Dans l’un de vos tracts, vous écrivez « Macron déclare la guerre aux chômeurs ». Quelle forme prend cette guerre contre les chômeurs ?
J-P. A. : Depuis plusieurs années, médias et politiques rabâchent sans arrêt que les privés d’emploi sont des privilégiés, qui perçoivent des indemnités en restant à la maison. Le point d’orgue de ce discours, c’est la sortie d’un député La République En Marche, qui a suggéré que les chômeurs partaient en vacances aux Bahamas « grâce à l’assurance chômage ».
La deuxième idée qui est martelée, c’est que les privés d’emplois ne cherchent pas de travail : comme ils sont grassement payés, ils n’ont pas envie de chercher du boulot. Et on nous sort des chiffres complètement farfelus sur le nombre d’offres d’emploi non pourvues.
C’est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé sa volonté de réorganiser l’assurance-chômage. Aujourd’hui, les conventions d’assurance-chômage sont signées par les partenaires sociaux, les employeurs d’une part et les syndicats réformistes d’autre part [1]. Malgré les désaccords qu’on peut avoir, ces syndicats réformistes représentent les salarié-e-s, ce qui permet de conserver quelques garanties. Ce que souhaite le gouvernement, c’est reprendre la main, notamment pour fixer les modalités d’indemnisation.
Quelle forme prendrait cette reprise en main ?
Depuis le 1er janvier 2018, les salarié-e-s ne cotisent plus à l’assurance-chômage [2]. Pour compenser la suppression des cotisations des salariés à l’assurance-chômage, l’État a décidé d’une hausse de la CSG, qui est prélevée sur tous les revenus d’activité et revenus de remplacement, y compris les pensions de retraite. Comme c’est désormais un impôt qui financera l’assurance-chômage, et non plus les cotisations des salariés, l’État va pouvoir mettre en cause la légitimité des représentants des salariés qui siègent au conseil d’administration de l’Unédic. Puisque les salariés ne cotisent plus pour financer le régime d’assurance-chômage, pourquoi seraient-ils représentés et associés à sa gestion ?
Je suis persuadé qu’on se dirige vers une transformation complète de la gestion de l’assurance-chômage. L’État pourra décider du fonctionnement de l’assurance-chômage sans concertation. Et Emmanuel Macron a déjà annoncé la couleur : deux offres raisonnables refusées, ça se traduira par une suppression de l’allocation versée (bien sûr, la notion d’offre raisonnable n’est pas précisée). En outre, avec la suppression de la cotisation sur les salaires, on peut imaginer que l’allocation versée ne sera plus calculée en fonction des salaires antérieurs. L’État pourrait donc décider de fixer le montant et la durée de versement du revenu de remplacement alloué aux privés d’emplois. On va se retrouver sur un modèle similaire à ce qu’on connaît en Angleterre, avec l’État à la baguette [3].
A propos des offres d’emplois, vous avez mené un gros travail pour montrer que de nombreuses offres proposées par Pôle Emploi étaient illégales.
On a soulevé ce problème pour la première fois il y a sept ou huit ans, mais pendant longtemps il n’a pas été pris au sérieux. Quand on l’a évoqué en comité de liaison national [4], un cadre nous a répondu : « J’aimerais bien que vous soyez aussi exigeant avec Le Bon Coin que vous l’êtes avec le site du Pôle Emploi. » Finalement, c’est remonté dans la CGT au niveau confédéral, et une enquête a été menée, qui a permis de confirmer qu’une offre sur deux publiée n’était pas conforme au Code du travail [5]. De son côté, Pôle Emploi reconnaît qu’il y a environ 10 % d’offres illégales, et 1 % d’offres frauduleuses. Des offres illégales, ce sont des offres qui ne reflètent pas la réalité du contrat de travail proposé. On voit des offres pour des CDD qui sont censés déboucher sur des CDI, des contrats de trois mois qui ont en fait une durée d’un mois seulement, etc. Dans le département du Morbihan, 33 000 offres ont été publiées sur le site du Pôle Emploi l’année dernière. Si l’on prend les chiffres de Pole Emploi, qui reconnaît qu’il y a 10 % d’offres illégales, cela veut dire que 3 000 offres non conformes au Code du travail ont été publiées. C’est énorme.
Emmanuel Macron a également annoncé qu’il voulait renforcer le contrôle des chômeurs. Quelle est votre position sur cette question ?
Pour nous, c’est clair : plutôt que contrôler les chômeurs, ils feraient mieux de contrôler les offres d’emplois. Le site du Pôle Emploi a été largement ouvert, et les employeurs peuvent désormais publier directement leurs annonces, qui ne sont plus contrôlées par des agents du Pôle Emploi mais par des algorithmes. Ils feraient mieux de revenir à un système de contrôle préalable des offres.
Nous sommes opposés au contrôle des chômeurs. L’assurance-chômage, c’est un droit. Quand on nous parle de devoirs, c’est une façon de stigmatiser les privés d’emploi. Nous n’avons pas de devoirs, nous n’avons que des droits ! S’il y a six millions de chômeurs dans ce pays, ce n’est pas parce que les privés d’emploi ne cherchent pas de travail, mais tout simplement parce qu’il n’y a pas de boulot.
Une nouvelle session de négociation entre partenaires sociaux a démarré le 11 janvier autour de l’avenir de l’assurance-chômage. Quels sont les sujets de discussion évoqués ?
Il s’agit notamment de plancher sur la taxation des contrats courts. La dernière convention d’assurance-chômage s’était traduite par une dégradation des conditions d’indemnisation des intérimaires privés d’emplois [6]. Nous, on estime que plus les entreprises mettent de gens au chômage, plus elles doivent payer : celles qui abusent des CDD et de l’intérim devraient être davantage mises à contribution.