Après Calais : comment l’Etat cherche à se débarrasser des réfugiés

En Indre-et-Loire, voici un peu plus d’un mois, 114 réfugiés sont arrivés depuis Calais, dans des CAO (Centre d’accueil et d’orientation) situés à Grandmont, Saint-Pierre-des-Corps et dans le Chinonais. Ils doivent y rester au maximum quatre mois. Si leurs conditions de vie se sont incontestablement améliorées, leur situation juridique et leur avenir restent des plus incertains. Mais cette fois dans la plus grande indifférence. Retour sur ce que l’Etat promet aux réfugiés.

Mis en place après la décision d’évacuer le camp de réfugier de Calais, les CAO (Centres d’accueil et d’orientation) ont des consignes claires :

Il conviendra de faire en sorte que le séjour des hébergés au sein des centres soit le plus bref possible, en mettant en œuvre une orientation adaptée à leur situation administrative permettant la libération rapide des places occupées.(...)
En Centre d’accueil et d’orientation, une orientation et une seule est proposée à la personne en fonction de sa situation administrative, sociale et sanitaire dans les plus brefs délais. Si elle refuse cette orientation, il est mis fin à sa prise en charge, sauf circonstances particulières.

Ces quelques lignes, tirées de la Charte de fonctionnement des CAO ne laissent guère d’illusions sur la question des réfugiés : il faut s’en débarrasser le plus vite possible. Le plus discrètement possible aussi.

Ainsi les Soudanais et Afghans (principalement) accueillis en Touraine peuvent craindre le pire. Ils vont d’une façon ou d’une autre être évacués rapidement, après traitement tout aussi rapide de leur dossier. Et cela dans les quatre mois qui suivent leur arrivée, délai maximal, et sans prolongation possible. D’ailleurs, personne ne songe à prolonger la situation puisque les structures d’accueil qui hébergent les ex-calaisiens (un foyer de cheminot à Saint-Pierre des Corps, un village vacances d’EDF à Chinon) ont été louées uniquement pour ces quatre mois [1] par la DDCS (Direction départementale de la Cohésion sociale, alias la préfecture, alias le ministère de l’Intérieur). Pas question de laisser s’installer un peu partout sur le territoire des petits Calais qui pourraient se transformer en camps permanents.

Pour les réfugiés, un long parcours administratif a commencé. Logés en Touraine, ils doivent se rendre à la préfecture d’Orléans où se trouve le GUDA (Guichet Unique des Demandeurs d’Asile), qui doit les recevoir pour constituer leurs dossiers. C’est celui-ci qui distribue les premiers formulaires : un récépissé de demande d’asile pour les uns, ce qui leur laisse six mois devant eux pour rassembler leur dossier ; un formulaire “Dublin” pour les autres (la majorité), qui eux peuvent s’attendre au pire.

En effet, ces derniers, les “Dublinés”, une fois le formulaire en main, n’ont qu’à attendre le bon vouloir de la préfecture d’Indre-et-Loire quant à leur devenir. Selon la réglementation européenne, ils devraient être reconduits dans le pays européen où ils ont laissé pour la première fois leurs empreintes. La Grèce ou l’Italie, le plus souvent.

Malgré les promesses faites par l’OFPRA et le ministre de l’intérieur (Bernard Cazeneuve, désormais premier ministre) de ne pas appliquer cette réglementation et d’accepter un dépôt de demande d’asile, beaucoup des personnes concernées ont reçu tout de même des formulaires “Dublin”. Dans la plus grande hypocrisie politique, les préfectures — qui curieusement sont laissées libres de leurs choix — appliquent indistinctement la réglementation européenne dans certains départements .

Aujourd’hui, les réfugiés “Dublinés” sont soumis en Indre-et-Loire à cette attente et sous le couperet de la préfecture.

Tous sont également sous la menace d’être jetés à la rue en plein mois de février, date de fermeture prévisionnelle des CAO. A cette date, tous les dossiers de demande d’asile ne seront pas traités, et de loin. On imagine mal les structures d’accueil pour demandeurs d’asile (les CADA), déjà saturées en Touraine, leur offrir des places d’hébergement.

En attendant, il y a un autre danger pour le gouvernement : que la population se solidarise avec ces réfugiés qui ont franchis les mers sur des embarcations de fortune pour sauver leur peau. Le développement d’une solidarité empêcherait de fait leur reconduite à la frontière, ou le pourrissement d’une situation qui les verrait atterrir à la rue.

Notes

[1Selon les informations données par le directeur de la DDCS aux associations tourangelles qui travaillent avec les demandeurs d’asile.