Le Laboratoire de Touraine reste dans le secteur public

Menacé de vente depuis des années, le Laboratoire de Touraine a été ces derniers mois au centre d’une résistance intense menée par ses salarié-es et des associations, organisations politiques et syndicales. Résistance couronnée partiellement de succès puisque le Laboratoire rejoint un Groupement d’Intérêt Public au lieu d’être vendu à un groupe privé tel Eurofins et Alpa et l’emploi semble dans un premier temps préservé.

Les laboratoires départementaux d’analyses sont issus en majorité, comme ceux d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher, des anciens laboratoires vétérinaires départementaux dont la mission principale consistait dans le contrôle de la santé animale.

Lors de la mise en œuvre des lois relatives à la décentralisation [1], les laboratoires vétérinaires départementaux, qui étaient jusqu’en 1983 directement rattachés aux directions départementales des services vétérinaires, ont vu leur gestion transmise aux conseils généraux.

Les missions de service public du Laboratoire : au service de la la santé publique

Méconnues, les activités du Laboratoire de Touraine [2] sont pourtant essentielles [3] :

  • Le contrôle de l’eau (eaux de rivière, de consommation, eaux de loisirs, eaux des centrales nucléaires…), pesticides dans l’eau et autres pollutions,
  • Le contrôle alimentaire des cantines scolaires, des Maisons de retraite, le contrôles des restaurants, l’hygiène hospitalière, les Intoxications alimentaires,
  • Le contrôle des produits locaux [4] : Fromages, vins, rillettes, …
  • La santé animale : maladies transmissibles à l’homme, vache folle, grippe aviaire, la tuberculose, la tremblante, la surveillance des élevages et de la faune sauvage,
  • Formations et conseils : métiers de bouches, entreprises alimentaires,
  • Pollution des sols.

Des menaces anciennes concernant les laboratoires départementaux d’analyses : « Il n’y a pas de honte à être déficitaire » [5]

En ce qui concerne le Loir-et-Cher et l’Indre-et-Loire, une convention [6] signée le 16 novembre 1992, organisait le transfert d’une partie des activités (en matière de santé animale notamment) du laboratoire du Loir-et-Cher [7] vers celui de Touraine.

Plus récemment et plus généralement la loi n° 2006-1772 [8] « a signé la programmation de l’arrêt de mort de nombreux laboratoires publics départementaux au profit du développement croissant de véritables monopoles privés » indique la maire sénatrice M.F. Beaufils, dans une question orale de 2012 intitulée « Sortir les laboratoires publics départementaux de la concurrence » [9]. Concrètement les Agences Régionales de Santé (ARS) lancent depuis 2007 des appels d’offre tous les 3 ans concernant les analyses de l’eau. Or, les grands groupes privés ont fait du dumping (baisse jusqu’à 80% du tarif payé aux laboratoires départementaux d’analyses) dans le but évident de créer rapidement des monopoles très rentables ! Ainsi la multinationale Eurofins Scientific, créée à Nantes en 1987, a gagné en 2013 l’appel d’offre en Indre-et-Loire avant de se voir retirer le marché par l’ARS suite au non-respect d’un certain nombre de règles, notamment des obligations du cahier des charges [10] ! Le Laboratoire de Touraine regagne ainsi le marché départemental en 2014 et le conserve en 2016, tout comme le groupe CARSO (2 500 salarié-es, 30 antennes) conserve le marché des 5 autres départements malgré les candidatures des laboratoires départementaux d’analyses du Loir-et-Cher, de l’Indre et du Cher. Conséquence de cette mise en concurrence sauvage : un déficit chronique contrastant avec un excédent d’exploitation quasi structurelle lors des années 2000. D’où en Indre-et-Loire une subvention d’équilibre annuelle de 2,3 millions d’euros, soit 0,48 % du budget du conseil départemental (650 millions d’€) ou encore 38 centimes par habitant-e, que refuse de payer la nouvelle majorité de droite élue en 2015.

En 2016, ces menaces se précisent lourdement dans un arrêté portant création de la Commission chargée de rendre un avis consultatif dans le cadre de la reprise des activités du Laboratoire de Touraine [11], prélude à une vente. Ainsi un cahier des charges a été établi le 18 mai précédant le lancement d’un appel d’offres (réponse prévue le 3 juillet).

La mobilisation s’accélère, la solution « service public » l’emporte

En réaction les représentants du personnel (intersyndicale CGT, FSU et FO) ont demandé une réunion du Comité Technique Paritaire [12] qui a eu lieu le 23 mai 2016 au matin. Un rassemblement de soutien aux 99 salarié-es (dont 15 contractuel-les) est lancé par la CGT, FO, la FSU, Solidaires, la Convergence de défense et développement des services publics, la LDH, du Snetap­-FSU (lycées agricoles), la Confédération paysanne : une grosse centaine de militant-es soutiennent les revendications exprimées dans la pétition :

  • aucune suppression d’emploi,
  • la garantie de l’activité dans le cadre du service public,
  • la garantie d’un service public de proximité,
  • le maintien des activités sur le site

Le 17 juin, l’intersyndicale a remis les 3 600 premières signatures de pétition au président du Conseil départemental. Un préavis de grève est déposé pour les 23 et 24 juin avec appel à nouveau rassemblement public devant le Conseil départemental, lors de sa session d’information du 24. Finalement, la décision dévoilée le 3 juillet est un moindre mal : le Laboratoire de Touraine rejoint le GIP Inovalys (320 salarié-es, 23 millions d’euros de budget) créé le 1er janvier 2014 par les laboratoires départementaux d’analyses de Loire Atlantique, Maine-et-Loire et Sarthe. Reste à surveiller le sort des contractuel-les représentant 15 % des effectifs : un reclassement (impliquant une mutation) au sein du GIP leur est proposé. C’est notamment sur l’emploi que le choix d’Inovalys s’est fait : les 3 autres candidats étaient moins disant...

Illustration : façade du laboratoire de Touraine.

Notes

[1Application de la loi n°83-8 du 7 janvier 1983 et de ses décrets d’application relatifs à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, complétée par la loi n°83-663 du 22 juillet 1983

[2Inauguré en mai 1995 en présence du Président de Région Maurice Dousset (UDF)

[3Voir la pétition

[4notamment les « labels » (signes de qualité en langage technocratique) tels les Indications géographique protégée

[5Un salarié du Laboratoire invité à l’émission hebdo Demain le grand soir 08/06/2016 sur Radio Béton

[6Dite de transfert entre les présidents des conseils généraux de Loir-et-Cher et d’Indre-et-Loire

[7Lequel ne comprend plus actuellement que 30 agent-es représentant 26,35 emplois à temps plein répartis dans deux unités techniques, un service de maintenance et une section administrative

[10Eau potable : une nouvelle preuve du scandale des analyses privées, lire également le rapport paru en... 2012 de la Direction Générale de la Santé

[11Recueil des actes administratifs du 18 avril 2016 publié le 29 avril 2016, Partie 3 – Arrêté - n° 3-18

[12Instance de représentation et de dialogue qu’ un employeur public doit obligatoirement consulter avant de prendre certaines décisions relatives à l’organisation et au fonctionnement de ses services ; est également consultée sur l’hygiène et la sécurité des agents en l’absence de Comité d’Hygiène et de Sécurité (CHS) et rend trois types d’actes : des avis, propositions et recommandations, qui toutefois ne s’imposent pas à l’administration.