Une communication des plus bienveillante...
Depuis le début du confinement la communication gouvernementale est surabondante en matière éducative. Parmi les nouvelles idées en circulation, la désormais célèbre « continuité pédagogique » qui se passe fort bien, les « vacances apprenantes » à la fois source de repos et d’apprentissage et puis toute une rhétorique autour des « inégalités » (qui contredisent bien un peu l’idée énoncée par monsieur Blanquer que notre continuité pédagogique est une réussite que le monde nous envie), ou des reports de fermetures d’écoles, puis de classes en milieu rural. Conséquence de tout cela : le nombre de postes pour l’an prochain est annoncé en augmentation. Cette fois, vrai de vrai, l’effort national en faveur de l’éducation des plus démunis, des plus isolés va se voir sur le terrain. Pour vérifier cela d’ailleurs il n’y a qu’à y aller sur le terrain, par exemple à l’école Nelson Mandela de Château-Renault.
La carte scolaire selon la Nouvelle République et le DASEN
La Nouvelle République titre dans son édition du 16 avril « Carte scolaire : moins d’élèves, plus de postes à la rentrée ». Tout de suite le malaise s’instaure. En effet, pour l’école Mandela, la rentrée ce sera : plus d’élèves (129 élèves sont attendus l’an prochain contre 126 actuellement) et moins de postes puisque une classe a été fermée. L’encart de la NR annonce également qu’une classe va être ouverte. En fait non : un poste d’enseignant « réussite cycle 2 » est affecté à une classe pour compenser une fermeture, ce qui n’est pas du tout la même chose. Avant d’aller plus loin, quelques explications s’imposent pour bien comprendre de quoi nous parlons.
Un poste « réussite cycle 2 » qu’est-ce-que c’est ?
Il est vrai que l’école Mandela comptera le même nombre de classes l’an prochain mais un poste aura été supprimé, le poste « réussite cycle 2 » qui existait depuis 8 ans sur cette école, qui donnait entière satisfaction et qui, comme son nom l’indique, a pour objectif d’aider particulièrement les élèves en difficulté scolaire afin qu’il acquièrent les mêmes compétences que les autres. Il s’agit d’un poste surnuméraire pour un enseignant qui prend les élèves par petits groupes selon les besoins observés en classe. Sur le site de l’académie d’Orléans-Tours voici la description qui en est donnée :
L’intervention d’un maître supplémentaire au sein d’une école s’inscrit dans le cadre du projet d’école : l’objectif est de conduire chaque élève à la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il s’agit de prévenir la difficulté scolaire ou d’y remédier si nécessaire. L’action sera prioritairement centrée sur l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance (expression orale et écrite, mathématiques) et de la méthodologie du travail scolaire dans le temps afin d’obtenir des résultats quantifiables (évaluation bilan des élèves concernés).Elle est menée exclusivement sur le cycle 2. Elle pourra également être axée uniquement sur les CP dédoublés.
Un choix qui interpelle
Autrement dit, à l’heure où la lutte contre les inégalités scolaires a été érigée en priorité nationale lors d’un discours présidentiel que 39 millions de Français ont suivi le lundi 13 avril dernier, comment est-il possible de supprimer ce poste dans une ville qui compte le plus fort taux de pauvreté d’Indre-et-Loire [1] ? Tout simplement parce que tous les postes « réussite cycle 2 » ont été supprimés en Indre-et-Loire cette année.
C’est-à-dire qu’à l’heure où le président de la République explique que la « continuité pédagogique » amène d’intolérables inégalités qu’il convient de combattre par tous les moyens possibles, notamment par la réouverture des écoles dès le 11 mai (ce qui est loin de faire consensus auprès de la communauté scientifique et enseignante notamment), les postes qui sont présentés par l’inspection académique comme permettant de lutter contre les inégalités sont supprimés.
Et voilà que quelques-unes des villes les plus pauvres et/ou plus isolées, en pleine communication contre les inégalités scolaires, se voient supprimer leur poste « réussite cycle 2 » ! Vous voulez des exemples ? En voici : Sainte-Maure-de-Touraine, Francueil, Tours (quartier rives du Cher ou Botanique), La Riche, Descartes ou Château-Renault donc. Assurément des villes ou des quartiers pour lesquels les inégalités ne sont pas un souci...
La lutte contre les inégalités ne passe t-elle pas par Château-Renault ?
Mais revenons à notre sujet maintenant que ces quelques explications d’ordre général ont été données. Monsieur Blanquer annonce le 27 mars sur TF1 qu’aucune classe en milieu rural ne fermera sans l’accord de la mairie. Pour la rentrée 2020 une classe est fermée à l’école Mandela alors que le nombre d’élèves annoncé est plus important pour la rentrée 2020 qu’il ne l’était pour la rentrée 2019. On objectera peut-être que le dernier nombre officiel d’habitants à Château-Renault fait état de 5 019 habitants au 31 décembre 2016 (soit 19 de plus que 5 000, le seuil fixé par Jean-Michel Blanquer lors de son allocution télévisée du 27 mars pour définir la ruralité), mais il est possible de répondre à cela que le nombre d’habitants en 2019 est estimé à 4 929.
« Oui mais une autre classe ouvre à la place ! », vont dire les défenseurs de la carte scolaire pour la rentrée 2020 (s’il s’en trouve [2]). Sauf que le poste « réussite cycle 2 » qui a été transformé en classe, compensant la fermeture de la septième classe décidée auparavant, est supprimé, ainsi que tous les autres sur le département d’ailleurs...
Donc la lutte contre les inégalités, martelée par Monsieur Macron à la télévision le 13 avril, se voit contredite par les actes de monsieur le DASEN lors de la carte scolaire élaborée le 15 avril, soit deux jours après seulement ! Pourquoi donc ? Château-Renault est une des villes les plus pauvres du département, elle est également en zone rurale !
Alors certes le nombre de classes reste malgré tout le même. Mais le poste « réussite cycle 2 », qui a été attribué à l’école spécialement pour corriger les inégalités qui, encore plus qu’à l’ordinaire, se sont fait jour lors de l’épisode si douloureux pour nombre d’enfants et de parents des milieux les plus défavorisés de la « continuité pédagogique », est supprimé.
À qui veut-on faire croire ainsi que la lutte contre les inégalités scolaire est réellement une priorité à l’heure où sont supprimés tous ces postes sur le département ? À qui veut-on faire croire que les moyens sont mis sur l’éducation pour faire de la lutte contre les inégalités une priorité ?
En conclusion : quand la communication tente de cacher les actes
L’exercice de communication gouvernementale ne cache que trop mal, encore une fois, la sordide réalité. Oui, des postes sont supprimés une nouvelle fois alors que leur besoin n’a jamais été aussi grand. Cela n’empêchera pas les enfants de grandir mais cela en privera un certain nombre des compétences indispensables pour devenir des citoyens bénéficiant des mêmes chances face à l’embauche ou à l’exercice de sa citoyenneté que les autres.
En voulant sauver le peu d’apparences qu’il pourrait rester à sauver, ce sont des enfants que l’on sacrifie. Sans réel changement de la politique éducative et sans maintien de tous les postes existants accompagnés de la création de tous les postes nécessaires et la prise en charge des inégalités (notamment les postes du Réseau d’Aide Spécialisé aux Élèves en Difficulté) rien ne sera jamais résolu. Quand la couverture est trop petite, quel que soit le côté d’où l’on tire, il y aura toujours l’autre côté qui sera découvert.
Une pétition en ligne pour le maintien des postes « réussite cycle 2 »
Une pétition a été mise en ligne pour soutenir la demande des conseils des maîtres des écoles concernées de maintenir les postes « réussite cycle 2 ». Tout le monde peut la signer, et le nombre de signatures obtenues pourrait être un atout considérable pour obtenir un aménagement et le maintien des postes, alors n’hésitez pas à signer et à partager en cliquant ici.