Souffrance en psychiatrie : lutter contre l’enfermement alors que les conditions de travail se dégradent

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L’année 2018 a été marquée par des grèves dures dans le secteur de la psychiatrie, et une dénonciation par les soignant-es des conditions de travail et de soin. On est donc allé à la rencontre d’un groupe de travailleur-euses du secteur, constitué au sein du syndicat SUD Santé Sociaux d’Indre-et-Loire. Pour une discussion sur l’importance de la relation, sur l’enfermement ou sur l’approche autogestionnaire.

La Rotative : On peut commencer par la description des structures dans lesquelles vous intervenez.

Camille : Moi je suis psychologue en psychiatrie adulte sur l’un des secteurs du CHU de Tours. Le CHU compte quatre secteurs de psychiatrie, les gens dépendent d’un secteur en fonction du lieu où ils résident ; théoriquement, ils peuvent choisir leur secteur, dans la réalité ce n’est pas le cas. Dans chaque secteur, il y a un service de psychiatrie complète, des hôpitaux de jour et de la consultation gratuite. Il faut comprendre que, d’un secteur à l’autre, les pratiques peuvent être très différentes. C’est lié au choix d’orientations théoriques des chefs de service, des psychiatres, des équipes. À l’hôpital de Château-Renault et dans mon secteur, on n’envisage pas la psychiatrie, ni même ce qu’est la folie, de la même manière que sur d’autres secteurs du CHU. C’est au niveau idéologique que ça se passe.

Romain : Quand on parle des orientations en psychiatrie, ça peut se traduire à l’extérieur par un spectre similaire au spectre politique. Le soin en psychiatrie, c’est de la politique. Tu peux aussi bien avoir des soignants libertaires que des soignants d’extrême-droite et répressifs. Les courants psychiatriques sont la traduction de la manière dont on envisage l’être humain, du rapport qu’on a à la société. Est-ce qu’on doit transformer les gens pour qu’ils s’adaptent à la société, y compris pour qu’ils s’insèrent dans le monde du travail ? Est-ce qu’il faut les enfermer, les attacher, les contraindre au soin ?

Cécile : Moi, avant de devenir infirmière en psychiatrie, je ne m’intéressais pas du tout à la politique. C’est la psychiatrie, et mon travail, qui m’ont amené à me politiser, à me syndiquer. Pourtant, beaucoup de gens rejettent l’idée que la psychiatrie est politique.

Romain : Le discours scientiste est très fort dans le milieu de la psychiatrie ; le soin y est avant tout envisagé comme une science.

Camille : On peut se demander si la psychiatrie relève de la médecine. Ceux qui recourent aux électrochocs, qui utilisent des électrodes pour aller voir ce qui se passe dans le cerveau, ont plus en tête que c’est de la médecine.

Cécile : On n’appelle plus ça des électrochocs. On parle de « sismothérapie » ou d’« électroconvulsivothérapie ».

Camille : L’un des secteurs du CHU, celui qui compte le plus de médecins, y recourt énormément. Plusieurs fois par semaine, des patients sont emmenés au bloc opératoire pour faire des électrochocs.

La question de la psychiatrie est revenue dans le débat public avec des grèves qui ont été assez médiatisées, à l’hôpital du Rouvray en Seine-Maritime ou à l’hôpital Pinel d’Amiens. Quel regard portez-vous sur ces luttes ?

Cécile : Ces luttes portent sur les moyens d’accueil des patient-es, pas uniquement sur les conditions de travail du personnel. Mais les deux questions sont liées : si tu n’as pas assez de soignant-es dans les services, que les soignant-es ne sont pas formé-es, et qu’ils n’ont pas assez de temps pour travailler et échanger, ces soignant-es ont peur ; et quand tu as peur, tu enfermes les gens, tu les attaches.

Yann : Enfermer les gens, c’est la solution de facilité. Quand on manifeste pour la psychiatrie, nos revendications ne portent pas sur la hausse de nos salaires. Ce qu’on veut, c’est plus de personnel pour mieux s’occuper des gens, et aller contre l’enfermement.

Fabien : En psychiatrie, les questions de conditions d’accueil, d’effectif, de formation, d’organisation du travail dans les unités, déterminent les relations qu’on va avoir les uns avec les autres, et notamment avec les patient-es. C’est là qu’on observe des orientations différentes selon les services : est-ce qu’on considère la relation comme un outil de travail, ou pas ? A partir du moment où on considère la relation comme un outil de travail, un lien s’opère entre les conditions de travail pour soi et les pratiques. La lutte au Rouvray, c’est une lutte de défense de l’outil de travail. Depuis plusieurs décennies, on assiste à une destruction de l’outil de travail, avec une réduction des effectifs pour des raisons d’austérité ou avec l’application d’une orientation scientiste dans les formations. Les formations ont été déstructurées, d’abord avec la suppression du concours spécifique des psychiatres, puis avec la suppression du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique. C’est pour ça que je propose le terme d’outil de travail : tout ça, ça fait partie de l’outil de travail, et c’est ça qui est défendu en réalité.

Camille : Ce n’est pas qu’une question d’effectifs. Si on fait le choix d’être dans la réhabilitation sociale, dans la normativité, si on porte l’idée que tout le monde doit s’adapter à cette société, on peut bien avoir suffisamment d’infirmiers et d’infirmières, ça ne suffit pas. Évidemment, plus on est nombreux, plus on a le temps de la relation. Mais on peut aussi profiter d’être nombreux pour faire des électrochocs tous les jours. Moi, ce n’est pas cette psychiatrie-là que je veux défendre.

Donc, il n’y a pas nécessairement de lien entre une baisse des moyens et la mise en œuvre d’orientations répressives ?

Romain : C’est vraiment une question politique. Tu peux mettre des moyens pour mener une politique de droite... Si on a en tête que les patients doivent être enfermés pour être soignés, ou qu’il faut les soigner malgré eux, ou qu’on va les faire sortir le plus vite possible pour qu’ils se « réintègrent » coûte que coûte...

Camille : Cela dit, moins les effectifs sont nombreux, plus on recourt à l’enfermement.

Yann : Moins on est, plus on va enfermer. On ne peut pas faire autrement. Si tu ne peux pas être avec les gens, tu vas les enfermer.

Camille : Je ne crois pas, malgré tout, qu’il y ait beaucoup de gens qui aient « envie » d’enfermer. L’enfermement arrive quand les conditions de travail se dégradent et qu’on est moins nombreux. C’est quand même pas drôle, d’enfermer quelqu’un.

Romain : Moi je crois qu’il existe des représentations comme quoi l’enfermement est une bonne chose.

Fabien : À mesure que les effectifs de soignant-es diminuent, on constate que l’usage des chambres d’isolement et de la contention progresse. D’ailleurs, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été amenée à taper du poing sur la table en se rendant des structures où des patients étaient « contentionnés » au lit pendant plusieurs mois.

Camille : La CGLPL a notamment publié un rapport très intéressant sur le centre hospitalier de Landerneau, qui travaille sans chambres d’isolement.

Cécile : L’ancien médecin-chef de cet hôpital s’était d’ailleurs fait taper sur les doigts par l’ARS, parce qu’ils avaient peu d’hospitalisation sous contrainte. Pour l’ARS, ce n’était pas possible. Mais l’hôpital de Landerneau avait mis au point un système d’infirmiers d’astreinte très intéressant. Quand une personne arrivait aux urgences, l’examen des dossiers permettait d’identifier avec qui ce patient avait eu de bonnes relations lors de sa précédente hospitalisation ; l’infirmier d’astreinte allait alors remplacer la personne en question à son poste (le cuisinier, la secrétaire, etc.), qui venait dialoguer avec le patient pour le convaincre d’accepter l’hospitalisation.

Fabien : Il me semble que la base d’une psychiatrie émancipatrice, c’est d’abord la prise en compte de la question carcérale. Est-ce que, en tant que travailleurs de la psychiatrie, nous sommes critiques vis-à-vis de la situation carcérale dans laquelle nous sommes ? La psychiatrie repose sur une ambiguïté : c’est à la fois du soin et la reproduction de la situation des prisons à certains égards. Ce que pointe Adeline Hazan dans ses rapports, c’est l’aggravation de l’enfermement des patients.

Concrètement, quand on parle d’enfermement des patients, ça prend quelle forme ?

Romain : Avant même de parler des chambres de sécurité, il faut avoir en tête qu’énormément de patients sont hospitalisés sous contrainte, et qu’ils sont de fait enfermés dans un service, avec éventuellement un régime de permissions de sortie accordées par le médecin. Ça devient la norme, même les patients en hospitalisation libre ont besoin de demander une autorisation pour sortir. La première des privations de liberté, elle est là.

Camille : L’idée derrière, c’est de protéger le patient de lui-même, ou de protéger la société. Moi ce qui me pose souci dans la psychiatrie, c’est la question de l’exclusion. Les hospitalisations sous contrainte sont là pour exclure de la société un individu, à un moment donné et pour une période plus ou moins longue.

Avec une perspective de soin, quand même ?

Fabien : Oui, c’est toujours légitimé par le soin.

Yann : Après, concrètement, on dispose de chambres d’isolement, dans lesquelles les patients sont enfermés. En général, ils ont le strict minimum : lit, matelas, couverture. On va en passer par là quand le patient ne va vraiment pas bien, qu’il est un danger pour lui-même ou pour les autres. A priori, la chambre d’isolement est un endroit où le patient ne peut pas se faire de mal. C’est là qu’on retombe sur la question du manque d’effectif : avec un effectif plus nombreux, on peut imaginer qu’il serait possible d’être suffisamment présent aux côtés du patient pour l’empêcher de se faire du mal ou de faire du mal aux autres, sans en passer par l’enfermement.

Camille : La mise en chambre d’isolement peut être très violente. C’est très impressionnant, en cas d’alerte d’un soignant, de voir surgir en courant plus de dix personnes qui peuvent se jeter sur un patient pour le contraindre physiquement. C’est pour ça que j’ai du mal à imaginer que les infirmières et infirmiers qui, en pratique, mettent en œuvre les décisions d’enfermement, trouvent ça bien de le faire.

Romain : On voit quand même des infirmiers y aller comme à la bagarre – et je ne dis pas ça pour me dédouaner. J’ai vu des soignants effectuer des clés de bras, et assisté à des situations éloignées de prises en charge qu’on peut appeler soignantes ou thérapeutiques.

Temps long et transmission

Camille : Il faut parfois des années de travail pour que la condition d’un patient s’améliore. Or, on voit désormais des psychiatres dont l’idée est de faire sortir les personnes le plus vite possible de l’hôpital pour faire de la place aux suivantes. Dans le même temps, on ne développe pas suffisamment les structures à l’extérieur.

Fabien : Parfois, le turn-over en structure hospitalière est lié à des centres médico-psychologiques (CMP) pleins à craquer. Ils ont réduit le nombre de lits d’hospitalisation sans développer les structures de ville. Des CMP sont engorgés, avec des mois d’attente avant un premier rendez-vous. Il n’y a plus la possibilité de faire un travail relationnel susceptible de calmer les choses. Il y a donc des besoins d’hospitalisation sous contrainte qui peuvent s’enchaîner. C’est dramatique : il faut sortir les patients rapidement pour faire de la place, alors qu’ils ne sont pas complètement apaisés, et on met le doigt dans un engrenage sans fin.

Cécile : Le turn-over des soignants est énorme, et c’est une catastrophe. On ne peut pas tisser de relations avec les patients dans ces conditions. La psychiatrie, ça s’appréhende sur un temps très long.

Camille : Sur cette question, la situation peut varier d’un secteur à l’autre. Il y a bien sûr une question administrative, liée à la précarité des contrats de travail, mais il y a aussi la question des conditions de travail. On peut imaginer que les soignant-es restent plus longtemps dans les services où les conditions de travail sont bonnes.

Cécile : Il y a également un problème de transmission. Les derniers infirmiers de secteur psychiatrique sont en train de partir en retraite. On y perd. L’arrivée de nombreux jeunes soignant-es inexpérimenté-es peut mettre en difficulté un service. Quand l’équipe est tendue, notre capacité d’ouverture à l’autre, aux besoins des patients, s’en ressent. Faute de formation, la peur du patient peut très vite s’installer.

Camille : Si on ne dispose pas des bons outils pour comprendre la folie, on est très vite désemparé. La relation avec le patient est importante, mais il ne faut pas confondre ça avec une gestion « au feeling ».

Cécile : Parfois, on fait face à des situations très impressionnantes. Il faut souvent du temps pour qu’un patient s’ouvre à nous, et on peut avoir avoir le sentiment que sa folie nous pète à la gueule. Mais la perception évolue avec l’expérience.

Romain : Récemment, après un long moment à tenter de faire baisser la tension, on a proposé à un patient agité et violent dont le lit était encore équipé de sangles de contention de l’attacher le temps qu’il se calme. Il a immédiatement accepté, et s’est calmé après un bref temps de contention... On a peut-être eu tort de faire ça, de recourir à cette méthode. Mais au quotidien, au-delà des réflexions qu’on peut mener sur les pratiques, on a souvent le nez dans le guidon et des patients qui semblent intenables : tel patient a cassé la gueule d’un autre, donc on l’enferme ou on l’attache.

Fabien : Les mesures de contrainte peuvent peut-être, dans certaines situations, constituer du soin. Cela oblige à s’interroger sur ce qu’est le soin, c’est très compliqué. Mais ce qui me semble certain, c’est que l’utilisation des chambres d’isolement et de la contention relève avant tout de la sécurité — même si ça peut être plus ou moins connecté au soin. Il est donc parfois nécessaire d’enfermer. Cependant, politiquement, l’enfermement constitue un ennemi à abattre. C’est toujours problématique, et on doit se donner pour objectif d’y mettre fin.

Cécile : À partir du moment où tu autorises ces pratiques, elles s’accompagnent forcément de dérives.

À propos de cafétéria et d’autogestion

Camille : En Indre-et-Loire, plusieurs services se caractérisent par l’existence, en leur sein, d’une cafétéria. C’est un outil de travail fondamental, qui est à la fois un lieu de vie, de rencontre, d’échange, de consommation, un lieu distinct des chambres et des ateliers plus institutionnalisés. Ces espaces incluent un bar, géré par une équipe soignante et un-e ou des patient-es.

Lucas : C’est un espace qui reproduit des codes sociaux qu’il y a à l’extérieur, et auxquels certains patients n’ont pas accès.

Fabien : Ce qui est intéressant avec ces cafétérias, c’est qu’elles permettent de lutter contre le caractère carcéral de la psychiatrie, en favorisant un rapport plutôt égalitaire. Le rapport carcéral se caractérise notamment par l’inégalité très forte entre le détenu et le maton.

Cécile : Pour cela, il faut que ces espaces soient pensés dans cette perspective-là. Ce qui suppose d’assurer une transmission. Sinon, on peut très vite retomber dans un schéma où le soignant-e gère la caisse, pendant que le patient sert les verres et fait la vaisselle. Quand il ne devient pas uniquement un consommateur.

Fabien : C’est une lutte permanente. Parce qu’à la base, la psychiatrie, elle est carcérale. Les asiles, c’était carcéral, même si c’était enrobé d’un truc médical.

Camille : De la même manière, si tu n’es pas vigilant à faire en sorte que le patient soit le plus possible celui qui décide de ce qui va se passer pour lui, on peut très vite basculer dans un schéma où tout est décidé à sa place.

Cécile : Ça peut aller très vite si tu n’as pas de moments pour te poser et réfléchir à ta pratique.

Du coup, l’existence de ce type d’espaces est assez exceptionnel, ça n’est pas quelque chose qu’on retrouve dans tous les services de psychiatrie ? Ça dépend des orientations choisies ?

Fabien : Ce type de pratique est né du mouvement désaliéniste, qui a donné naissance à la psychiatrie de secteur. Ce mouvement avait vocation à transformer la psychiatrie, notamment par le biais de de la psychothérapie institutionnelle. C’est comme cela qu’on s’est mis à sortir les patients de l’hôpital, à créer des soins de ville, à développer des activités thérapeutiques... La psychothérapie institutionnelle puise son origine politique dans la notion d’autogestion, qui est d’abord une revendication du mouvement ouvrier. Tosquelles était un ancien combattant de la guerre d’Espagne, pendant laquelle l’autogestion a été mise en œuvre par des organisations comme la CNT [1]. C’est ce qu’il a essayé d’appliquer, d’abord en tant que psychiatre dans des camps de réfugiés espagnols en France, puis à l’hôpital de Saint-Alban. Je crois que ce qu’on appelle la psychothérapie institutionnelle, c’est simplement la constatation sur le plan clinique des effets de l’autogestion, avec l’abolition de la division du travail et la participation des patients.

Camille : La question de l’enfermement s’est également posée par le biais des infirmiers revenus des camps, qui avaient fait l’expérience de l’enfermement, des privations, etc.

Cécile : Ces soignants ont réalisé à quel point l’asile pouvait ressembler au système concentrationnaire. Dans les vieux bâtiments de l’hôpital où il y avait des douches collectives, on trouve encore les bottes utilisées par les soignants pour laver les patients au jet d’eau.

Le 21 mars était organisée une journée nationale de mobilisation dans la psychiatrie. Y avez-vous pris part ? Sur quelles bases ?

Cécile : Il y a d’abord eu une journée de mobilisation le 22 janvier, à l’appel des soignant-es de l’hôpital Pinel.

Yann : L’une des raisons pour lesquelles on se mobilise, c’est parce qu’on nous demande de plus en plus de travailler comme en médecine, avec un raisonnement sur des actes qui sont cotés. Ça ne correspond pas à notre façon de travailler en psychiatrie.

Cécile : Cette mobilisation, c’est aussi la première fois que des soignants disent qu’ils ne veulent pas attacher les patients, qu’ils ne veulent pas travailler dans ces conditions. Avant, ces pratiques n’étaient pas remises en cause. Tu gérais ça avec ta conscience. Pourtant, c’est extrêmement violent de devoir injecter de force quelqu’un.

Camille : Là, des collectifs se sont constitués pour dire non à cette psychiatrie-là.

Cécile : C’est aussi la première fois que les patients et leurs familles sont intégrés à une mobilisation. Ça va au-delà des soignants.

Romain : Je ne sais pas si c’est la première fois... En tous cas, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas quelque chose de cet ordre. Cette séquence s’est ouverte avec la lutte de quelques établissements... Le Rouvray, Le Havre, Pinel... Des grèves dures, médiatisées, qui se sont installées dans le temps. Le collectif « Pinel en lutte » a ensuite lancé un appel qui a été rejoint par des organisations syndicales, des associations, etc. [2]. Les soignants mobilisés au Rouvray ont bien raconté comment la lutte a d’abord été menée par des personnels non-médicaux, les médecins se rangeant pour leur part du côté de la direction. C’est ceux qui, chaque jour, sont amenés à installer trois ou quatre patients dans des chambres prévues pour deux personnes, à gérer l’ingérable, qui se sont mobilisés. Cela dit, ce qu’ils vivent est sans commune mesure avec ce que nous vivons dans nos établissements.

Cécile : On peut estimer qu’en comparaison d’un établissement comme le Rouvray, on a de la chance. Mais si on ne prend pas les devants, on va finir dans le même état.

Yann : Pour que de telles mobilisations surviennent, il faut atteindre un niveau de ras-le-bol énorme. Au Rouvray, il me semble qu’une patiente s’est suicidée alors que les soignants étaient trop débordés pour s’occuper d’elle. En dehors de conditions exceptionnelles comme celles que connaissent certains établissements, il peut être difficile de mobiliser les collègues. Il faudrait pourtant lutter en amont, avant d’en arriver à engager une grève de la faim.

P.-S.

Les prénoms ont été modifiés. Images tirées du film La fosse aux serpents, 1948.

Notes

[1Syndicat libertaire et anarchosyndicaliste espagnol.