L’automédia de la Zad s’est entretenu avec des zadistes du Carnet en leur posant quelques questions. Nous avons choisi de conserver une retranscription la plus fidèle possible de ce que les personne ont dit à l’oral.
Pourquoi s’être installé ici ?
Z : Parce que j’ai jamais connu de ZAD auparavant et j’ai toujours voulu m’investir dans ce mode de lutte. J’ai toujours voulu connaître le mode de vie communautaire où je peux faire de la politique et en même temps découvrir des activités que je n’aurais pas pu faire autrement.
A : Je suis arrivée avec de la curiosité et je suis restée avec l’envie de m’impliquer dans l’autogestion et mettre les mains dedans pour expérimenter et lutter d’une nouvelle façon. C’est-à-dire passer de la théorie à la pratique et résoudre les défis du vivre ensemble sur une zone qu’il faut défendre perpétuellement.
D : Ce qui est super chouette ici, c’est qu’on peut essayer d’expérimenter une utopie concrète : allier une lutte qui nous tient à cœur, ici la défense d’un espace naturel, et une lutte qu’on trouve légitime. On peut marier ici une tactique d’action directe d’un blocage de travaux pour protéger le vivant avec une vie et une micro société qu’on crée. C’est super fort de pouvoir faire de l’action directe et d’expérimenter d’autres formes d’organisations. D’une part on essaye de vivre en autonomie et émancipée des dominations et oppressions du monde capitaliste et d’autre part on combat ce même monde. C’est une aventure que je trouve fantastique.
D : J’avais déjà expérimenté la lutte en ligne (de façon numérique) et je trouvais ça un peu trop théorique et je voulais expérimenter d’autres moyens de lutter concrètement.
U : C’était pas mal pour passer de la théorie à la pratique. J’étais déjà passé dans des ZAD mais jamais pour y vivre. Je voulais voir ce que c’est d’y vivre et voir tout ce que ça implique, et démystifier l’image du concept de ZAD, toutes les légendes et mythes autour et vivre pleinement l’expérience de la ZAD.
C : Moi j’ai fait beaucoup de théorie avant de faire de la pratique, c’est trop chouette. J’avais lu Kropotkine, Bookchin et j’avais l’impression que c’était un moyen de lutte hyper concret. J’avais plus de maison et maintenant c’est ici ma maison. C’est vraiment cool de vivre dans un espace partiellement libéré et ça donne vraiment l’impression d’être plus en accord avec ses idées ça fait éviter trop de dissonance cognitive.
A : C’est en soutien aux camarades en lutte contre la destruction du vivant par le capitalisme. Ça permet d’expérimenter un mode de vie émancipée du salariat et de construire ici et maintenant le communisme libertaire et l’anarchie.
R : Je voulais protéger les oiseaux.
N : Moi ça fait bien 2 ans que je réfléchis à vivre sur zone, j’ai un travail et tout. Ça fait assez longtemps que je tourne dans ce milieu là, quand j’ai arrêté mon boulot je cherchais une ZAD et j’en ai trouvé une. C’est un moyen de lutte que j’ai déjà expérimenté et que j’apprécie, je vois du sens concret à ce que je fais et voilà c’est ma vie.
E : Ça fait quelques temps que je fréquentais les ZAD et ce milieu d’écologie radicale, et je ne me retrouvais plus forcément dans l’écologie citoyenniste, gentillette. Et du coup il y avait ce besoin de vivre concrètement les idées que je porte et les expérimenter du vivre ensemble, comment on gère les conflits collectivement, comment on vit sans travail, avec moins d’argent, tout ça. Au delà des idées philosophiques qu’on peut porter. C’est un beau bordel mais c’est chouette comme bordel.
Comment vous recevez la décision du port de suspendre le projet ?
T : Méfiance. C’est l’occasion pour le grand port de verdir le projet et de se dire qu’il répond aux injonctions/demandes du conseil scientifique et ça lui donne l’opportunité de justifier d’autant plus le projet auprès des acteurs économiques et politiques, et de l’opinion publique.
Z : C’est aussi l’occasion de mettre en pause un projet un peu pourri, dont ils ne savent pas où il va.
A : Je ne fais pas confiance au grand port qui ne considère pas comme « travaux » le fait d’éradiquer des baccharis au bulldozer c’est-à-dire de décaper la terre de 30 cm au bulldozer.
D : C’est politique aussi. Le grand port maritime est gouverné par la présidente de la région qui est LR et le vice-président du grand port qui est PS, et c’est un moyen de botter en touche.
D : Même si c’est pas une vraie victoire c’est quand même un signe que notre occupation a un effet. Ça montre que le rapport de force paie et qu’ils le prennent en compte et qu’ils sont obligés de s’adapter.
Quel avenir/projets pour la ZAD du Carnet ?
U : ZAD partout.
C : La ZAD c’est pas seulement s’opposer à un projet en particulier mais c’est aussi s’opposer à un projet de société. Que le projet soit annulé ou pas ça ne va pas interrompre notre lutte. Par exemple : la répression policière, les oppression patriarcales, racistes, le basculement totalitaire, etc.
A : La ZAD c’est une représentation physique des luttes qu’on mène de manière générale. Que la ZAD existe ou pas les luttes persistent.
Quels liens vous avez avec d’autres luttes ?
R : Cette lutte est aussi la conséquence de liens entre différentes luttes. Les gens qui ont lancé cette lutte se connaissaient d’autres luttes. On est toujours en lien avec différentes luttes, ici en Loire-Atlantique, à Nantes, mais aussi à d’autres endroits.
N : On est en lien avec d’autres collectifs de lutte, après au niveau de ce qu’on défend on a des liens avec d’autres choses. C’est important la solidarité dans la lutte parce que c’est ça qui fait qu’on va gagner. L’idée ça serait de recréer une internationale écologiste anti-capitaliste.
E : Pour moi c’est vraiment sur les liens que l’on voit la force de la forme ZAD. C’est un lieu de passage où vraiment toutes les luttes peuvent passer. Le fait que les gens sachent qu’ils peuvent venir et lutter ça crée des liens directs, inter-personnels de gens qui sont de divers endroits. Le fait qu’on ait ce lieu physique ça permet de créer ces liens. C’est presque automatique, si t’as une ZAD t’as des liens qui se créent.
T : En participant à la vie de la ZAD on participe à construire la société après le capitalisme, et par conséquent on est en lien avec tous les mouvements dans le monde qui disent non au capitalisme.
Z : les liens avec les autres luttes c’est que justement c’est un point central de convergence. On expérimente tout ici, c’est une façon de lutter pour tout. En langage des oiseaux on peut décortiquer « lieu » en lie-eux. C’est quand on est ensemble qu’on peut faire des actions qui ont de l’impact.
A : Des tentatives de modèles autonomes, d’organisations autonomes affranchis du système. Les liens sont vachement idéologiques, on va pas se leurrer, on s’organise pas avec tout le monde.
D : Le coté internationaliste, avec la Guyane, la montagne d’or. On pense quand même à un coté qui va au-delà de l’océan Atlantique.
D : Peut-être on peut aussi signaler que quand on va sur notre site internet on fait souvent des articles de soutien, donc c’est plutôt visible. On a fait une banderole de soutien pour Roybon, pour la commune de Rezé, pour les lycéens, etc.
U : L’autonomie politique elle est collective, on peut pas la faire dans notre coin on doit faire ça avec d’autres luttes avec lesquelles on est d’accord. On est pas obligé d’être d’accord sur tout mais ce conflit d’idées est aussi enrichissant.