Le Val d’Amboise prévoit l’artificialisation de 120 hectares de terres agricoles

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Dans une lettre ouverte à Thierry Boutard, président de la communauté de communes du Val d’Amboise, la Confédération paysanne de Touraine et la SEPANT [1] contestent les dispositions du Plan local d’urbanisme intercommunal qui prévoient l’extension du parc d’activités de La Boitardière.

Monsieur le Président,

Le 13 février 2020, la Communauté de Communes du Val d’Amboise (CCVA) a approuvé son Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi). Ce PLUi prévoit l’artificialisation de 112 hectares sur le site de la Boitardière et d’affecter sur ce site 12 hectares à un parc photovoltaïque au sol. Il prévoit également l’artificialisation de plus de 7 hectares, dont une partie boisée, sur le site du Grand Malpogne. Vous avez depuis été élu en tant que maire d’Amboise et président de la Communauté de communes du Vald’Amboise. La Confédération Paysanne Touraine et la SEPANT vous demandent par ce courrier de revenir sur ce PLUi.

En effet pour la Confédération paysanne, l’approbation de ce PLUi est inadmissible au vu de l’ampleur des surfaces agricoles artificialisées. Alors que le changement climatique est de plus en plus préoccupant, il est indispensable de protéger les terres agricoles et leur vocation alimentaire, pour assurer la résilience de nos territoires. Le développement économique doit prioriser les activités vitales et durables, ne plus bétonner des dizaines d’hectares pour des zones d’activités.

Il serait préférable à notre sens, d’implanter des commerces dans des zones déjà urbanisées en réhabilitant des friches industrielles et commerciales qui existent sur le territoire de la Communautés de communes. De plus, la production d’énergie ne doit pas entrer en concurrence avec l’alimentation : elle doit se faire sur les bâtiments ou sur les terres déjà artificialisées ou dégradées, par sur des terres nourricières !

Pour la SEPANT, association départementale agréée au titre du code de l’environnement, ce constat relatif à la protection du patrimoine foncier agricole est entièrement partagé ; il s’y ajoute la menace pour la biodiversité que constitue l’artificialisation massive d’espaces agricoles et naturels. Face au déclin extrêmement rapide de la biodiversité, auquel n’échappe pas la Communauté de communes du Val d’Amboise, on ne peut qu’être atterré quand on lit dans le rapport d’évaluation environnementale du PLUi, pour plusieurs OAP impactant l’habitat d’espèces protégées, « l’absence d’enjeux significatifs pour la faune et la flore ». On ne peut qu’en conclure que cette évaluation a été très éloignée de la réalité de terrain, ignorant la nécessaire protection d’espèces protégées au niveau régional. Il y a lieu également d’appeler l’attention sur le fait que l’artificialisation massive des sols contribue au déstockage du carbone contenu dans ceux-ci et donc à l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre.

« Le PLUi va à l’encontre des engagements de la France en matière de lutte contre le changement climatique »

Le PLUi de la Communauté de communes du Val d’Amboise va donc à l’encontre de la stratégie « bas carbone » adoptée par la France ces dernières années, qui se fixe comme objectif de contenir l’artificialisation des sols et de réduire les émissions de carbone induites par l’urbanisation. Avec l’extension de la zone d’activité de la Boitardière à l’extérieur de la ville, condamnant cette zone au tout-voiture pour les décennies à venir, le PLUi va manifestement à l’encontre des engagements nationaux et internationaux de la France en matière de lutte contre le changement climatique. S’agissant du projet de parc photovoltaïque au sol prévu sur des terres agricoles, nous tenons à rappeler que ce projet va à l’encontre des dispositions du décret du 19 novembre 2009 posant le principe de la non-utilisation des terres agricoles pour de tels équipements. La CDPENAF [2] consultée en septembre 2019, avait émis après de vifs débats un avis défavorable à l’implantation d’un parc photovoltaïque au sol sur le site de la Boitardière, avis suivi par Mme la Préfète d’Indre-et-Loire.

Par ailleurs le PLUi est également :

  • contradictoire avec le SCoT (Schéma de cohérence territoriale) du secteur qui fixe dans ses objectifs une consommation maximale d’espaces naturels-agricoles-forestiers de 90 hectares pour le développement économique sur 2018-2030, sur l’ensemble de la Communauté de communes du Val d’Amboise ;
  • incompatible avec le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) 2019-2024 de la Région qui exige une « gestion économe de l’espace » ;
  • en contradiction avec la parole gouvernementale actuelle puisque l’ancien ministre de l’agriculture affirmait en avril 2019 lors du congrès en Touraine de la Confédération Paysanne qu’au regard des enjeux alimentaires et climatiques « plus un seul hectare ne doit être artificialisé », et que les premiers ministres demandaient successivement dans deux circulaires aux préfetsde « renforcer la lutte contre l’artificialisation des sols » [3] .

Cela représente à nos yeux un problème de cohérence, mais aussi un problème démocratique, puisqu’il n’est pas normal qu’une collectivité puisse approuver un document d’urbanisme tel que le PLUi sans se mettre en compatibilité avec les schémas présidant à l’aménagement de son territoire. Si les pouvoirs publics laissent ainsi bafouer les outils collectivement mis en place pour protéger le bien commun, ces outils perdent d’emblée tout leur sens et toute leur force. Vous avez indiqué lors d’un récent conseil communautaire que vous pourriez être amené à revenir sur le projet de parc photovoltaïque au sol sur le site de la Boitardière. Si cette information s’avère exacte, nous nous en réjouissons. Néanmoins la Confédération Paysanne et la SEPANT considèrent que cette décision n’est absolument pas suffisante puisqu’elle ne remettrait pas en cause l’artificialisation de près de 120 hectares sur les communes d’Amboise et de Chargé.

Nous vous demandons donc de revoir ce PLUI dans son ensemble pour sauvegarder les terres agricoles et les espaces naturels concernés. Nous nous tenons à votre disposition pour aborder ce dossier, lors de rencontres avec vous, ainsi que pour vous présenter nos structures (syndicale et associative), et nos préoccupations sur les sujets agricoles, ainsi que sur la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous nous tenons à votre disposition pour vous rencontrer afin d’aborder ce dossier, vous présenter nos structures et nos préoccupations sur les sujets agricoles forestiers et naturels. Espérant que vous entendrez notre grande préoccupation et que vous défendrez à nos côtés les terres agricoles et les milieux naturels, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées.

Pour la SEPANT, Pierre RICHARD, le Président
Pour la Confédération paysanne de Touraine, Frédéric GERVAIS, porte-parole

Notes

[1Société d’études, de protection et d’aménagements de la nature en Touraine.

[2Commission départementale depréservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

[3Circulaires datées du 29/07/2019 et du 24/08/2020.