L’agenda de la ministre pour le 3 janvier annonçait : « Déplacement à l’occasion des élections professionnelles dans les très petites entreprises ». Ces élections, qui ont lieu pour la deuxième fois (la première édition a eu lieu en 2012), concernent les salarié-es des entreprises et associations de moins de 11 personnes, mais aussi les assistant-es maternelles, employé-es de maison, et gardes d’enfant à domicile. Elles visent notamment à établir la représentativité des différentes organisations syndicales.
On peut se féliciter que la ministre ait fait un petit effort pour promouvoir ce scrutin, qui concerne tout de même 4,5 millions de salarié-es. En 2012, la participation s’était établie autour de 10 %, notamment en raison d’un gros manque de communication. A l’époque, la CGT déclarait dans un communiqué :
« C’est un fiasco qui était prévisible compte tenu des conditions déplorables dans l’organisation du scrutin qui, malheureusement, n’a pas bénéficié d’une mobilisation sérieuse des pouvoirs publics. »
Un responsable de la CFTC expliquait aussi :
« Il n’y a pas eu de vraie campagne, pas de débat télévisé, pas de temps de parole accordé aux syndicalistes, pas de panneaux électoraux dans les rues. » [1]
Pour cette édition, même constat. La question syndicale est quasiment absente des grands médias, apparemment trop occupés par les primaires internes des partis de gouvernement : on n’a pas trouvé la trace d’un seul débat télévisé sur la question, alors que la primaire de la droite a donné lieu à trois débats sur diverses chaînes et radios.
Pour ce qui est de l’affichage et de la mise à disposition des panneaux électoraux, pareil. En Indre-et-Loire, suite aux multiples refus qui leur avaient été opposés par les mairies auprès desquelles elles avaient fait des demandes de mise à disposition de panneaux, les organisations syndicales ont lâché l’affaire. Dans le Puy-de-Dôme, la préfète, qui a été chef de cabinet de Martine Aubry, a carrément déclaré à tous les maires du département qu’ils « ne pouv[aient] pas mettre [leurs] panneaux à disposition des organisations syndicales pour cette campagne » [2]. Ne reste aux militants que les rares panneaux d’ « affichage libre », ou l’affichage sauvage [3].
Myriam El Khomri s’est donc rendue dans un salon de coiffure pour promouvoir ces élections, accompagnée du préfet d’Indre-et-Loire, d’une vice-présidente de la région Centre Val de Loire, de Jean-Patrick Gille… et de représentants syndicaux. Plusieurs syndicalistes de Force Ouvrière et de la CFDT étaient présents à cette petite sauterie. Pourquoi eux ? « Parce qu’ils ont des responsabilités dans la CPRIA », la Commission Paritaire Régionale Interprofessionnelle de l’Artisanat [4], explique le député de Tours. Or, la CGT, qui fait également partie de cette commission, n’a pas été invitée. Dès lors, l’argument de la participation à la CPRIA apparaît comme bidon, et on peut retenir que seules certaines organisations ont été conviées à échanger avec la ministre, la CGT et Solidaires n’étant même pas informées de l’opération.
Le déplacement de Mme El Khomri dans le cadre des élections TPE a donc été organisé via un processus d’invitations sélectives, qui témoigne d’un manque flagrant de neutralité au préjudice des organisations syndicales qui auront été les plus combatives pendant le mouvement social contre la loi Travail, portée par la ministre. Cela ne l’a pas empêché de parler de « démocratie sociale » toute la matinée.