« Ras-le-bol de leur foot business, on n’en peut plus de leur société »

Jeudi 9 juin, une réunion intersyndicale était organisée à la Maison des syndicats, en banlieue de Tours. Vu les circonstances, ça causait à bâtons rompus de la mobilisation, des suites à donner, etc. C’était l’occasion d’entendre ce que certain-es militant-es pensent de la compétition de football qui démarre aujourd’hui.

Alors que la mobilisation nationale contre la loi El Khomri se poursuit [1], les médias dominants et le personnel politique voudraient que tout s’arrête pour permettre le bon déroulement de l’Euro. Faut dire que les appels à perturber la « fête » se sont multipliés.

Pendant la réunion, un retraité CGT expliquait :

« J’ai regardé Soir 3. Et puis, sur FR3, ils font des enquêtes d’opinion, ils consultent les gens par Minitel, etc. "Allez-vous regarder l’Eurofoot ?" Réponse, extraordinaire : 69 % ont répondu non. Alors faut pas se gaver avec ça. Et puis même, à la fin, on a des moyens de répondre à ça. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de mecs, de gugusses qui courent après un ballon ? J’ai rien contre le sport amateur, mais là, qu’on aille regarder, payer des millions pour des gugusses qui vont gagner en un an ce que peut-être un smicard ne gagnera jamais en 40 ans de travail... Et encore, s’il ne dépense pas un centime ! Qu’est-ce qu’on en a à faire ? Et il faut leur faire comprendre que leur foot business, on en a ras-le-bol. Leur tennis business, on en a ras-le-bol. Même le rugby, moi qui suis Lot-et-Garonnais, j’en ai ras-le-bol aussi. On n’en peut plus de leur société ! »

Et quelle société ! L’Euro, en France, c’est 1,64 milliard d’euros de travaux dans les stades avant la compétition (avec une bonne partie de financement public), dont 835 millions de dépenses d’organisation proprement dite. Dans ces conditions, vous comprendrez pourquoi il n’y a plus assez d’argent pour loger celles et ceux qui sont à la rue. Moins glamour, sans doute.

Heureusement, nos amis footeux ont aussi calculé que « l’Eurofoot » devrait rapporter 1,9 milliard pour l’UEFA ! et au moins 180 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires pour l’État. Celles et ceux qui sont obligé-e-s de mendier doivent se sentir rassuré-e-s. Quant aux 1,266 milliard de recettes prévues pour les villes, mon petit doigt me dit que ce n’est pas ça qui fera baisser les impôts locaux ni même permettra la construction de logements sociaux...

Enfin, s’il est possible de voir Cristiano Ronaldo en vrai... Bigre, voilà quand même un mec qui a obtenu un taux horaire de 10 046 euros ! Si c’est pas un modèle, ça !

Un peu plus tard, une camarade cheminot-e a embrayé :

« Pour l’Euro, ça commence déjà. Les cheminots ils sont chiants : ils vont bloquer. Pour le match d’inauguration, il n’y aura pas de RER et pas de train pour y aller. »

Une annonce saluée par de vifs applaudissements et relayée par une autre camarade :

« Moi franchement, j’en ai rien à foutre de l’Euro. Parce que derrière, c’est le Code du travail, et ça c’est pas le temps de l’Euro, c’est le temps de toute la vie qu’il nous reste au boulot ».

Lutter contre l’Eurofoot, ce n’est pas lutter contre les spectateurs, c’est lutter pour l’émancipation de ces mêmes spectateurs !

P.-S.

Pour aller plus loin, il y a l’article Le spectacle sportif, une aliénation de masse de ce même Jean-Marie Brohm, et le livre L’Idéologie sportive, Chiens de garde, courtisans et idiots utiles du sport, publié aux Éditions de l’Échappée.

Notes

[1Ces dernières 24h, notons simplement le blocage hier de Rungis, le blocage ce matin du dépôt de carburant de Lespinasse par la CGT, le blocage partiel du port Edouard Herriot à Lyon... N’écoutons pas les paroles rassurantes de nos grattes-papiers nationaux : il y en a toujours qui luttent aujourd’hui !