Allons aux Rendez-Vous de l’Histoire de Blois… pour nous y rebeller ?

Peut-on et veut-on vraiment débattre lors du traditionnel festival des Rendez-Vous de l’Histoire ? La 17ème édition se déroulera à Blois du 9 au 12 octobre 2014 autour de la thématique des "rebelles". Cette année, un intense débat précède l’événement : comment interpréter la présence parmi les invités de marque d’un individu connu pour ses prises de position réactionnaires ? Faut-il réagir et appeler au boycott ? Voici quelques éléments d’analyse et de réflexion...

« Le 1er aout dernier paraissait dans Libération un appel au boycott des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois (RDVH) initié par Geoffroy de Lagasnerie, philosophe, et Edouard Louis, écrivain, tous deux invités à participer à cette manifestation annuelle des historiens

Motif du boycott : la conférence inaugurale sera prononcée par Marcel Gauchet. Ce n’est pas l’homme qui est visé, précisent les auteurs, mais ses prises de positions jugées réactionnaires. Les dernières publications du Débat, dont Marcel Gauchet est responsable de rédaction, tendraient en effet à leur donner raison. Entre la fausse critique des positions déclinistes et identitaires d’Alain Finkielkraut auquel la revue consacre son dossier du printemps, et son ultime n°180 qui, sous couvert de faire retour sur la mobilisation autour du mariage pour tous, proclame unanimement les dangers de l’homoparentalité, il y a de quoi se demander de quelle « rebellion » Marcel Gauchet peut se targuer pour inaugurer des Rendez-Vous de l’Histoire, qui ont choisi de faire des « Rebelles » leur thème pour 2014 [1].

Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis dénoncent ainsi le fait qu’offrir une tribune à Marcel Gauchet en ouverture des RDVH est un casting désastreux. Sur leurs blogs ou pages Facebook respectives, ils rappellent en outre que Marcel Gauchet s’est illustré depuis longtemps par ses prises de position réactionnaires, tant au moment des grèves de 1995 durant lesquelles il s’était violemment opposé aux prises de position radicales de Pierre Bourdieu en faveur des grévistes, que dans ses analyses tendant le plus souvent en une condamnation de toute conflictualité politique (celle de la Révolution française, notamment mais aussi celle à propos du mariage pour tous). Sa marque de fabrique est plutôt le conservatisme bon teint. En ce sens, les auteurs de la tribune ont raison de pointer l’incongruité du choix d’un conservateur affirmé pour assurer l’ouverture d’une manifestation sur les rebelles. Il y a effectivement de quoi s’interroger sur ce parrainage inédit de la rébellion.

Suscitant au mieux des réactions railleuses ou méprisantes, au pire le silence public des historiens concernés par les RDVH, l’appel s’est transformé en texte collectif signé par diverses personnalités dont une seule est issue des rangs de la profession, l’historien critique de la colonisation Todd Shepard. Depuis, les commentaires vont bon train sur les réseaux sociaux et les listes de diffusion. Globalement, le fond est balayé avec la forme en trois arguments : l’idée d’un boycott et d’une démission de Michelle Perrot, présidente des RDVH, sont au mieux contre-productifs, au pire ridicules, au motif qu’il « faudrait aller débattre ! » ; que philosophes, sociologues, écrivains, chanteurs ou réalisateurs empiètent sur le territoire des historiens ; tout cela n’est enfin que querelle personnelle, mondaine et médiatique. Circulez, la messe est dite, ne changeons rien.

On aurait pu s’en tenir là et rester à notre torpeur estivale, mais il nous semble que, si le boycott n’est pas forcément la réponse appropriée et si la forme du texte est maladroite, cette tribune soulève de véritables questions. »

La suite de l’article est disponible à l’adresse suivante :

Allons à Blois… pour nous y rebeller ?

Rédacteurs : Laurence De Cock, Jérôme Lamy, Fanny Layani, Oliver Le Trocquer, Véronique Servat. Enseignants et chercheurs.

Notes

[1Sous le titre « Les enfants du mariage homosexuel », une section de la revue rassemble des auteurs tous arc-boutés sur une défense de l’hétéroparentalité allant jusqu’à réclamer des contrôles de l’état psychique des enfants de parents homosexuels.