Le 3 novembre, Walvein, le maire de Tours, avait alerté le conseil municipal : « Le pauvre souffre, l’ouvrier languit et se décourage en présence d’un état de chose qui ne lui permet pas de nourrir sa famille avec le prix de sa journée. » Malgré une forte opposition, des crédits sont votés pour que près de 5 000 personnes [1] obtiennent du pain à prix réduit : le 20 novembre, la municipalité annonce que la distribution de bons de pain démarrera le 1er décembre. Mais le même jour, des affiches apparaissent sur les murs de la ville, invitant la population à se réunir pour s’attaquer au maire et au préfet si le prix du pain n’est pas baissé dans les vingt-quatre heures :
« Habitens de la ville de Tours, depuis longtemps nous somes plongé dans la misèr, il es temps d’ans finir, c’est le pain à 30 sous qu’il nou faut sous 24 heures, ou reunissont nous tous et commancon par aneantir les 2 plus fort accapareur de blé qui sont le maire et le préfet, don, cher consitoyen, ci le pain n’est pas à 30 sous, faison le maître de force. »
Le samedi 21 novembre, jour de marché, des habitants de Tours et de la campagne environnante se rendent aux Halles, et exigent d’un commerçant en blé qu’il vende sa marchandise à moitié prix. Il refuse, et la colère de la foule éclate. L’infanterie est envoyée pour réprimer le désordre, mais elle est reçue par des pierres. Personne n’écoute les sommations du commissaire de police. Le maire et son adjoint rappliquent, dans l’espoir de calmer les esprits, mais ils repartent en sang. Les flics Ricard et Montjallon sont également blessés. Alors, les autorités envoient le 2ème lancier, qui charge la foule. Les émeutiers, hommes et femmes, se dispersent et se défoulent sur les réverbères et les boutiques de la rue Royale [2].
Les violences durent toute la nuit. Les émeutiers reçoivent le soutien des habitants, notamment dans la rue Colbert. Le dimanche, l’ordre n’est toujours pas rétabli, les affrontements se poursuivent entre la population et l’armée. Sous une pluie de pierres et de morceaux de bouteilles, la gendarmerie, les lanciers et moins efficacement la garde nationale continuent à repousser les assaillants. Finalement, les autorités procèderont à 56 arrestations. Le 23 novembre, le Journal d’Indre-et-Loire annonce que deux bataillons de ligne de Blois et quatre escadrons de lanciers de Rambouillet ont été envoyés à Tours.
Entre temps, le mouvement a fait tâche d’huile. A Loches, l’agitation est vite réprimée, mais à Chinon, le peuple encouragé par un homme venu d’Azay-le-Rideau se rend maître de la ville pendant trois jours [3]. Dans un rapport au ministère de la Justice, le procureur général d’Orléans notera plus tard : « Il ne fallut rien moins que la plus décisive réaction pour abattre cette morgue brutale du prolétaire et du paysan, qui déjà se croyaient maîtres. »
La presse encourage les autorités à trouver des coupables sur lesquels faire retomber la responsabilité de l’émeute. Dans le Journal d’Indre-et-Loire on peut lire : « Dans cette foule exaspérée, on a arrêté des agitateurs dont la loi aura à punir les coupables intentions, mais aussi des ouvriers égarés par des pernicieux conseils et des indigents qui souffrent de la cherté des grains. »
A suivre.
Illustration : Charge des lanciers contre les insurgés parisiens, 1830.