À Loches aussi ça gesticule : modernisation des caméras de surveillance et création d’une milice de « voisins vigilants »

La Mairie de Loches a annoncé le 29 janvier 2016 qu’elle allait tripler le temps de regard des enregistrements de ses caméras et mettre en place un dispositif voisins vigilants à l’échelle de la ville.

L’Indre-et-Loire est décidément bien dotée en matière d’élus rétrogrades et qui se ne lassent jamais de développer des dispositifs pour surveiller leurs administrés. Cette fois-ci, c’est le Conseil Muncipal de Loches qui a décidé de dégainer deux mesures stupides et liberticides.

La première est habituelle : elle consiste à balancer du fric par les fenêtres pour vous filmer sous un maximum de coutures. Ça ne sert absolument à rien mais ça permet de se gargariser dans les médias. L’adjoint au maire (Les Républicains) à la sécurité précise cette fois à la NR :

On a investi 128.000 € de 2008 à 2013. On est en train de changer de dispositif, de passer de liaison ADSL en liaison radios. On va avoir un regard sur les enregistrements qui passent de 10 jours à 30 jours.

Aucune information n’est donnée sur le coût de cette formidable innovation technologique qui permettra de conserver une trace de vos déambulations pendant un mois. En même temps, c’est le sens du progrès, donc on ne va pas se plaindre.

La seconde mesure mise en place à Loches est moins classique mais en plein développement : il s’agit de la création d’un dispositif « voisins vigilants ». Le principe, qui repose sur la tendance ancestrale à la délation du Français, est de sélectionner des personnes référentes pour qu’elles jouent le rôle d’auxiliaires de police en vous surveillant bénévolement pour ensuite vous balancer (toujours gratos) à la moindre incartade délinquante ou déviante [1]. En lien direct avec la Gendarmerie du coin, cette équipe est censée être composée de personnes identifiées mais la transparence n’est en général pas de mise et, si aucune étude n’est venu attester du type de personnalités qui s’engagent dans ce type de dispositif, on n’a guère de doute à ce sujet.

La NR précise que ce dispositif « ne se limiterait pas à un quartier, mais à l’ensemble de la ville ». Après tout, il est vrai qu’il n’y a aucune raison de limiter l’encouragement à la délation à certains quartiers. Dénoncer son voisin qui va quand même bien souvent à la mosquée, sa voisine qui visiblement fume des joints ou le petit dernier de la famille d’en face (qui sont de toute façon des gens louches) pour une tentative de tag ratée ne saurait être vraiment efficace si cela restait limitée à une partie de la ville. Imaginez un peu ce qu’aurait été la Stasi [2] si seuls les privilégiés d’une partie de l’Allemagne de l’Est avaient eu le monopole de la surveillance de leurs proches...

En attendant que vous puissiez vérifier l’efficacité de ce dispositif, rappelez-vous amis Lochois que le langage populaire a produit un lexique fourni pour désigner votre délateur de voisin. Vous en trouverez facilement une liste sur Wikipédia : « mouchard », « balance », « donneur », « indic », « poucave », « sycophante », « cafard », « collabo », « traître » ou « Judas ».

Philippe Laval

D’autres communes concernées en Indre-et-Loire
 
Loches n’est pas la première ville à mettre en place un dispositf « voisins vigilants » dans les environs. Voici une liste (très probablement non-exhaustive) des communes qui ont déjà déployé ce sinistre outil de surveillance :
 
Cormery, Veigné et Esvres (date inconnue) ; Saint-Avertin depuis 2010 ; Hameau de Batilly à Reignac-sur-Indre depuis janvier 2014 ; Reignac-sur-Indre depiuis janvier 2015 ; Chambourg-sur-Indre depuis mai 2015 ; Chinon depuis juin 2015 (comme Loches, à l’échelle de toute la ville) ; un projet est en cours à Auzouer-en-Touraine (il sera mis au vote lors du conseil municipal du 23 février 2016).

Notes

[1Pour rigoler, voilà comment la NR formule cette idée : « Le rôle des voisins vigilants est de prévenir les forces de l’ordre en cas d’agissements supposés suspects ».

[2Police politique, de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage de la République démocratique allemande (RDA). Elle comptait, lors de sa dissolution 91 000 agents officiels et 175 000 informateurs, soit 1 % de la population est-allemande, ce qui garantissait à la RDA une capacité de surveillance extrêmement efficace.