Lors de la réunion du Conseil européen (composé des chefs d’Etat et de gouvernement) du 14 juillet 2015, un certain nombre de « recommandations » ont été établies par rapport à la France. Elles sont publiées dans le Journal Officiel de l’Union européenne du 18/08/2015, « concernant le programme national de réforme de la France pour 2015 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2015 ».
La sixième « recommandation » précise qu’il faut :
« réformer le droit du travail afin d’inciter d’avantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ; faciliter, au niveau des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l’organisation du temps de travail ; reformer la loi portant création des accords de maintien de l’emploi d’ici à la fin 2015 en vue d’accroître leur utilisation par les entreprises ; entreprendre en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, une réforme du système d’assurance chômage afin d’en rétablir la soutenabilité budgétaire et d’encourager davantage le retour au travail. »
Avec ces quelques lignes, le Conseil européen a donc « recommandé » au gouvernement français de réformer le droit du travail. Cela se traduit par le projet de loi El Khomri. En fait de recommandations, ce sont des injonctions impératives (la nov-langue, c’est superbe !) adressées au gouvernement et ce avec l’accord de Hollande ; elles ont été décidées en sa présence après qu’il eut participé à la garden party donnée à l’Élysée, à l’occasion du 14 juillet.
Si d’ici la fin de l’année, le projet de loi El Khomri n’est pas voté par le parlement, la France pourra être sanctionnée financièrement. En fait, ces « recommandations » sont en grande partie décidées car le gouvernement n’a pas encore réussi à résorber le déficit de moins de 3 % du PIB, tel que l’imposent le traité de Maastricht et celui de Lisbonne et d’autres textes qu’il serait fastidieux de citer ici.
En cas de non respect de la règle des 3 %, la Commission européenne peut fixer des amendes pouvant aller jusqu’à 0,2 % du PIB. Ces sanctions sont applicables automatiquement sauf si 70 % des membres du Conseil européen votent contre. Le montant PIB au cours du premier trimestre de l’année 2016, selon l’INSEE, est de 555,2 milliards d’euros. L’amende pourrait donc se monter à un peu plus d’un milliard.
Cette même Commission devait statuer sur une éventuelle sanction de l’Espagne et du Portugal le 18 mai 2016. Ces deux pays n’arrivent à résorber leur déficit et à respecter les fameuses recommandations décidées par le Conseil européen. La Commission a reporté sa décision. Sans doute les futures élections en Espagne l’ont poussée à différer. Mais le chiffre de 19 millions d’euros d’amende pour l’Espagne a été avancé [1].
Hollande et Valls n’ont guère de marge de manœuvre. Ils sont obligés d’obéir à des « recommandations » décidées par le Conseil européen, la Commission européenne étant chargée de veiller à leur bonne exécution et de sanctionner si besoin est. Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser que le débat parlementaire autour de la loi El Khomri n’est qu’une farce démocratique, puisque l’État est obligé de nous l’imposer. Le gouvernement ne peut accepter aucun débat ; cela démontre encore une fois que la « démocratie représentative » n’est qu’un leurre et que leurs débats politiciens ne sont là que pour amuser la galerie, comme le prochain Euro de foot.
Ceci ne peut que nous renforcer dans notre volonté de développer le rapport de forces, pour que ce texte disparaisse dans les poubelles de l’histoire. Cela montre que l’utilisation du 49-3 n’est qu’un des avatars pour renforcer cet ordre capitaliste de plus en plus invivable.
J Christophe