Le samedi 10 janvier, un rassemblement devait avoir lieu à l’endroit où Bertrand « Bilal » Nzohabonayo est mort le 20 décembre 2014. L’objectif était d’une part de rendre hommage au jeune jocondien de 20 ans, et d’autre part d’appeler d’éventuels témoins de la scène à se faire connaître, deux versions s’affrontant toujours dans cette affaire : celle de la police, qui affirme que Bilal s’est présenté de lui-même au commissariat pour poignarder des policiers, et celle selon laquelle Bilal aurait été interpellé par les policiers et emmené de force au commissariat.
A ce stade, l’appel à témoins lancé par le procureur de Tours lors de sa conférence du presse du 31 décembre n’a pas donné de résultat, mais il faut noter qu’il invite les témoins à se tourner vers la direction régionale de la police judiciaire d’Orléans. Témoigner contre des flics devant des flics ? Peu de chance que ça marche, vu la pression habituellement rencontrée.
Donc, certaines personnes voudraient que toute la lumière soit faite dans cette affaire, sans se contenter de la version servie par les flics et le procureur. Une « provocation » pour le syndicat Unité SGP Police, qui a réagi au quart de tour en apprenant la veille du rassemblement qu’un dispositif de maintien de l’ordre était prévu par le préfet. Sous le titre « Je suis policier à Tours et je veux que l’on me respecte ! », le délégué syndical écrit :
« Notre organisation ne peut tolérer une telle provocation et organisera lui aussi un rassemblement de Policiers afin de défendre les Policiers ainsi que les valeurs de la république ! »
Résultat, sous la pression de ces valeureux flics républicains, le préfet a décidé de prendre un arrêté interdisant le rassemblement devant le commissariat :
« Considérant que, pour prévenir tout risque de trouble à l’ordre public et assurer la sécurité des personnes et des biens, il y a lieu d’interdire la tenue de cette manifestation non déclarée devant et aux abord du commissariat de Joué-lès-Tours. »
De fait, le risque de trouble vient de la volonté des flics de manifester « afin de défendre les valeurs de la république ». Que des personnes émues par la mort d’un fils, d’un frère ou d’un ami puissent remettre en cause la version officielle, c’est une « provocation », et ça mérite bien un gros coup de pression.
A noter, sur le tract, à côté du logo d’Unité SGP Police, ce merveilleux « JE SUIS POLICIER » faisant écho à la mobilisation en soutien aux victimes des attaques contre le journal Charlie Hebdo et l’épicerie casher de la porte de Vincennes, à Paris. Manière délicate de ranger ceux qui osent s’opposer à la police dans le camp des frères Kouachi et de Coulibaly.