Retour de la rentabilité à l’hôpital : « La roulette russe des soins »

Après les annonces officielles de Macron du lundi 13 avril, les grandes manœuvres pour le déconfinement vont commencer. De nouveau, l’économie reprend la première place dans les objectifs de nos décideurs et les confinés d’hier retournent au boulot. L’hôpital se voit de nouveau soumis à des exigences de rentabilité. Communiqué de Sud Santé Sociaux d’Indre-et-Loire.

Bienvenue en France, 6èmepuissance mondiale ! On leur avait dit, ils n’ont pas écouté. Ils constatent qu’il y un « p’tit » problème mais surtout ils n’apprennent toujours rien. Lundi de Pâques, les Françaises et les Français ont le droit à un discours digne des plus grands dramaturges de l’Antiquité. Oui, il fallait innover, le précédent était militaire. Maintenant que l’on se rend compte que l’on a perdu la guerre et que la France compte ses morts, il faut faire preuve de compassion.

Oui, notre gouvernement, dans sa grande mansuétude, s’associe au petit peuple, celui-là même qu’il gazait les mois précédents. Hier, ces grands du gouvernement soit disant « En Marche » avaient placé, ironiquement, l’économie à l’arrêt par mesure de protection de la population « quoi qu’il en coûtait ». Aujourd’hui, le montant de la facture semble trop lourd et les pertes (entendez en vie) sont de nouveau négociables et acceptables.

Annonce de la reprise de l’école, pour nos plus jeunes et les enseignants prévue le 11 mai, mais aucune information sur les modalités pratiques de cette reprise en terme de protection pour ces derniers. En résumé : « Chassez le naturel, il revient au galop ! ». De nouveau, l’économie reprend la première place dans les objectifs de nos décideurs et les confinés d’hier retournent au boulot.

À l’hôpital, c’est la même problématique. Les hospitaliers réclamaient des moyens pour dispenser des soins de qualité à l’ensemble de la population et s’alarmaient des risques si une crise sanitaire survenait. Eh bien, la crise est là. Et le Corona sert d’électrochoc dans la prise de conscience de toutes et tous que notre système de santé est bien à la peine et que les demandes des hospitaliers étaient bel et bien justifiées. Par conséquent, pour dissimuler la non anticipation ou son incompétence, notre gouvernement nous a abreuvés de discours totalement irréalistes et contradictoires, du type pas d’inquiétude, la France est prête ou encore il n’est pas nécessaire de porter un masque ! Et l’on en passe...

Après le manque de matériel, la pression pour redevenir rentable

Au CHU de Tours, on jurerait voir la même pièce de théâtre (tragique évidemment). Déjà en termes de protection des agents, on avait dénoncé les tensions pour les stocks de masques, puis des surblouses et le fait que la direction donnait une autre définition au mot usage unique. Maintenant, l’impératif redevient les recettes. Si bien qu’à peine a-t-on commencé à entamé une phase plateau de l’épidémie qui sévit, que les exigences de rentabilité reprennent le dessus. Ce satané virus, en plus de contaminer les patients et les personnels, grève le budget de l’hôpital : Vive la T2A [1]. On ferme des lits de secteurs dit COVID le temps d’une grande désinfection afin d’y hospitaliser le plus rapidement possible des patients conventionnels.

Vous nous direz que ce sont là les objectifs d’un hôpital : accueillir des patients. Mais malheureusement, ces mêmes patients, dit fragiles, nous allons les accueillir dans des services recevant conjointement des patients COVID. Vous nous direz encore, comme le fait la direction du CHU : « Il faut juste appliquer les gestes barrières ! ». Bien entendu, et les soignants sont aguerris en termes de gestes barrières. Pourtant, le risque est bien présent. Des agents ont été contaminés et certains présentent des signes évidents de contamination et d’autres peuvent se révéler porteurs sains. Pourtant, la direction continue d’appliquer à la lettre les consignes de l’État : pas de dépistage systématique des personnels. Peut-être, là aussi faut-il prendre en compte la réalité économique, la reconnaissance des accidents du travail et ou de la maladie professionnelle pourrait coûter trop cher. Ou bien, comme pour les masques et le reste des équipements de protection, adapte-t-on les règles d’hygiène en fonction des stocks. Et là nous parlons de stocks de personnels.

Pour finir, vous pourriez nous rétorquer, de quoi se plaint le personnel hospitalier, ils vont toucher une prime. Oui une prime unique dont les modalités d’attribution semblent encore floues et potentiellement injustes. Heureusement que la perte d’audition n’est pas un signe d’atteinte du COVID, il faudrait tester tous les membres du gouvernement, des ARS et des directions hospitalières. Car même si cette prime peut paraître la bienvenue pour des personnels qui pour certains ont payés le prix fort, rappelons que ce sont des revalorisations salariales que l’ensemble des personnels réclame depuis plus d’un an et qu’importe sa fonction dans l’hôpital : de l’ouvrier technique, en passant par l’agent administratif jusqu’au soignant. Ce sont ses agents qui conjointement font marcher un hôpital et ils ne sont rien les uns sans les autres.

Ceci n’est pas un énième message d’alerte car depuis des semaines nous en faisons l’amer constat, les multiples plans de restrictions budgétaires, les COPERMO avec les fermetures de lits et les suppressions de postes, le manque de moyens et de personnel dans les EHPAD, sont responsables de la catastrophe sanitaire d’aujourd’hui. Le service public hospitalier doit retrouver son objectif premier : soigner. Depuis des années, les gouvernements se chargent de mettre l’hôpital à terre, maintenant il faut panser ses plaies et le faire renaître, pour cela :

  • Redonnez-nous les moyens de soigner, de vous soigner.
  • Redonnez-nous des lits à la hauteur des besoins.
  • Redonnez-nous des effectifs.
  • Et donnez-nous enfin des salaires décents.

C’étaient les revendications d’hier, ce sont encore les revendications d’aujourd’hui etc e seront si nécessaires celles de demain. Des masques pas des baillons, cette crise sanitaire ne nous fera pas taire. Des tests et du matériel adapté pour tout le monde, y compris la population.

Notes

[1La tarification à l’activité est un mode de financement des établissements de santé français issu de la réforme hospitalière du plan Hôpital 2007.