Protection de l’enfance : lettre ouverte à Jean-Gérard Paumier

Lettre ouverte du syndicat FSU La Territoriale d’Indre-et-Loire au président du Conseil départemental concernant la situation des pôles enfance. Manque de temps, perte de sens, arrêts non remplacés, risques psychosociaux... Le syndicat prévient : « les pôles enfance sont en danger ».

Monsieur le Président,

Vous êtes le chef de file de la protection de l’enfance au Conseil Départemental d’Indre-et-Loire et nous venons à ce titre vous alerter sur les conditions d’exercice des missions de protection de l’enfance car la situation est grave au sein des pôles enfance de notre collectivité.

La Direction de la Prévention et de la Protection de l’Enfant et de la Famille n’a cessé de subir des modifications dans son organisation au cours des dernières années qui se sont traduites notamment par une déconcentration des missions du siège vers les équipes de terrain des Pôles Enfance dans les Maisons Départementales de la Solidarité.

Les professionnels des Pôles Enfance, et plus particulièrement les référents chargés du suivi des enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance révèlent aujourd’hui un malaise profond et des difficultés à exercer leurs missions dans le contexte actuel :

  • Des situations de plus en plus en plus complexes et dégradées nécessitant des prises en charge plus lourdes.
  • Une montée en charge des tâches administratives qui résultent de plusieurs phénomènes : des placements plus courts qui augmentent la fréquence des bilans écrits, l’obligation de faire un bilan auprès du juge des enfants tous les six mois pour les enfants moins de 2 ans, la multiplication des procédures qui nécessitent de plus en plus de temps, la gestion des assistantes familiales (fiches remplacements, relais, accueil...), les dossiers MDPH, les nouvelles fiches autonomie des jeunes de 16 et 17 ans, l’organisation des droits de visites (véritable casse-tête lorsque les familles d’accueil assument en moyenne la garde de 3 enfants de familles différentes) etc.
  • De plus en plus de visites « parents-enfants » encadrées par des professionnels, rencontres accompagnées, nécessaires mais très chronophages.
  • Un manque de moyens : la pénurie de places dans les établissements et dans les familles d’accueil (50 enfants en attente de placement en février 2018) et la diminution drastique du nombre de contrats jeunes majeurs (jeunes suivis au-delà de leur majorité) qui conduit les professionnels à gérer dans « l’urgence » et à consacrer un temps important à trouver des solutions de remplacements, de relais.
  • Des familles d’accueil en fin de carrière et surchargées.
  • Une nouvelle mission d’évaluation des informations préoccupantes, concernant des enfants « en risque de danger » en lien avec les assistantes sociales, sans renfort de personnel.

« Des référents sont en arrêt maladie, en situation de burn-out dans presque toutes les équipes »

La majorité des missions des bureaux de gestion du Champ Girault a été déplacée vers les secrétariats des pôles. Malgré l’arrivée d’un professionnel supplémentaire sur le terrain, les secrétariats sont débordés et des tâches administratives reviennent désormais aux travailleurs sociaux.

Les responsables des pôles, stressés et débordés, soumis à des astreintes de nuit, ne peuvent pas se rendre assez disponibles pour un travail de réflexion sur les situations. Faute de temps, les professionnels consacrent de moins en moins de temps à la réflexion et à l’analyse des situations. Les temps de travail pluridisciplinaires se réduisent à une peau de chagrin. A cela s’ajoute le manque de psychologues.

Les heures supplémentaires effectuées par les travailleurs sociaux le soir, relèvent « du bénévolat » car difficilement récupérables. Les déplacements sont en augmentation exponentielle, faute de solutions d’accueil de proximité pour les enfants confiés. Les référents « enfants confiés » ne peuvent plus faire le travail d’accompagnement des assistantes familiales ! Et ces dernières peuvent se retrouver elles-mêmes en grande difficulté.

La prise de risque est importante pour ces professionnels quand il faut gérer une situation d’enfant en danger pour lequel il n’y pas de place d’hébergement. Les agents se sentent très isolés et insécurisés dans leur travail car ils constatent qu’ils ne peuvent pas remplir leurs missions dans l’intérêt des enfants et des familles. Les travailleurs sociaux et particulièrement les référents enfants confiés ont le sentiment d’une perte de sens dans leur travail.

La charge est si lourde que des professionnels envisagent de changer de métier ou de service. Les demandes de changement de postes sont de plus en plus fréquentes, les reclassements professionnels de plus en plus en plus nombreux. Des référents sont en arrêt maladie, en situation de burn-out dans presque toutes les équipes. Ces absences déséquilibrent les équipes et épuisent les professionnels en activité. Le remplacement des référents est de plus en plus problématique car il devient difficile de recruter dans ce métier. Aujourd’hui, les pôles enfance sont en danger !

Avec les professionnels, la FSU demande :

  • Que les missions des référents soient redéfinies : moins de tâches administratives et davantage d’accompagnement éducatif et casser cette sensation des professionnels d’être « pris dans un phénomène d’entonnoir ».
  • Une réelle prise en compte des conditions de travail : le remplacement dans les meilleurs délais des agents en arrêts et des renforts.
  • Une politique de recrutement de familles d’accueil plus attractive (salaire, conditions de travail, accompagnement et reconnaissance).
  • Un suivi particulier de ces professionnels par la médecine du travail, compte tenu des risques psychosociaux de ces métiers particulièrement exposés.

Au moment où le Conseil Départemental vote son nouveau Schéma Départemental de l’Enfance, que la question de la protection de l’Enfance est en débat dans tous les départements, il est plus que jamais nécessaire de mettre à plat l’organisation de la Direction de Prévention et Protection de l’Enfant et de la Famille.

Afin d’avoir un réel état des lieux de la situation et de proposer des solutions adaptées, la FSU demande en urgence un audit externe.

FSU La Territoriale 37
37, rue Bernard Palissy 37000 Tours