Lettre ouverte aux casseurs de la vie sociale

Lettre ouverte de Michel Ancé, ouvrier du Livre CGT et manifestant opposé à la loi El Khomri, à Patrick Vieu et Mathieu Brasse ; copie au Parti socialiste d’Indre-et-Loire.

« La politique est l’art d’obtenir de l’argent des riches et des suffrages des pauvres, sous prétexte de les protéger les uns des autres. »
Jules Michelet

Tours, le 22 juin 2016

Messieurs,

J’ai lu dans le journal Libération du 22 juin 2016 un article [1] où vous vous offusquez de voir 120 permanences du parti socialiste saccagées, taguées, ou partiellement retournées. Je suis heureux d’entendre s’exprimer les élus du parti socialiste sur la loi El Khomri, même si c’est à la marge du problème, sur des questions de papiers peints.

Je vous cite. Un militant du PS de Lille [2] : «  Nous, ce qui se passe au gouvernement, on n’y est pour rien »  ; Patrick Vieu : « On gagnerait à discuter, il ne faut pas se tromper de combat et confondre le national et le local » ; Mathieu Brasse : « J’y vois une volonté d’attaquer la démocratie représentative, de remettre en question le fonctionnement des institutions ».

Vous n’êtes pour rien dans la loi El Khomri ? C’est dire votre importance stratégique, à Lille comme ailleurs, sur une loi qui concerne 26 millions de salariés. Il me semble entendre un chagrin de cour de récréation, « c’est pas moi M’sieur, c’est l’chef ! ». Ainsi, alors que vous avez la majorité, absolue, à l’assemblée nationale, vous ne pouvez rien concernant une loi élaborée par votre parti ? Beau sujet pour le bac philo.

« On gagnerait à discuter »  ? Bravo élève Vieu (Pas-de-Calais) ! ça fait quatre mois que la rue s’époumone à le crier devant vos permanences sourdes ! Entre temps Valls a sorti le 49-3, les matraques, et astiqué l’État d’urgence. Le parti socialiste est à l’origine de plus de 3 000 perquisitions administratives, des centaines d’assignations, plus de deux milles arrestations arbitraires, dont de nombreuses incarcérations préventives, des centaines de blessés par les CRS. Et vous nous dites qu’on peut discuter ? Est-ce du foutage de gueule camarade ? Avant de manifester le 23 juin, il fallait passer moult contrôles, montrer sacs et papiers, subir les humiliations d’un pouvoir en brodequin.

Le PS, dans la junte gouvernementale, n’a pas bronché alors qu’une commande de 115 000 munitions pour Flashballs augmentait l’arsenal répressif. 115 000 ! Mediapart [3] s’est livré à un calcul rapide, ça fait 315 tirs par jour pendant un an. Vous avez donc si peur des revendications sociales ? 115 000 munitions ! Je propose de vous les faire prescrire en suppositoires.

Il faut remonter à la guerre d’Algérie pour entendre que des manifestations sont interdites, il faut remonter à Papon pour voir les flics faire des nasses et bloquer des manifestants. Notez que Guy Mollet et Mitterrand, l’ancien de la Cagoule, funestes socialos également, n’ont pas manqué de trahir les droits de l’homme pendant la guerre d’Algérie ; cet héritage encombrant vous sert d’expérience.

Vous voulez discuter ? Vous avez délégué le dialogue social aux chaussures à clous, les CRS ponctuent l’entêtement de Hollande à coup de lacrymogènes.

La palme revient à Mathieu Brasse (Le Havre), qui voit dans le saccage des permanences PS une une attaque démocratique, pas moins. Et le gazage des lycéennes place de la Nation, c’est un cours de maquillage ? La prison requise contre mes camarades de Good Year, c’est un exercice de style ? Les militants écolos et sociaux interdit de manifester par Cazenezuve, c’est votre contribution à la démocratie ?

Outre la loi El Khormi, qui a inscrit le dernier ANI dans la loi, qui a mis en place le CICE ? Qui a décrété l’État d’Urgence ? Dans quel parti évolue Macron ? Qui a trahi le référendum de 2005 en tripatouillant la constitution, la mettant aux ordres des lobbies ? Qui a remis la légion d’honneur à un monarque qui fait tabasser et tuer des femmes, qui fait décapiter près de 180 personnes ?

Fait historique dans la Vème République, votre parti avait tous les pouvoirs institutionnels en mai 2012. Il s’est appliqué à perdre systématiquement tous les scrutins, au point de mettre la peste brune aux portes du pouvoir politique. Si le pire arrive, allez-vous fuir, sur une île, comme Jospin en 2002 ? Vous essayez, maintenant, avec la loi El Khomri, de nous vendre un chien crevé pour un caniche élégant, et vous nous envoyez les flics parce que nous sommes clairvoyants.

Les femmes et les hommes opposés à votre politique versaillaise, vont faire retirer cette loi scélérate, ils prendront soin de tirer la chasse sur ces décombres législatifs et sur les restes peu ragoutant de votre parti.

Les coups, les insultes que vous portez aux plus fragiles ne vous honorent pas. Soyez assurés, Messieurs de la détermination de la majorité qui résiste à vos crapuleries.

Michel ANCE
Ouvrier du Livre CGT

http://piquetdegreve.blogspot.fr/

Notes

[1Toutes les citations de responsables du PS utilisées dans cette lettre ouverte proviennent de cet article.

[2Erratum : dans une première version, cette citation a été attribuée à tort à un responsable du PS de l’Isère.

[3Dans un article daté du 29/04/16.