, des questions orientées avec des réponses orientées.

Estimez-vous que le gouvernement actuel méprise les citoyens :
Un peu
Modérément
Il pourrait sans doute aller vers plus d’écoute et de respect.

Deca