Valls nomme un ami des patrons pour plancher sur le régime d’assurance-chômage des intermittents

Le 19 juin au soir, le premier ministre a annoncé qu’une commission composée d’Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille serait chargée de faire des propositions avant la fin de l’année pour remettre à plat le régime d’assurance-chômage des intermittents. Avec Combrexelle dans l’équipe, les intermittents ont de quoi s’inquiéter.

Jean-Denis Combrexelle est un haut fonctionnaire qui a occupé le poste de directeur général du travail (DGT) jusqu’au mois de mars 2014. Sur le site du ministère du Travail, on peut lire que « la direction générale du travail prépare, anime et coordonne la politique du travail afin d’améliorer les relations collectives et individuelles et les conditions de travail dans les entreprises ainsi que la qualité et l’effectivité du droit qui les régit ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas laissé un excellent souvenir aux fonctionnaires placés sous ses ordres. A l’occasion de l’annonce de son départ, le syndicat SUD Travail - Affaires sociales a publié un tract intitulé Jean-Denis Combrexelle « remercié » : enfin une bonne nouvelle ! Dans ce texte en forme de bilan, on peut lire :

« Du fait de sa connivence avec le patronat et de son mépris des agents de l’inspection du travail et des salariés, il a limité les pouvoirs de contrôle des agents [et] instrumentalisé les services. »

« L’absence d’indépendance du DGT face aux pressions du monde patronal, et son assentiment récurrent aux volontés des employeurs, a eu des conséquences néfastes quant aux droits des salariés, sans cesse rognés, réduits, voire anéantis. Dernier exemple en date, le zèle pour mettre en place les PUCE et des dérogations
pour certaines branches telles que le bricolage (décret republié après son annulation par le Conseil d’ Etat). Les multiples condamnations, de la part des autorités judiciaires, des organisations syndicales, du BIT, de ses agissements disqualifient totalement le parcours de M.Combrexelle. »

Un exemple de la connivence de Combrexelle avec le patronat ? Sur le site Démocratie & Socialisme, animé par Gérard Filoche, membre du bureau national du parti socialiste, on peut lire :

« Liaisons sociales vient de révéler que Denis Gautier-Sauvagnac (« DGS ») l’homme de la corruption qui trafiquait 600 millions d’euros d’argent sale en liquide, pour le compte du patronat, déjeunait chaque mois avec Jean-Denis Combrexelle. On ne sait pas dans quels restaurants ni qui, de « DGS » ou de « JDC », payait l’addition. »

Les rapports entre Filoche et Combrexelle sont notoirement tendus : alors qu’il était encore inspecteur du travail, Filoche avait été « chargé » par Combrexelle dans une procédure l’opposant à la direction de l’entreprise Guinot [1].

Dans l’Humanité, on pouvait lire, à l’époque du départ de Combrexelle du ministère du Travail :

« Nommé superpatron de l’administration du travail sous la gauche en 2001, et courageusement resté à son poste sous la droite, l’homme s’est distingué par une série impressionnante de prises de position propatronales. En 2006, en plein mouvement contre le CPE, il prend publiquement position en faveur du contrat superprécaire. En 2007, il concocte un décret sur mesure pour les sociétés de distribution de prospectus, les autorisant grosso modo à payer les salariés à la tâche. Il faudra deux censures du Conseil d’État pour venir à bout de ce recul social. En 2009, il demande par une note interne aux inspecteurs du travail de «  différer  » leurs contrôles à La Poste [2]. De nouveau, veto du Conseil d’État. »

Le tract de SUD Travail-Affaires sociales donne une idée assez complète des prises de position du personnage. En voici d’autres extraits.

2004 : Assassinat de nos deux collègues le 2 septembre 2004 : aucun soutien de la DGT. [...] Malgré les demandes répétées des organisations syndicales, aucune prise de position publique du ministre ou du DGT, suite à cet assassinat, pour réaffirmer la nécessité d’un ordre public social et la légitimité d’un corps de contrôle des droits des salariés.

2005 : Il signe un prérapport sur le SMIC, prétendant que sa revalorisation chaque année a un impact négatif sur l’économie. Les deux millions et demi de smicards apprécient !

2006-2007 : Au sein de la commission chargée de la recodification du Code du travail, il a nommé Jacques Barthélemy, dirigeant du plus célèbre (et plus riche ?) cabinet d’avocats pro-patronal.

Enfin, c’est Combrexelle qui a piloté la dernière réforme de l’inspection du travail qui a été vivement critiquée par les agents (voir l’entretien publié sur La Rotative avec deux inspecteurs du travail : « La réforme est dangereuse »).

Vu les orientations du gouvernement Valls, il n’y a pas lieu de s’étonner qu’un homme comme Combrexelle ait été choisi pour participer à la commission qui planchera sur la remise à plat du statut des intermittents. Mais vu le penchant pro-patronal du personnage, et compte tenu du désir qu’à le Medef de faire disparaître le statut des intermittents, on souhaite bien du courage à ces derniers. Et on comprend qu’ils aient décidé de poursuivre leur lutte contre l’agrément de la nouvelle convention d’assurance-chômage suite aux annonces du premier ministre [3].

Illustration : des intermittents redécorent la permanence du PS à Amiens. Image tirée d’une vidéo du Courrier Picard.

Notes

[2Et ce alors que l’entreprise, qui vient de changer de statut est pourtant juridiquement assujettie en partie aux dispositions du Code du travail et au contrôle de l’inspection du travail.

[3La nouvelle convention d’assurance-chômage ne concerne pas que les intermittents, mais tous les salariés, chômeurs, intérimaires et autres précaires. Pour plus d’infos, consulter le site de la CIP-IDF : http://www.cip-idf.org