Quand les demandeurs d’asile dormaient sous un escalier du Sanitas

Chaque nuit à Tours, des dizaines d’enfants, d’hommes et de femmes en demande d’asile cherchent où passer la nuit. Au début de l’hiver, certains s’entassaient sous un escalier du Sanitas, en face du bureau de Chrétiens Migrants. Reportage photographique et sonore avec ceux qui subissent de plein fouet le racisme d’État.

Ils sont congolais, tchétchènes ou algériens et viennent chercher l’asile en France. A Tours, ils sont des dizaines, souvent ici depuis de longs mois ou années. Ils se heurtent à la machine à broyer les pauvres et les étrangers. Ils passent leur journée à parcourir Tours à pied, baladés d’institutions en associations caritatives pour régler des problèmes administratifs, trouver de quoi se nourrir, s’habiller, se soigner... et toujours de quoi dormir. Aucune solution de logement pérenne ne leur étant proposée, ils font appel au 115... lequel ne leur permet que rarement d’être hébergés pour une ou deux nuits.

Reste donc la possibilité de dormir dans la rue ou d’occuper des lieux ouverts la nuit. Certains demandeurs d’asile dormaient ainsi en fin d’année 2014 sous l’escalier d’un immeuble du Sanitas, en face du bureau de l’association Chrétiens Migrants. Un local où Rose-Marie les accueille jusqu’à 22h en semaine pour monter divers dossiers administratifs, où ils s’abritent du froid en journée et où ils stockent, tant bien que mal, leurs affaires. C’est là qu’on est allé les rencontrer, avec un micro et un appareil photo. Un reportage en forme de porte ouverte sur leurs conditions de vie, pour les aider, un peu, à sortir de l’invisibilité et de l’indifférence.

Rose-Marie aide les migrants dans leurs démarches administratives et quotidiennes
« Nous sommes entassés comme dans une boîte de sardines »
Aperçu des conditions de vie de ceux qui dorment là : l’absence d’intimité, la mauvaise alimentation, les tensions avec les voisins, les difficultés pour dormir et même pour réfléchir.
« Conflits de voisinage »
Dormir dans un hall d’immeuble, c’est s’exposer aux bruits et au courroux des voisins. Pas facile de dormir dans ces conditions-là.
Un « accueil » inhumain
L’extrême précarité des demandeurs d’asile c’est aussi le fait que des femmes enceintes dorment dehors et qu’ils se trouvent souvent face à l’impossibilité de satisfaire décemment même les plus élémentaires des besoins naturels.
« Privilégier les femmes et les enfants »
Les migrants ne savent souvent pas où se laver. Pour cela comme pour la nourriture ils privilégient les femmes et les enfants, lesquels sont rarement scolarisés.
« France, terre d’asile ? »
Depuis 2 mois, ce sont parfois jusqu’à 5 femmes et 20 enfants qui dorment sous l’escalier. Dans ces conditions, les maladies circulent vite. Les médecins prescrivent des médicaments mais une fois ceux-ci pris les migrants retournent dormir dehors…
L’hôpital qui renvoie à d’hypothétiques spécialistes dans le pays d’origine
Une femme raconte qu’elle est venue en France, il y a 6 mois pour que sa fille malade puisse être soignée. L’hôpital Clocheville l’invite à trouver des spécialistes à même de la soigner en Algérie, mais ils n’existent pas. En attendant la petite fille dort dehors ou sous l’escalier et sa santé se dégrade.
Le 115 ne répond plus…
Le 115 fournit rarement un hébergement pour la nuit, laissant des femmes enceintes à la rue. La nourriture vient souvent à manquer et n’est pas saine.
Un parcours du combattant quotidien
Tous les jours, les migrants parcourent Tours à pied entre Chrétiens Migrants, la Croix Rouge et Active pour l’habillement, Émergence pour la nourriture, l’hôpital, la préfecture…
4 ans en France sans ressources
Une adolescente raconte les difficultés quotidiennes, ses frères et sœurs sont scolarisée mais sa famille, qui compte une enfant handicapée, vit sans logement ni ressources depuis 4 ans.
« Le cerveau disjoncte »
Les conditions de vie abîment les personnes qui dorment là. Un homme confie la fatigue, les difficultés à penser et parfois le besoin de boire des bières pour réussir à s’endormir.

Muriel Elkolli et Maxime Dubreuil