Entretien avec Frédéric Lordon : « Il faut cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons »

Frédéric Lordon est économiste, membre du collectif Les économistes atterrés, philosophe spinoziste et sociologue. Il a récemment publié Imperium, une tentative de théorisation de l’Etat. Collaborateur régulier au journal Le Monde diplomatique, il partage ses réflexions sur son blog La pompe à phynance.

L’entretien a été réalisé par Il Manifesto, le quotidien communiste italien, et reproduit sur Reporterre avec l’accord de Frédéric Lordon.

Quelle est l’origine du mouvement Nuit debout et quelles en sont les racines politiques ?
 
Frédéric Lordon — Au départ de ce mouvement, il y a le film de François Ruffin Merci patron ! Ce film raconte l’histoire d’un salarié licencié de LVMH pour qui Ruffin et son équipe réussissent à soutirer 40.000 euros à Bernard Arnault, l’un des plus grands patrons de France, et à le contraindre à réintégrer le salarié en CDI dans le groupe ! Ce film est tellement réjouissant et donne une telle énergie que nous sommes quelques-uns à nous être dit qu’il ne fallait pas la laisser perdre, qu’il fallait en faire quelque chose. Nous nous sommes dit, surtout, qu’il y avait peut-être là comme un détonateur. La situation générale nous semblait très ambivalente : sombre et désespérante à de nombreux égards, mais en même temps très prometteuse : saturée de colères et en attente de ce qui allait les faire précipiter. Le film pouvait être le catalyseur de ce précipité. Nous avons donc organisé une soirée fin février pour débattre de ce que nous pouvions faire à partir de ce film, et de ce que nous pouvions faire tout court. Il nous est apparu que le jeu institutionnel partidaire étant irrémédiablement sclérosé, il fallait un mouvement d’un autre type, un mouvement d’occupation où les gens se rejoignent sans intermédiaire, comme il y a eu OWS [Occupy Wall Street] aux États-Unis et 15-M [le mouvement des indignés] en Espagne. L’idée est partie d’une projection publique du film place de la République, à Paris, et puis d’y agréger toutes sortes de choses. Là-dessus, la loi El Khomri arrive, qui donne un formidable supplément de nécessité et d’élan à notre initiative. Le mot d’ordre est alors devenu : « Après la manifestation, on ne rentre pas chez nous. » Et nous sommes restés.

A lire en intégralité sur Reporterre

P.-S.

  • Sur Occupy Wall Street, à lire le livre de David Graeber : Comme si nous étions libres
  • Sur le mouvement 15-M, une critique est disponible ici (lien en espagnol)
  • Concernant Frédéric Lordon, plusieurs points critiques sont disponibles sur Rue89 et