Centres d’appels : « on vient pour dire aux salarié-es que la solidarité, c’est pas dépassé »

Rencontre avec des militant-es du secteur Centres d’appels de la fédération SUD PTT, qui sillonnent la France avec leur caravane jaune pour encourager les salarié-es du secteur à défendre leurs droits et à se syndiquer.

Blois, vendredi 1 juillet, il est 9h du matin. Devant Acticall, centre d’appels « spécialiste de la relation client », une poignée de militant-es évolue autour d’un barnum jaune pétant, avec des tables remplies de présentoirs thématiques sur les droits des salarié-es et le traditionnel thé-café.

C’est la quatrième fois que la caravane syndicale revient dans cette zone industrielle située à La Chaussée-Saint-Victor, à la sortie de Blois. Mais cette fois, la mythique caravane du secteur Centres d’appel de SUD PTT est restée à Calais — trop contraignant de lui faire faire plus de 450 kilomètres en une soirée. D’autant qu’elle en a mangé du kilomètre cette caravane. Parapluie jaune poussin dans une main, paquet de tracts dans l’autre, F. explique :

« On approche les 150 dates. Cette idée de caravane est née lors du conseil fédéral de novembre 2015 »

Cette caravane, « c’est symbolique », d’où le visuel un brin psyché utilisé sur les réseaux sociaux pour faire connaître l’initiative. Un type d’initiative syndicale devenu fort rare ces dernières années, en dehors des caravanes d’été de la CGT et celle de la Nouvelle Vie Ouvrière, l’un des journaux de la CGT, qui participe à la caravane du Tour de France.

Contre le flicage, la course à la productivité, le stress : se syndiquer, lutter, gagner !

« On procède en trois étapes » explique un autre militant, venu d’Orléans.

« La première fois, on distribue un tract généraliste sur les centres d’appels pour se faire connaître. La fois suivante c’est une semaine plus tard avec le numéro spécial de notre journal Hot Tension pensé pour cette campagne de syndicalisation. Enfin on revient 15 jours plus tard avec la caravane et/ou le barnum, il y a des tracts et dépliants sur les droits des salarié-es, des exemplaires des derniers numéros de Hot Tension, ainsi que notre brochure de syndicalisation. »

F. explique que cette campagne à la rencontre des salarié-es se déroule dans une ambiance plutôt bon enfant.

« Une fois, on a même fait un barbecue devant le centre d’appel visité, le patron n’en revenait pas. A chaque fois on engrange des adhésions, des sections ont été créées (...). On a rencontré certain-es syndicalistes CGT un peu isolé-es, on leur a redonné la pêche. »

« Les conditions de travail et la rémunération dans les centres d’appel sont souvent au ras des pâquerettes, sans parler de la répression patronale féroce qui freine voire décourage les plus déterminé-es. On vient pour dire aux salarié-es que la lutte des classes, la solidarité, c’est pas dépassé, mais aussi pour combattre des idées reçues. »

Par exemple, l’idée que « tout est la "faute" du donneur d’ordre » [1] ou qu’« un 13ème mois c’est impossible » ou encore qu’« une prime pour langue étrangère ça n’existe pas »...

Comme le montre un rapide tableau comparatif en page centrale de la brochure distribuée aux salarié-es, le 13ème mois, la prime pour langue étrangère, les tickets restaurants (y compris financés à plus de 50%), la prime vacance, l’absence d’annualisation, etc., tout ça existe bel et bien. Mais tous ces éléments ne se retrouvent jamais chez un même employeur et « ça concerne souvent les salarié-es embauché-es il y a longtemps », indique le militant orléanais. Les nouvelles et nouveaux embauché-es sont souvent exclu-es de ces dispositifs, ce qui divise les salarié-es.

Le but cette campagne de syndicalisation est clairement un alignement par le haut des conditions de travail et de rémunération et la lutte contre les licenciements en hausse ces derniers temps, alors que les rémunérations des actionnaires et dirigeants explosent [2].

Notes

[1Cf par exemple l’histoire qui s’est jouée chez Téléperformance à Blagnac : Téléperformance Blagnac : demi victoire sur le flicage des salarié-es.

[2A Téléperformance, le PDG et co-créateur Daniel Julien a touché en 2014 une rémunération de 3 998 226 €, soit une hausse de +2,9% et le 2ème salaire de l’indice boursier SBF 120 ; en 2015, il a touché 4 787 640€ (+20%), tandis que les actionnaires se partageaient 52 625 554 euros, soit 0,92 euro brut par action (+15%) en 2014, et 68 642 028 euros, soit 1,20 euro brut par action (+30%) en 2015