« Elles doivent mettre fin à la délinquance et rétablir la confiance en faisant peur », décryptait Christian Mouhanna, chercheur au Cesdip [1], dans un article que consacrait Libération aux brigades spécialisées de terrain. Dominer par la terreur, une devise qui correspond bien à la manière dont se comportent les flics dans les ZUP de l’agglomération.
Les BST sont généralement affectées à des quartiers ciblés. D’après La Nouvelle République [2], c’est dans les « quartiers de reconquête républicaine » (sic) de l’agglomération que cette nouvelle brigade sera amenée à intervenir. Le traitement spécifique et discriminatoire de La Rabière, du Sanitas et de La Rabaterie se poursuit. Les équipes de BST circulent souvent à pied par petits groupes, avec tout l’équipement défensif et offensif pour le maintien de l’ordre : uniformes noirs, casques, armes du type lanceurs de balles de défense (LBD)… Une panoplie qui témoigne d’une conception implicitement « hostile » de la population, analysait Jacques de Maillard dans l’article de Libération. Et une présence qui peut être perçue comme une occupation et donc une source de tension, poursuivait le chercheur.
Les BST ont été inventées par Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy. Son discours, à l’époque, en disait long de sa conception des rapports police-population :
« Ces policiers ne sont pas des agents d’ambiance ou des éducateurs sociaux. Ce ne sont pas des grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage. » [3]
Un terme revient, dans la bouche des journalistes et des chercheurs : ces flics sont là pour mener des interventions « musclées », un euphémisme souvent employé pour minimiser les violences policières [4]. Quatre flics de la BST d’Aulnay-sous-Bois se sont fait particulièrement remarquer pour leur violence en février 2017, lors de l’interpellation de Théo Luhaka. L’éducateur de 22 ans, gravement blessé, avait été hospitalisé ; trois des policiers avaient été poursuivis pour violences volontaires, le quatrième pour viol.
« Ça a tapé fort. On leur a donné quartier libre. »
Dans un article consacré à une BST francilienne en 2017, la chercheuse Marie Morelle expliquait que le comportement de cette unité fait passer la BAC pour des types sympas [5]. Dans un passage revenant sur la constitution de ces unités, intitulé « Maintenir l’ordre : un territoire à conquérir et à occuper », elle donne la parole au chef du service de sécurité de proximité du commissariat où elle enquête, qui explique que la BST a eu pour mission première de « karchériser » :
« Ça a tapé fort. On leur a donné quartier libre. [...] Certains fonctionnaires étaient individualisés par les gens des quartiers et ce n’est pas bon. »
Plus loin, un autre officier de police explique, à propos du rôle de la BST :
« On n’a pas créé des gars armés jusqu’aux dents pour la prévention. »
Enfin, un gardien de la paix décrit bien le rôle assignés à ces « gars armés » :
« [Les jeunes des quartiers], ils aiment pas la BST. Ils sont trop conflictuels. Quand on les contrôle, ils nous disent que c’est la BST qui les agresse. Ils sont plus répressifs. On leur demande de contrôler beaucoup de jeunes, de visiter les halls. »
Des contrôles agressifs visant les jeunes habitants des ZUP, menés par des flics armés jusqu’aux dents, qui quadrillent le territoire dans une logique d’occupation, voilà ce qu’a imaginé la direction départementale de la sécurité publique pour les quartiers pauvres de l’agglomération. Il ne s’agit pas de ramener ou maintenir l’« ordre », mais de faire la guerre aux populations de ces espaces perçus par les autorités comme dangereux et hostiles.