Le 25 mai 2018, un salarié travaillant dans une grande Organisation non gouvernementale (ONG) s’est donné la mort sur son lieu de travail parisien, après avoir alerté sa direction sur ses conditions de travail. Du 21 juin au 28 juin 2018, plus de 80 % des salarié.e.s d’une autre grande association de défense des droits se sont mis en grève pour dénoncer leurs conditions de travail. Leur mobilisation collective leur a permis de se faire entendre.
Pour une lutte victorieuse et relayée, de combien de luttes de travailleur.se.s associatif.ve.s, avez-vous entendu parler ? Quelques-unes ? Sans doute aucune. Quotidiennement, le syndicat ASSO-Solidaires est alerté par des salarié.e.s qui subissent une organisation du travail violente, incompatible avec les valeurs défendues par leurs employeurs.euses et l’objet social même de leur structure, ajoutant l’angoisse de la perte de sens à la souffrance des conditions de travail dégradées.
Trop souvent, dans le secteur associatif, l’objet social prime sur les conditions de travail. Si oser évoquer l’impact de ces dernières sur les travailleur.se.s est particulièrement difficile, être entendu.e est un parcours du combattant. Dans les petites associations de quartiers comme dans les grandes ONG, les travailleur.se.s associatif.ve.s sont généralement, pour les usager.e.s et partenaires de l’association, les premier.e.s interlocuteur.trice.s et donc les porteur.se.s les plus immédiatement visibles des valeurs de la structure. Ielles mêmes se considèrent, pour la plupart, engagé.e.s, voire militant.e.s dans leurs activités quotidiennes.
« Engagez-vous, rengagez-vous »
C’est au prétexte de cet engagement, comme un dû à leurs employeur.se.s, que les travailleur.se.s associatif.ve.s, devraient renoncer aux revendications pour de meilleures conditions de travail. Heures supplémentaires qu’on ne compte plus, week-ends et jours fériés travaillés non rémunérés, salaire de misère pour une charge de travail épuisante...
C’est cette « société de l’engagement », voulue par la République en marche arrière et imposée par une politique assumée de précarité pour tou-tes, que les salarié.e.s d’ONG et d’associations prennent en pleine figure. Un.e bon.ne citoyen.ne est un.e citoyen.ne engagé.e, un.e bon.ne travailleur.se est un.e travailleur.se engagé.e, un.e bon.ne chômeur.se est un.e chômeur.se engagé-e. Un engagement choisi par le gouvernement et le patronat. Pas celui des zadistes, des syndicalistes ou des militant.e.s contre les violences policières... Engagez-vous, rengagez-vous, tou.te.s au garde à vous, et au placard l’obligation légale des employeur.se.s de protéger la santé mentale et physique des salarié.e.s !
« Faire comprendre aux employeurs "militants" qu’il n’y aura pas d’alternatives possibles sans mettre fin à l’exploitation des travailleurs »
De la même manière que précariser les cheminot.e.s ou les infirmier.e.s, en remettant en cause leurs statuts, conditions de travail, etc. ne pourra jamais être source d’amélioration du service public et de sécurité pour les usager.e.s, demander aux travailleur.se.s associatif.ve.s d’accepter n‘importe quelles conditions de travail « pour la cause » ne pourra jamais faire avancer la transformation sociale.
Il est urgent de faire comprendre aux employeur.se.s « militant.e.s », qui nous ont souvent recruté.e.s pour notre engagement personnel autant que pour nos compétences, qu’il n’y aura pas d’alternatives possibles sans mettre fin à l’exploitation des travailleur.se.s. Et qu’il n’est plus possible de se présenter comme « acteur.trice.s du mouvement social » sans lutter au sein de nos collectifs/associations contre les violences organisationnelles (mais aussi sexistes, racistes, ...) qui s’y exercent.
Le syndicat ASSO – Solidaires rappelle que, comme pour n’importe quel.le travailleur.se, notre fiche de paie ne devrait être que le reflet de la force de travail échangée. Que l’engagement ne peut être qu’un choix personnel, qu’il ne peut pas intervenir dans le cadre d’une relation de subordination et encore moins être la variable d’ajustement d’un budget en période de crise.
- Nous demandons aux employeur.se.s « militant.es » d’organiser, quelle que soit la taille de la structure associative, un espace de dialogue, régulier et protégé, pour entendre et répondre aux revendications des travailleur.se.s ;
- Nous appelons les salarié.e.s du secteur associatif à s’organiser collectivement, à rester solidaires, à échanger régulièrement sur leurs conditions de travail et à continuer de les dénoncer...
Nous sommes la transformation sociale. Organisons-nous !