En Indre-et-Loire, autour du foyer d’hébergement d’urgence Albert Thomas, des Centres d’accueil et d’orientation (CAO) de Saint-Pierre-des-Corps et de Grandmont (après la fermeture de celui de Chinon avant les vacances scolaires), la question des demandeurs d’asile est en train de prendre une nouvelle tournure. La situation se tend, notamment parmi les résidents qui s’aperçoivent de plus en plus que les promesses ne seront pas tenues.
Un préfet qui se radicalise
Ce sont tout d’abord les ordres préfectoraux qui mettent la pression. Il faut dire que Cazeneuve a laissé les préfets devant un choix : suivre la procédure dite « Dublin » (et renvoyer les réfugiés vers le premier pays européen qu’ils ont traversé) ou recevoir les demandes d’asile de tous les ex-Calaisiens, comme promis par l’ancien ministre de l’Intérieur. A Tours, Louis Le Franc a décidé de ne pas être conciliant et et de suivre la ligne dure. Les « Dublinés » se multiplient dans les CAO et ces derniers comprennent de moins en moins la situation. Il faut dire qu’à Calais ou à Paris (Stalingrad) ils ont été poussés dans les cars avec la promesse de pouvoir tous déposer un dossier de demande d’asile.
En Indre-et-Loire il n’en est rien : sur le seul CAO de Saint-Pierre-des-Corps (soit une cinquantaine de personnes) près de 20 ex-Calaisiens sont déjà déclarés Dublin et devraient donc faire leur demande d’asile dans un autre pays européen. Trois ont déjà reçu de la préfecture leur notification de départ. D’autres vont suivre. La pilule est amère. Certains résidents disparaissent déjà, retournent vers Calais, et arrivent même à passer en Angleterre.
L’incompréhension est d’autant plus forte que d’un département à l’autre les réfugiés ne sont pas traités selon la même règle… Pour ceux qui arrivent à déposer leur dossier de demande d’asile, le parcours du combattant ne fait que commencer : perte d’une partie des aides, orientation vers une hypothétique place en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), et ils ne sont en rien assurés d’obtenir l’asile. A l’heure actuelle, au CAO de Saint-Pierre, deux résidents seulement ont vu leur demande acceptée pour être étudiée par les autorités...
Vers un éparpillement des réfugiés
Autre perspective : la fin des CAO et des procédures. Déjà séparés en dépit des affinités individuelles lorsqu’ils sont montés dans les bus à Calais, les réfugiés doivent faire face à la perspective d’un nouvel éparpillement. Une façon de diluer le problème, voire de jeter malgré eux les réfugiés dans une forme de clandestinité et de ne plus s’en occuper sinon par des voies purement policières.
Initialement prévue pour la fin février, la fermeture des CAO interviendra fin juin. A cette date, « une solution sera trouvée pour tous les résidents » assurent les différents organismes en charge de ces CAO. Soit ils devront partir (vers l’Italie en général), soit leur dossier sera en cours de traitement (ils devront donc aller en CADA), soit ils seront refusés et devront quitter le territoire français. L’absence de places d’hébergement en Indre-et-Loire (notamment) fait que tous seront potentiellement éparpillés sur l’ensemble du territoire français.
Sur le terrain les tensions émergent
De fait, face à cela, les structures se tendent. A Albert Thomas, depuis de longs mois déjà, la question dépasse la simple solution gestionnaire. Dans les CAO, elle devient épineuse et tout est fait pour l’étouffer.
Fermeture progressive (et pas que symbolique) des portes, refus de prendre en compte les associations ou les collectifs de soutien, conflits ouverts (et parfois violents) dans les réunions internes avec les résidents, division des résidents en fonction de leurs statuts, surveillance des allées et venues des non-résidents (mais des résidents aussi)… Autant d’évolutions vers un encadrement renforcé et des centres de plus en plus fermés, alors que se discute l’ouverture de centres, bien fermés cette fois, pour l’assignation à résidence des Dublinés, qui devraient prendre la suite des CAO [1].
Tout laisse penser que les prochaines semaines vont être tendues.