On a lu pour vous le dossier de L’Express consacré au maire de Tours

Régulièrement, l’hebdomadaire se fend d’un supplément spécial consacré à Tours, souvent pour parler d’immobilier. Une manière de doper les ventes dans la ville. Après un dossier consacré à La Nouvelle République il y a quelques mois, le journal a décidé cette fois de se pencher sur le cas de Serge Babary, posant cette question : « Est-il à la hauteur ? ».

Le placement au ras-du-sol de l’affichette faisant la promotion du dossier ne doit pas tromper le lecteur : en fait, L’Express ne répond pas à la question qu’il pose, et ne dit pas si le maire est, ou non, à la hauteur (de quoi ? de qui ?).

Mais le dossier contient quand même quelques éléments amusants (à défaut d’être intéressants), et on vous propose de les découvrir si vous avez eu la flemme de vous traîner jusqu’à la bibliothèque centrale.

Désenchantement, doute, insatisfaction

Apparemment, le maire n’est pas complètement ravi de sa situation. A la lecture de l’article et des citations qu’il contient, on aurait presque pitié de lui. Florilège :

« Après tout, les dix-huit premiers mois de Serge Babary à l’hôtel de ville ne lui ont pas livré tant de satisfaction. »
« Derrière le ton vif et combatif de l’édile se glisse comme une pointe de désenchantement. »
« Serge est parfois fatigué, voire exaspéré, par l’attitude hostile de l’opposition (...). »
« C’est dur d’assumer le pouvoir local. J’ai parfois des moments de doute. »

Peut-être est-ce lié au fait que la droite, comme le dit pudiquement le journaliste, « n’était pas franchement préparée » à prendre le pouvoir. Une impréparation qui se traduit par un amateurisme criant dans un certain nombre de domaines (ça c’est pas dans l’article, qui reste plutôt gentil, c’est nous qui le constatons) [1], et qui doit jouer sur l’humeur du maire.

« Le bal des prétendants »

Apparemment ça se bouscule derrière le maire, gentiment qualifié de « vieux sage libéral » par le journaliste en charge du dossier. Un de ses adjoints semble plutôt le qualifier de vieux crouton, si l’on en croit ce passage : « "En 2020 [2], le maire fêtera son 74ème anniversaire", rappelle un adjoint, d’un air entendu ». En vrac, Coulon, Bouchet, Dateu et Lebreton seraient sur les rangs, même si Babary n’a pas encore déclaré s’il se représenterait ou pas — « il refuse d’attiser la guerre des chefs ». Tout ça promet de franches parties de rigolade dans les années à venir, surtout si on a droit à des numéros dignes de celui de l’éviction de Thibault Coulon de la liste de la droite aux élections régionales.

On fait l’bilan, calmement

Dès la deuxième page de l’article, un membre de la majorité, Thibault Coulon, donne son point de vue sur le respect des promesses effectuées pendant la campagne :

« Nous avions promis la stabilité fiscale et nous avons augmenté les impôts ; nous avions promis de créer un grand événement pour faire rayonner la ville dès 2015, il n’a pas eu lieu ; nous avions promis d’arrêter le bétonnage de Tours Nord, il continue... »

A l’entendre, on est donc loin du compte. Plus loin, le dossier comprend une partie « Où en sont ses promesses ? ». Et le seul bon point accordé au maire concerne la sécurité. Ce qui est généreux, vu que Babary n’a fait que poursuivre la politique de son prédécesseur : prendre des arrêtés anti-pauvres en centre-ville et déployer des caméras de vidéosurveillance. Mais comme c’est un peu le seul axe sur lequel il semble respecter ses promesses, le maire tient beaucoup à ce qu’on ne relativise pas le niveau de délinquance à Tours [3].

Une partie « rayonnement » évoque la Cité de gastronomie, qui « demeure à l’état embryonnaire », l’anniversaire de saint Martin, l’ouverture du centre de création contemporaine Olivier Debré (CCCOD, toujours en travaux) ou la tenue en 2016 des Assises du journalisme, tout en notant qu’« il en faudra sans doute plus pour rendre [Tours] incontournable ». Caramba, encore raté.

Enfin, sur l’emploi, le journaliste donne la parole à Coulon, qui « se pousse un peu du col » d’après Bouchet, en se vantant d’être à l’origine de la « French Tech Loire Valley ». Dont la candidature n’a pas été retenue... Généreux, l’article ne revient pas sur le fiasco de l’école de commerce de Tours, qui pourrait pourtant être mis au crédit de Babary.

Étonnamment, il n’est pas question du bilan du maire en matière sociale. Mais ç’aurait sûrement été un peu trop déplaisant.

Babary au « scanner »

L’exercice se termine par une page présentant la bio et le profil du maire. On apprend que « l’adversaire politique qu’il respecte le plus » est Jean Germain, dont il dit : « Je l’ai connu sur les bancs du collège. Nos engagements politiques nous ont opposés mais jamais, pendant plus de cinquante ans, nous n’avons manqué de respect l’un à l’autre. » Cette dernière phrase en forme d’hommage est presque touchante, mais il faut la mettre en regard d’un passage du livre Enquête sur un suicide politique consacré à Jean Germain [4]. L’ancien maire de Tours, après avoir reçu un texto de Babary lui souhaitant « bon courage » à quelques jours de son procès, se serait tourné vers sa compagne pour lui dire : « Quel faux-cul, ce Serge Babary ! » Voilà pour le respect [5].

On apprend aussi que le maire aime l’omelette aux champignons et le vin de Touraine un peu frais, ce dont on se fout pas mal.

Et puis, quand on lui demande quel lieu représente le mieux Tours, il répond : « La percée Grammont, la rue Nationale, le pont Wilson, l’avenue de la Tranchée ». Là, ça laisse quand même songeur... Est-ce parce qu’il aime tant ces lieux qu’il a décidé de vendre le haut de la rue Nationale au groupe Hilton pour qu’il y installe des hôtels de luxe sous forme de tours de sept étages ? Ou dit-il ça pour rassurer les investisseurs sur la pertinence de leur choix ?

Au final, s’il est parfois amusant, le dossier réalisé par Benjamin Peyrel est quand même bien creux, et relativement complaisant. Suffisamment pour qu’il soit apprécié de la mairie, et relayé sur différents réseaux par l’attachée de presse du maire, par l’adjointe Françoise Amiot, etc.

Rappelons que l’exercice n’a pas vocation à faire une analyse approfondie des politiques menées, ou à éclairer sous un jour nouveau les actions entreprises par la municipalité : il s’agit simplement de doper les ventes de l’hebdomadaire dans la ville sur une période donnée, grâce à une couverture alléchante. Et tant pis pour la qualité de l’information.

Notes

[1Voir par exemple l’improvisation de l’adjointe au commerce, Balleteros, lors du conseil municipal du 17novembre.

[2Date des prochaines élections municipales.

[3A ce sujet, voir le point 64 du conseil municipal du 6 juillet 2015.

[4Qu’on vous déconseille fortement, tant il est creux et mal écrit.

[5Il paraît que la lecture de cette anecdote a mis le maire très en colère.