Au CAO de Grandmont, les résidents subissent de plein fouet les conséquences des politiques improvisées par l’État au moment de l’évacuation de la jungle de Calais. En octobre 2016, le gouvernement avait parqué des centaines de migrants dans des bus pour les répartir dans des centres « d’accueil et d’orientation » situés sur tout le territoire. Emmenés vers des destinations inconnues, les exilés avaient obtenu la promesse de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, qu’ils seraient bien traités, et surtout qu’ils pourraient déposer des demandes d’asile en France. Pour beaucoup, cela éloignait le risque d’être renvoyé vers le premier pays européen dans lequel leurs empreintes avaient été relevées — parfois par la la force —, en application du règlement dit « de Dublin ».
Cette opération avait conduit à la création dans l’urgence de dizaine de nouveaux CAO, où rien n’était prévu pour recevoir correctement les exilés. Un certain nombre d’acteurs de l’hébergement avait d’ailleurs refusé de se prêter au jeu, compte tenu de la faiblesse des budgets mis en œuvre par l’État (environ 20 euros par personne et par jour). Avec la complicité d’entreprises comme ADOMA [1], gestionnaire des CAO de Tours et Saint-Pierre-des-Corps, l’État a bricolé une politique d’hébergement des demandeurs d’asile au rabais, mais enveloppée de discours hypocrites sur l’accueil et la générosité.
Lundi 12 juin, rassemblement dès 9 heures devant le CAO de Grandmont (dans le parc de Grandmont), avec pancartes et banderoles, pour rappeler que les résidents et leurs soutiens sont solidaires et exigent la régularisation de tous et toutes et qu’une solution d’hébergement pérenne doit être proposée à chacun-e des résident-e-s.
Depuis, les CAO accueillent des exilés aux parcours divers, qui subissent des régimes différenciés selon qu’ils ont été « ramassés » à Calais, à La Chapelle ou à Austerlitz. En Indre-et-Loire, à force de mobilisations, le préfet a accepté de mauvaise grâce de ne pas appliquer le règlement Dublin aux exilés venant de Calais. Sur ce sujet, le représentant de l’État a sans doute été rappelé à l’ordre par le ministre, qui a réitéré sa promesse de ne pas appliquer le règlement Dublin « aux migrants mis à l’abri fin octobre dernier depuis le campement de la lande de Calais » (voir le courrier ci-dessous). Pour les autres, les injonctions à quitter la France pour aller demander l’asile dans un autre pays tombent régulièrement, à Tours comme partout en France. Les premières grèves de la faim se multiplient, comme à Briançon ou à Embrun [2].
C’est ainsi que début juin, quinze résidents du CAO de Grandmont ont été informés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration qu’il était mis fin à leur accueil. Le motif invoqué ? Ne pas s’être présentés à la préfecture pour un rendez-vous qui se serait probablement traduit par une arrestation, un placement en camp de rétention et une expulsion. Ces hommes, Soudanais et Afghans, risquent de se retrouver à la rue, alors que les structures d’hébergement d’urgence de Tours sont saturées. Ils ont pourtant le même parcours d’exil, la même trajectoire que les « Calaisiens » vivant dans le centre. La seule différence, c’est le nom du camp dont ils ont été chassés pour « une mise à l’abri temporaire ».
Cela fait des années que les politiques répressives et racistes des gouvernements successifs à l’égard des exilés génèrent des camps de misère. Pour beaucoup, les CAO ne constituent qu’une courte parenthèse entre deux mises à la rue. Pendant ce temps-là, à Calais, des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants espèrent toujours pouvoir rejoindre l’Angleterre... Ils subissent chaque jour le harcèlement de policiers qui les traquent, les gazent, et bloquent les distributions de nourriture [3].
Illustration par malachybrowne.