Aux États-Unis, la mort de George Floyd a ouvert un important débat sur les origines, le fonctionnement et le rôle de la police. De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer son abolition, arguant que les réformes ne parvenaient pas à mettre un terme à la violence et au racisme qui caractérisent son fonctionnement. En France, l’émotion soulevée par la mort de George Floyd a donné un nouveau souffle aux collectifs qui luttent contre les violences policières, avec d’importantes manifestations les 2 et 13 juin.
Les applaudissements d’Emmanuel Denis au passage de la marche du 2 juin, la présence de candidats de la liste Pour Demain Tours au rassemblement du 13 juin, a de quoi interroger. En effet, cette coalition électorale, notamment articulée autour du Parti socialiste, ne se distingue pas par sa critique de l’institution policière. Au contraire, le quinquennat de François Hollande, pendant lequel le PS a eu quasiment tous les pouvoirs entre les mains, a été marqué par de nombreux crimes policiers et par un renforcement des moyens (en hommes, en armement, en droit [2]) des forces répressives. La mort de Rémi Fraisse, celle d’Adama Traoré, la répression des manifestations contre la loi Travail, ont fait naître des mobilisations et des débats sur le rôle et le fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Mais rien n’a été fait pour réformer l’institution policière.
Passifs quand ils étaient au pouvoir, le Parti socialiste et ses alliés se montrent critiques une fois retournés dans l’opposition. Après s’être tus pendant des années, ces militants viennent afficher leur soutien à des mobilisations qu’ils ont préféré ignorer quand ils étaient en mesure d’agir. Localement, il est temps de réclamer d’eux un engagement fort, afin que leurs actes s’accordent avec leurs postures : un démantèlement de la police municipale en cas de victoire à l’élection municipale le 28 juin prochain.
Sur le sujet, la liste Pour Demain Tours s’est montrée d’une prudence qui confine à la lâcheté. Le programme n’évoque le sujet qu’en trois points : création d’un troisième poste de police municipale ; coordination avec la police nationale « sur les endroits à problèmes » ; faire du policier municipal une présence « rassurante et dissuasive » (sic). Rien sur les effectifs, ou l’armement des policiers municipaux. Pourtant, depuis sa création en 1978, la police municipale de Tours a connu un développement colossal. De vingt-neufs policiers au départ, on est passé à quatre-vingt-dix-huit en 2020, et la municipalité sortante a annoncé que l’effectif allait être amené à cent-dix agents. Le conseil municipal a également évoqué la possibilité de renforcer l’équipement des policiers en armes dites « non létales », alors que l’urgence devrait consister à leur retirer leurs armes. On ne peut pas, comme semblent vouloir le faire les candidats de Pour Demain Tours, manifester contre les violences policières tout en laissant aux mains des flics tout l’attirail nécessaire pour blesser ou tuer.
La police municipale de Tours est une création de Jean Royer, qui la présentait comme un remède à la violence dans la ville. À l’époque, même les syndicats de la police nationale estimaient que la création d’une police municipale ne se justifiait pas, en dénonçant l’exagération des discours sur la criminalité et le coût pour les habitant-es [3]. Les partis politiques rassemblés au sein de Pour Demain Tours seraient-ils plus frileux que la Fédération autonome des syndicats de police [4] ? Si les mandats de Jean Germain n’ont marqué aucune rupture en la matière, l’évolution du contexte politique et sécuritaire, ainsi que les postures des militants qui prétendent « changer les choses pour de vrai à Tours », doivent amener à un changement profond de la manière d’appréhender le fonctionnement de la police municipale. Outre que le démantèlement de cette police permettrait de réinjecter des millions d’euros dans des politiques d’action sociale (pour le logement, la santé, etc.), il est possible d’imaginer que le maire exerce ses pouvoirs de police autrement que par le biais d’une force surarmée et suréquipée.
Une fois que la police municipale aura été démantelée, on pourra discuter plus largement de l’abolition de la police.