CHU de Tours : « Nous vous souhaitons la meilleure santé possible car demain il ne fera pas bon être malade »

Lors de la cérémonie des voeux du CHU, en présence de Christophe Bouchet et de la directrice générale de l’hôpital, les agent-es hospitaliers en lutte ont fait une déclaration avant de quitter la salle. « La perte (...) de 400 emplois (...) ne représente que peu de choses quand il s’agit d’avoir la possibilité de laisser une trace dans l’histoire tourangelle et la construction d’un nouvel immeuble. »

Monsieur le Président du conseil de surveillance, Madame la directrice générale, Mesdames, Messieurs,

En cette période, où il est de bon ton de présenter ses vœux, nous profitons de votre présence conjointe à cette cérémonie, pour vous alerter, une fois de plus sur la situation du CHU de Tours. Bien sûr, en amont, nous avons pris connaissance des vœux adressés à chaque agent par Madame la Directrice. Bien sûr, nous avons lu les publications internes sur le « projet ambitieux d’évolution du CHU ». Et bien sûr, nous dirons une fois de plus, nous ne pouvons que nous alarmer du manque de considération pour les agents de la part de notre direction devant la persistance de l’aggravation des conditions de travail, tout cela accompagné d’une réduction drastique de l’offre de soin pour les usagers de la région tourangelle.

« Les collègues ont vu leurs conditions de travail se délabrer »

Mais, reprenons depuis le début. Tout d’abord vos vœux, Madame, oui l’hôpital public devrait être : « mobilisé, fidèle à ses valeurs et ses missions d’égalité d’accès, de continuité de service, etc... » ? Vous aurez certainement remarqué l’emploi judicieux du conditionnel dans cette phrase, car si aujourd’hui, et cela merci de le noter, l’hôpital assure encore ses missions, c’est bien grâce au dévouement des agents. Mais pour combien de temps encore ? Et entendez par là, combien de temps les agents vont tenir encore ! Oui car c’est là tout le problème ! Pour reprendre une de ces expressions technocratiques que vous affectionnez tant, il y a bel et bien une perte de sens chez nos collègues. Ces collègues qui ont à cœur de participer à la prise en charge de chaque patient aussi différent soit-il avec toute l’humanité qu’il est en droit d’exiger. Ces collègues qui comme vous le dites sont des maillons essentiels dans la prise en charge de qualité, et se sont engagés dans une profession où l’autre est le plus important. Mais aujourd’hui, ces collègues qui souffrent de devoir prioriser leurs tâches car ils ne sont plus en nombre suffisant ou bien parce qu’à grand coup de plan d’efficience et de restructuration, ils et elles ont vu leurs conditions de travail se délabrer.

Ces collègues médecins, internes, soignants, administratifs, techniques, étudiants qui n’ont pas d’autres choix que de se mobiliser pour attirer votre attention. Enfin, ces collègues qui souffrent de ne plus pouvoir assurer le minimum d’humanité aux patients dont ils vont croiser le regard lors de leur exercice professionnel.Pour certains, ces patients ne sont que des numéros de dossier,des pathologies voire des recettes mais pour d’autres ce sont des noms, des visages, des histoires. Ces collègues qui vont rentrer chez eux, les larmes aux yeux car épuisés ou honteux de ne plus avoir de temps, de moyens de remplir des missions dont c’étaient le cœur de métiers. Ces collègues qui ne vont plus revenir car il y va de leur santé ou de leur vie privée de se préserver. Pourtant, Madame, pareil à l’année dernière, vous tentez vainement d’essayer de nous faire croire à votre soutien par des lettres, mais ces mots vidés de leur essence ne veulent plus rien dire et aujourd’hui, ce que les agents réclament ce sont des actions. Depuis des mois, les mobilisations se succèdent au sein du CHU, les agents attendent des actions d’envergures de votre part pour enfin accéder à des conditions de travail dignes. Là, vous pourriez montrer concrètement votre soutien. Et pourtant là vous ne faites rien ou si peu qu’il serait déplacé de s’en vanter.

« Économies, rentabilité, parts de marché, et efficience »

Bien au contraire, vous mettez en avant un plan ambitieux et d’envergure pour le CHU. Un nouveau bâtiment, un nouveau CHU, une Renaissance ! Mais pour renaître, il faut mourir. Donc aujourd’hui, nous vivons la mort de notre CHU avec la fermeture déjà de quelques 130 lits, des suppressions de poste au sein de chaque service restructuré, la mutualisation pour diminuer les effectifs, les fermetures de lits pour palier le sous-effectif et la vente au privé de certaines missions du CHU. Tout cela accompagné de vos maîtres mots : économies, rentabilité, parts de marché, et efficience. À de très nombreuses reprises, nous vous avons rencontré pour vous alerter sur les conséquences désastreuses de ce plan Copermo mais vous avez fait la sourde oreille. Parallèlement, nous avons sollicité le soutien de Mr le Président du conseil de surveillance sans succès, car Monsieur Bouchet, vous vous êtes retranché derrière votre impossibilité d’interférer sur les décisions prises au sein du CHU. Pourtant, depuis neuf mois que les hôpitaux sont en grève au niveau national, d’autres présidents ont su faire preuve de courage pour peser de tout leur poids sur les problèmes de leurs établissements de santé respectifs.

Bien évidemment, la perte de quelques 350 lits à terme et de près de 400 emplois au minimum ne représente que peu de choses quand il s’agit d’avoir la possibilité de laisser une trace dans l’histoire tourangelle et la construction d’un nouvel immeuble. Car le nouveau Trousseau ne sera bien qu’un nouvel immeuble car vidé de son personnel, voué à ne servir en priorité qu’à la rentabilité plutôt qu’à l’humanité, et en conséquence comme pour les agents aujourd’hui en perte de sens. Nous pourrions encore en dire tellement plus, mais nous n’allons pas nous attarder car loin de nous l’envie de vous priver de votre collation. Par conséquent nous allons finir cette déclaration en souhaitant à chacun et chacune d’entre vous la meilleure santé possible car demain au niveau national et local grâce à votre soutien il ne fera pas bon être malade.