Vaccination : les retraités d’Indre-et-Loire dénoncent l’impréparation du gouvernement et les difficultés d’accès

Dans une lettre ouverte à la préfète d’Indre-et-Loire datée du 23 février, l’intersyndicale des retraités d’Indre-et-Loire estime que « l’insuffisance des plages et des vaccins disponibles est criante ».

Nos organisations souhaitent attirer votre attention sur la situation des retraitées, des retraités, des personnes âgées, des résidents et personnels des EHPAD, des soignantes et des soignants, des personnes à risques au regard de la campagne de vaccination qui a débuté en France depuis la fin du mois de décembre. S’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur la qualité des différents vaccins proposés, et tout en respectant la liberté de choix de chaque personne de se faire vacciner ou non, nous souhaitons que chaque citoyen qui demande à être vacciné puisse l’être. De ce point de vue, l’organisation actuelle de la campagne de vaccination pose de nombreux problèmes. Nous nous interrogeons donc sur la stratégie de vaccination, sur les moyens effectivement déployés pour la mettre en œuvre et sur le fait que des traitements adaptés soient disponibles et proposés systématiquement à tout patient infecté par la Covid 19, quel que soit son âge.

Au plan national, nous observons, de la part du gouvernement, une impréparation de la campagne, un manque de célérité dans son organisation et surtout une pénurie de vaccins, conséquence d’une politique qui a sacrifié les moyens de la recherche publique, détruit les emplois nécessaires à celle-ci et a laissé délocaliser la production des médicaments.

Par ailleurs, il n’est pas acceptable qu’une société comme Sanofi, qui a largement bénéficié des ubventions de l’État pour développer la recherche et vu ses profits augmentés de 340 % en 2020, annonce en pleine pandémie la suppression de 1700 emplois, dont 400 de chercheurs. Et ce, après avoir reçu la visite et les félicitations du président de la République et distribué généreusement des dividendes à ses actionnaires. Le gouvernement doit intervenir pour préserver le potentiel de recherche de cette société, en l’obligeant à revenir sur cette décision.

Nous demandons qu’un pôle public du médicament soit mis en place. Cette pandémie fait apparaître le PPM, « Pôle Public du Médicament » comme une nécessité face à toute situation de crise sanitaire autant que dans la gestion à court, moyen et long terme des médicaments en France. Ainsi, le pays est-il dépendant aujourd’hui des laboratoires étrangers qui annoncent tous des retards et peuvent même diminuer les livraisons prévues. De ce fait, des centres de vaccination sont obligés de fermer. Il est constaté partout une difficulté forte et récurrente pour les prises de rendez-vous, des délais qui ne sont pas précisés et le sentiment partagé d’une forte distorsion entre communications gouvernementales et réalités du terrain.

Notre situation locale n’échappe pas à ces difficultés nationales. Dans notre département, six centres de vaccination sont prévus pour les personnes âgées de plus 75 ans ou atteintes de pathologies et trois centres pour les professionnels de santé en exercice. Des numéros de téléphone sont dédiés pour les prises de rendez-vous. Un site privé (Doctolib) permet aussi la prise de rendez-vous. Mais l’accessibilité aux rendez-vous est un parcours d’obstacles pour les personnes âgées, d’autant que notre département n’est pas totalement couvert par les réseaux internet. L’insuffisance des plages et des vaccins disponibles est criante. Nous avons des retours de nombreuses personnes qui n’ont pas pu, à ce jour, avoir de rendez-vous. Quand commencera la vaccination pour les personnes âgées entre 65 et 75 ans ?

La première difficulté concerne la prise des rendez-vous. En effet, l’engorgement des plateformes téléphoniques et leur saturation sont vite atteints. Le recours éventuel à la prise de rendez-vous en ligne sur internet crée des problèmes à nombre de ces personnes qui maîtrisent difficilement, voire pas du tout, l’outil informatique. Une autre difficulté réside, pour celles et ceux qui habitent en zone rurale ou en secteur périphérique des grandes villes dans l’éloignement des centres de vaccination, ce qui engendre des problèmes de transport, difficiles à résoudre pour certaines et certains.

Vous avez commencé à répondre à ces difficultés en coordination avec le président du Conseil départemental en menant une action spécifique en direction des personnes âgées bénéficiaires de l’APA à domicile en GIR 3 et 4 [1], ce qui représente environ 5000 personnes. Il s’agit de faciliter la prise de rendez-vous et de permettre le transport vers les centres de vaccination. La démarche nous paraît utile, mais pas suffisante à l’égard des enjeux.

C’est pourquoi nous demandons :

  • la mise à disposition de doses de vaccins correspondant aux besoins réels de la population, des centres de vaccination de proximité, des personnels qualifiés en effectif suffisant pour cette campagne. Pour ce faire, il est urgent de réintégrer les vaccins dans le domaine public afin de favoriser l’accès pour tous sur toute la planète.
  • des dispositifs décentralisés d’aide à la prise de rendez-vous à l’échelon municipal ou intercommunal, avec mise en place d’appels systématiques aux personnes concernées par ces premières étapes relatives aux personnes âgées. Nous suggérons d’utiliser si nécessaire les listes de personnes isolées établies pour répondre aux risques liés à la canicule, service à l’étude à Tours avec le CCAS.
  • l’extension des services de transports déjà en œuvre sur le département à toute personne isolée ou en ayant besoin.
  • l’organisation d’équipes de vaccination itinérantes pour couvrir les zones rurales ou péri-urbaines très éloignées des centres de vaccination, dès que seront disponibles des vaccins non contraints par des conditions de conservation à -80°C.

Nous demandons que nous soit communiqué le coût de la plate-forme « Doctolib » qui se substitue au service public de santé. Nous souhaitons que le même dispositif que celui mis en place pour proposer la vaccination contre la grippe saisonnière, via la Sécurité Sociale, soit validé pour la COVID.

Nous souhaitons que soit mis fin aux campagnes de stigmatisation systématique des retraités et personnes âgées qui ne visent qu’à les faire passer pour des « privilégiés » alors que les pensions sont bloquées depuis de nombreuses années et que nombre d’entre eux, comme de nombreux jeunes, ont de plus en plus recours aux organisations caritatives.

Dans une période de tension aiguë des hôpitaux, nous craignons que ce manque d’organisation de la campagne de vaccination ne provoque la saturation d’accueil des patients, plus particulièrement en lits de réanimation, et fasse porter le risque de déprogrammation d’opérations, ce qui est déjà le cas, et de suivi des autres patients

En espérant que vous accorderez toute votre attention (et plus que pour nos deux derniers courriers restés sans réponse de votre part) à ces demandes pour la protection des retraités et personnes âgées de notre département, qui ont déjà trop souffert de la pandémie, nous vous prions, d’agréer, Madame la Préfète, l’expression de nos salutations les meilleures.

Notes

[1Le GIR désigne un degré de dépendance.