O. est employé comme électromécanicien sur le site de collecte de déchets de La Billette, à Joué-lès-Tours. Malgré l’exposition au bruit, l’employeur ne mettait pas de protections auditives à disposition des salariés. Résultat : O. est atteint de surdité bilatérale, qui sera reconnue comme maladie professionnelle par la Caisse primaire d’assurance maladie le 21 mai 2007. Le tribunal de la sécurité sociale relève alors que la surdité de l’agent est liée à une faute inexcusable de l’employeur.
Dans la foulée, O. est désigné délégué syndical. Coved conteste la désignation, et c’est finalement le tribunal d’instance qui devra reconnaître la désignation comme valable. Par la suite, O. verra se multiplier les avertissements ou les convocations à des entretiens préalables en vue de sanction, sous des prétextes futiles.
En janvier 2009, on lui annonce que son poste est supprimé, et qu’il doit être muté sur le site de La Riche. Quand il se présente là-bas, on lui annonce qu’il n’y a pas de boulot pour lui : O. devra passer d’électromécanicien à valoriste, c’est-à-dire qu’il se retrouvera à trier les déchets. Mais le médecin du travail le déclare inapte. L’entreprise cherche alors à le licencier, et présente une demande en ce sens à l’inspection du travail. Manque de bol : l’inspection du travail rejette la demande, et relève qu’O. fait l’objet d’un traitement discriminatoire. Sous la pression de l’inspection, O. reste sur le site de Joué.
Revancharde, l’entreprise lui interdira d’assurer des tâches de maintenance électronique, et ne renouvellera pas son autorisation de conduite d’engins. O. a du mal à faire renouveler ses chaussures de sécurité. Il est le seul à devoir consigner ses interventions. Et alors qu’il reprend le travail après une dispense d’activité, il réalise qu’il ne dispose que de deux tenues de travail, contre cinq normalement. L’inspection du travail intervient à nouveau, et relève une attitude déloyale de l’entreprise.
O. saisit le Défenseur des droits. Après enquête, cette autorité estime qu’il y a « tout lieu de penser » que O. est bien victime de discrimination. Un autre délégué syndical de l’entreprise qui a également dénoncé des faits de discrimination a préféré jeter l’éponge et démissionner. O. reste dans l’entreprise, et développe un syndrome dépressif. Il sait qu’à plus de 50 ans, avec un statut de travailleur handicapé, il ne peut pas se permettre de quitter son boulot. Et puis, il a un mandat syndical à tenir.
Ça, ce sont les faits tels qu’exposés par l’avocate d’O. devant le conseil des prud’hommes. L’avocat de Coved entre ensuite en scène, pour une plaidoirie débordante de mépris. Sans jamais regarder le salarié, il va le couvrir d’insultes. Il critique « l’incapacité d’O. à comprendre qu’il doit évoluer ». Parle de « paranoïa ». D’après lui, O. « s’écoute beaucoup », et son récit des faits « relève de sa psychologie très particulière ». Peu importe que l’inspection du travail ait mis en demeure l’entreprise à plusieurs reprises, ou que l’enquête du Défenseur des droits aille dans le sens d’O. : pour l’avocat de l’entreprise, O. « saute comme un cabri en criant "Je suis discriminé" ». Avec une méchante ironie, il lance aux conseillers prud’hommes :
« Si vous ne lui donnez pas raison, vous ferez partie du complot mondial » ; dans le cas inverse, « peut-être qu’il arrêtera de déclarer que la Terre entière lui en veut ».
Verdict le 27 mai.